Ces adeptes de BlackBerry qui quittent le navire
Longtemps utilisateurs de BlackBerry, ils quittent la plateforme sans envisager de retour. Pourquoi et comment.
Client de longue date de BlackBerry, Norm Waslynchuck a du prendre une décision. Fin 2012 s’est présentée l’opportunité pour son entreprise de Toronto, Abell Pest Control, de réévaluer ses options de mobilité d’entreprise. Consultant IT vétéran, embauché un an plus tôt, Waslynchuck devait déterminer le meilleur choix. Il a longtemps recommandé BlackBerry en raison de la qualité de ses produits. Mais l’an passé, les professionnels tels que lui ont attendu en vain des nouveautés du Canadien. Des nouveautés qui les retiennent de migrer vers des pâtures plus verdoyantes - iOS et Android.
« Je me suis rendu à BlackBerry World, à Orlando, cette année-là », explique Waslynchuck. « L’attente pour un nouveau produit était très forte. Nous avons attendu, attendu, attendu encore. Et ils ont donné ses produits BlackBerry en phase alpha aux développeurs. Les autres n’ont rien eu. » Malgré son long historique avec BlackBerry, Waslynchuck se déclare déçu par les difficultés de l’entreprise et par son incapacité à rester dans la course face à ses concurrents.
Précédemment, Abell administrait une centaine de terminaux BlackBerry dans son inventaire mobile. Et il y a encore quelques années, une bonne partie de ses équipes de terrain n’utilisaient que des téléphones limités à la voix. Désormais, près de l’ensemble des équipes d’Abell utilise Android. De nombreux cadres utilisent des iPhone et il ne reste plus qu’une poignée d’utilisateurs de BlackBerry. D’ici un mois, Waslynchuk prévoit même de retirer son serveur BES 10 de production pour adopter les outils d’administration de mobilité d’entreprise (EMM) d’AirWatch. « Environ cinq utilisateurs vont devoir remplacer leurs Q10 et nous ferons cadeau des autres appareils [BlackBerry]. Nous n’avons aucun besoin de les garder », explique-t-il.
Quelle est la meilleure alternative ?
Ce n’est pas une secret : les professionnels de l’IT s’éloignent de BlackBerry depuis un certain temps. Les analystes estiment que les capacités entreprises renforcées des autres terminaux, les mauvaises décisions de BlackBerry et son futur incertain, ont conduit les entreprises à passer à des plateformes plus attractives telles qu’iOS, Android et Windows.
Pour Chris Hazelton, analyste et directeur de recherche chez 451 Research, le déclin de BlackBerry en tant que fournisseur de référence a commencé en mai 2008. Certes, son cabinet a observé quelques reprises d’intérêt mi-2012 et mi-2013, mais le Canadien ne se classe plus qu'au 3e rang des terminaux préférés.
Citant une étude de ChangeWave Reasearch portant sur plus de 1500 décideurs IT sondés en août dernier, Hazelton relève que 63 % des répondants envisagent des iPhone pour leurs employés, contre 43 % des terminaux Android, 28 % des BlackBerry et 9 % des Windows Phone. « Le marché a vraiment évolué. De nombreuses entreprises passent au BYOD, mais nous observons toujours une bonne part d’entreprises achetant des terminaux pour leurs employés », relève-t-il. Et d’ajouter qu’il conseille à ses clients de se préparer à abandonner BlackBerry depuis la fin septembre. Une recommandation motivée par les multiples doutes sur les perspectives du Canadien.
« La présence de BlackBerry dans les entreprises s’est doucement érodée », juge Benjamin Robbins, associé du cabinet de conseil en mobilité Palador. « Les dernières nouvelles sont une raison supplémentaire pour les entreprises pour quitter la plateforme. » Mais il ne semble pas y avoir d’alternative clairement affirmée. Le choix dépendra des besoins spécifiques des entreprises et des préférences des employés. « De nombreuses entreprises adoptent une approche multi-plateformes, explique John Marshall, Pdg d’Airwatch. Il semble qu’il y ait une légère préférence pour Apple, mais il est important que les entreprises examinent toutes les options. »
Waslynchuk explique qu’il y avait de multiples raisons à préférer plutôt les terminaux Android à ceux d’Apple, notamment la possibilité d’accéder à des appareils plus « durcis » pouvant être utilisés sur le terrain, la présence d’applications plus utiles dans le cadre de son activité, et l’option de remplacer aisément les batteries. « Les techniciens peuvent être rugueux avec des appareils. Et il n’y pas d’iPhone durci », souligne-t-il. Les terminaux Apple qu’il administre pour les cadres relevaient principalement d’un choix personnel des utilisateurs.
AirWatch est la solution d’EMM qu’il a retenue pour Abell. Selon lui, elle est excellente pour administrer les terminaux Android et Apple et Airwatch a apporté « beaucoup d’innovation » à son produit, jusqu’à permettre d’encapsuler les applications et proposer des fonctions comparables à celles d’un Dropbox. Les quelques terminaux BlackBerry restants fonctionnent mieux avec le BES 10 qu’il prévoit de retirer de la production : « BlackBerry ne nous laisse rien faire avec ses terminaux. »
Il reste des loyalistes
Mais BlackBerry a encore ses supporters, dont Michael Finneran, analyste mobilité et président de dBrn Associates : « BlackBerry fait un bon produit et ils ont encore une base installée fidèle. […] Mais ils ne retrouveront pas leur gloire passée. Ce qu’ils avaient n’a plus rien d’unique. » Toutefois, le clavier physique des BlackBerry reste un point positif pour certains professionnels, selon Finneran, ainsi que sa sécurité qui a fait sa renommée. « C’est encore, selon moi, la meilleure sécurité », relève-t-il, ajoutant que « c’est un bon outil de travail et une solution bien pensée ».
La semaine passée, BlackBerry a revendiqué 20 millions de nouveaux utilisateurs de sa messagerie instantanée, BBM, après son lancement sur iPhone et Android, pour un total de 80 millions dans le monde entier. Finneran ne pense pas que BlackBerry disparaîtra du jour au lendemain. Mais il recommande aux professionnels de l’IT d’avoir toujours une alternative : « Vous ne voulez pas vous retrouver brutalement sans solution. Personne ne connaît le scénario de fin de l’histoire. Je ne peux pas imaginer ce qui se passerait s’ils perdaient la possibilité d’apporter leurs services aux entreprises aujourd’hui. »
Waslynchuck ne veut justement pas être pris de court en matière d’EMM et c’est pour cela qu’il a décidé de quitter celui qui fut longtemps un leader de l’industrie : « je doute que nous reviendrons à BlackBerry. Nous avons significativement investi en formation et en temps pour passer à Android. »
Adapté de l’anglais par la rédaction