Les éditeurs européens musclent leur R&D…. pour titiller la Silicon Valley ?
SAP reste toujours le n°1 du logiciel en Europe sur un marché en croissance en terme de chiffre d’affaires. La édition européenne du Truffle 100 laisse également entrevoir l'émergence d'éditeurs qui n’hésitent pas à privilégier la R&D au détriment de leur profit.
« L’industrie du logiciel en Europe est prospère. » C’est ainsi que Neelie Kroes, la Commissaire européen chargée de la société numérique a présenté les résultats du dernier classement des 100 premiers éditeurs de logiciels en Europe. Réalisée par Truffle Capital, en partenariat avec le IDC et le CXP, cette édition européenne du Truffle 100 révèle en effet un chiffre d’affaires du secteur en augmentation de 11% en un an. Les 100 premiers spécialistes du logiciel européens ont ainsi généré 41,1 milliards d’euros de revenus. En croissance, même si les revenus générés par les acteurs européens sont globalement infénieurs au seul CA d'un éditeur comme Microsoft, qui pour l'année fiscale écoulé a enregistré un CA de 77,85 Md$.
Sans surprise, les cadres du secteur en Europe restent les mêmes. SAP confirme dans cette édition sa place de n°1 du logiciel en Europe (16,2 Md€). Une position qui le place bien loin devant le n°2 européen, le français Dassault Systèmes (2,03 Md€) et devant Sage 3e. Hexagon prend la 4e place et remplace Wincor Nixdorf classé 5e. Notons que Software AG rétrograde d’un rang, de la 6e à la 7e place. Cette édition du Truffle 100 relève également une tendance à la concentration, les 5 premiers éditeurs réalisant 53% du CA total des éditeurs européens.
L'une des bonnes nouvelles de ce classement est que les éditeurs français sont mieux représentés que les années précédentes. Alors que seuls 17 éditeurs hexagonaux figuraient dans le Trufle 100 l'an passé, ils sont, cette année, 19 à s’être classés dans ce Top 100. Même constat en terme de CA : la part des éditeurs français passe de 4,04 Md€ en 2011 à 4,34 Md€ dans ce classement.. La France se classe ainsi 3e du Truffle 100 derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne - pays d’origine de SAP rappelons-le.
R&D avant les profits
Même si l’industrie affiche une courbe ascendante, résume Bernard-Louis Roques, Directeur Général et co-fondateur de Truffle Capital, les profits du secteur quant à eux sont inférieurs à leur niveau de 2011. Pour autant, il ne faut pas y voir un point négatif, ajoute-t-il, en substance. Car cette baisse de profit est notamment la conséquence d’une hausse des investissements en R&D, qui en 2012 ont bondi de 20 %; indique le dernier comptage effectués auprès des 100 premiers éditeurs de logiciels en Europe. Les emplois en R&D ont quant à eux cru de 6% . « Le montant des investissements est même supérieur à celui des profits », explique Bernard-Louis Roques.
Selon lui, il faut y voir la preuve que « les éditeurs sont optimistes et misent sur l’avenir », en poussant notamment vers le cloud, et surtout le Saas qui selon lui truste l’essentiel des dépenses en R&D en Europe. Pas d’évolution, mais un changement de génération donc, où les éditeurs travaillent à de futurs produits et initient des projets Saas qui impliquent de modifier leur modèle économique et de penser à une nouvelle génération de logiciels, commente-t-il.
Des clusters du logiciel qui doivent s’unifier
Et justement en matière de R&D, la France n’a visiblement pas à pâlir, nous apprend une autre étude réalisée par le Fraunhofer Institute, et dont l’objectif était de classer les différents clusters du logiciels en Europe (http://www.softwareclusterbenchmark.eu). Ce rapport a ainsi classé la région Ile-de-France parmi les 15 premières régions les plus influentes en Europe en matière de logiciel. Distinguant la zone francilienne, des clusters à Londres ou encore en Allemagne en matière d’emploi - le logiciel français embauche - , de capital humain et de dynamique d’entreprise. L’ile-de-France semble ainsi fournir un terreau satisfaisant pour les entreprises du logiciel, notamment de part son noyau, Paris, et sa population importante, qui la distingue des autres centres en Europe. La région reste ainsi forte dans la plupart des indicateurs. Mais elle souffre proportionnellement « d’un chiffre d’affaires étonnamment bas », nuance ce benchmark européen. L'institut de recherche allemand se veut toutefois positif : il note que « ce mélange de région métropolitaine avec une spécialisation dans les services axés sur la connaissance et dans les services informatiques est à l'origine, tout comme avec Londres, autant d'un bon classement que des perspectives très positives quant au développement futur. »
Si ce benchmark a permis d’identifier 15 hauts lieux du logiciel en Europe, cela suffira-t-il à rivaliser avec la Silicon Valley américaine, qui aujourd’hui reste le premier moteur de l’innovation en matière de logiciels ? Peu probable si l’on considère chaque cluster individuellement, résume l’étude, mais l’Europe dispose de toute l’expertise nécessaire pour être compétitive si l'Europe travaille à une approche plus unifiée. C’est notamment le point de vue de Karl-Heinz Streibich, CEO et fondateur de l’éditeur allemand Software AG, intervenant dans une conférence de presse, qui pointe du point un marché européen « fragmenté », l’opposant à l’approche monolithique des Etats-Unis. Un manque d’unicité et de politique commune également pointé du doigt par Bernard-Louis Roques, qui évoque l’absence d’un Small Business Act à l’européenne. « Un souhait de tous les éditeurs en Europe », affirme-t-il, évoquant un désavantage des entreprises du logiciel en Europe - « ne pas être capable de dépenser l’argent public dans le logiciel européen, comme le font les Etats-Unis ». A cela s’ajoute un niveau d’investissement bien inférieur à celui aux US, poursuit-il. L’Europe du logiciel a-t-elle de quoi faire de l’ombre à la Silicon Valley ?