Entretien avec Carine Braun-Heneault, Red Hat France
LeMagIT s’est entretenu avec Carine Braun-Heneault, Country Manager de Red Hat France, nommé à l’été dernier. L’occasion pour elle de revenir sur le positionnement de Red Hat en France et de ses relations avec les entreprises hexagonales.
LeMagIT s’est entretenu avec Carine Braun-Heneault, Country Manager de Red Hat France, nommée à l’été dernier. L’occasion pour elle de revenir sur le positionnement de Red Hat en France et de ses relations avec les entreprises hexagonales.
LeMagIT. fr : Quelle est l'empreinte de Red Hat en France et quelles sont les lignes de produits qui enregistrent la plus forte croissance ?
Carine Braun-Heneault : On trouve des clients dans les très grandes entreprises, comme BNP, les opérateurs telcos comme Bouygues, SFR et Orange. Tous à l'exception de Free. Dans le secteur public également. On en trouve également dans l'industrie comme Sanofi, Airbus, Air France. Toutes les entreprises du CAC 40, de près ou de loin, à quelques exceptions près, sont clientes de Red Hat. Elles ont vite compris l'intérêt de l'Open Source et de Linux depuis plusieurs années. Ces clients sont confortés dans leurs choix et on a l'impression que notre empreinte est grandissante auprès de ces clients en France.
A côté, nous avons des clients de plus petite taille, des PME, qui s'interrogent sur le fait de monter un SI flexible et agile, avec des coûts raisonnables, sans être verrouillés par des éditeurs propriétaires et qui se tournent vers nous. Nous disposons d'une équipe dédiée qui travaille avec les partenaires pour couvrir ce segment. La couverture est l'une des clés du succès. Ce qu'attendent les clients, ce n'est pas uniquement une technologie, mais également l'approche solution que nous apportent les partenaires.
Si je positionne Red Hat France par rapport au monde et l'Europe, Red Hat France est une entreprises très importante. Dans le trios des filiales les plus importantes aux côtés de l'Allemagne et du Royaume-Uni.
LeMagIT. fr : S'agit-il uniquement des clients Red Hat Linux ?
C.B-H : Non, ce n'est plus vrai. Mais quand les clients sont satisfaits de la plate-forme, il s'agit d'un levier pour aller proposer un autre type d'offre, comme le serveur d'applications, le middleware, le stockage ou le cloud. Il s'agit d'un tremplin. Nous avons aussi des clients avec lesquels nous entamons une collaboration via JBoss pour remplacer un système existant ou pour s'équiper. Généralement avec JBoss, il s'agit de remplacer de l'existant qui coûte cher. L’entreprise veut challenger ses fournisseurs classiques et pense que Red Hat est une alternative pertinente d'une point économique et technique. Aujourd’hui, par exemple, nous abordons le cloud avec des clients sans pour autant avoir un passif Linux. On essaie certes de capitaliser sur notre base installée, mais on répond également à des sollicitations avec nos nouvelles lignes de produits.
Aujourd'hui, Red Hat Entreprise Linux représente 62,9% du marché des distributions Linux pour entreprises dans le monde. Nous sommes reconnus et nous avons une place prépondérante. Nous sommes en mesure de présenter des propositions de valeur avec de nouvelles offres. Il ne suffit pas de dire que nous sommes Open Source pour signer des contrats. En revanche, avec ce modèle économique et le modèle de souscription, les clients se sentent aujourd'hui plus à l'aise.
LeMagIT. fr : Mais avec quelles lignes de produits Red Hat France gagne-t-il de l'argent ?
C.B-H : Il est vrai que Linux est aujourd'hui une part importante de notre activité. Car nous sommes connus pour ça. Quand les clients démarrent avec nos produits, ils ont également la possibilité d'étendre leur système avec nous. Mais, on connait également une forte croissance sur les gammes de produits JBoss, du serveur d'applications au middleware, comme Fuse [un ESB racheté à Progress Software et intégré à la pile JBoss], les outils BRMS avec les applications business. Et les solutions alternatives avec lesquelles Red Hat peut venir challenger ses concurrents, pour remplacer les systèmes existants qui ont des coûts récurrents de maintenance. Les chiffres Jboss sont ainsi structurants dans les chiffres de la France. Deux lignes sont ensuite émergentes, car plus récentes : le stockage, où nous disposons de cas d'usage spécifiques. Nous n'irons pas attaquer frontalement EMC. Cela ne nous intéresse pas. Mais nous avons les moyens de les challenger, sur des cas d'usages bien identifiés. On a réalisé plusieurs dizaines de PoC [Proof-of-Concept] sur Red Hat Storage qui nous laisse croire que l'on a notre place.
La ligne de produits qui enregistre beaucoup d'activité est celle du cloud, où l'on a également réalisé de nombreux PoC. On estime que le marché n'est pas complètement mûr. On participe à son éducation et l'on apprend nous-même en avançant. Le fait que Red Hat soit un contributeur à OpenStack nous positionne vraiment comme un acteur agnostique du Cloud. Donc aujourd'hui, on fait des PoC et j'ai espoir que cela donne de bons résultats.
LeMagIT. fr : Red Hat Linux est pourtant peu présent chez les hébergeurs cloud en France.
C.B-H : Je sais qu'on est néanmoins très actif. On va bientôt annoncer un accord avec eNovance et des relations très étroites sont nouées avec Cloudwatt. Il existe également des réflexions d'offres cloud chez les opérateurs. Notre offre cloud intéresse également les entreprises privées qui réfléchissent au cloud privé. Il n’y a pas une seule entreprise qui n'y pense pas dans nos clients. Maintenant, la transformation varie en fonction des entreprises, selon certaines contraintes qui leur sont propres. Tous nos clients y pensent. Certains sont plus avancés que d'autres. On essaie de les éduquer. Les plus avancés mettent en place des PoC.
LeMagIT. fr : Les partenaires étaient un axe clé lors de votre nomination. Quelles stratégies pour la France ?
C.B-H : Les partenaires sont la voie royale pour se multiplier. Il s'agit d'un axe stratégique pour Red Hat. Au niveau mondial, l'entreprise réalise 70% de son chiffre d'affaires avec ses partenaires - la France n'est pas loin de ce niveau. On a reconnu l'importance de ces canaux. Nous avons déplacé 500 partenaires lors de notre événement qui s'est tenu à Madrid. Notre patron monde des ventes y a déclaré qu'à horizon 2018, 100% du business de Red Hat serait indirect. En France, on exécute cette stratégie. On travaille avec les ISV, avec les partenaires qui apportent des solutions pour devenir un partenaire métier des clients. Au niveau de l'OS, on est le partenaire de l'IT, mais avec nos nouvelles offres, on monte en valeur métier. Et les partenaires y sont essentiels. On a mis en place des programmes pour les recruter et les certifier. Notre réseau comprend des partenaires autour de Red Hat Storage et nous sommes en train de promouvoir des solutions de type archivage légal de documents et un Dropbox-like Open Source. C'est la bonne combinaison entre notre solution et le savoir-faire d'un partenaire. Sur Red Hat Storage, nous travaillons par exemple avec Pydio qui propose une alternative Open Source à Dropbox.
LeMagIT. fr : Red Hat est peu intégré dans les ministères en France. Comment compte faire Red Hat pour rentrer un peu plus dans le secteur public en France ?
C.B-H : Aujourd'hui, le secteur public compte de plus en plus dans nos revenus en France. Les services financiers sont en premier, les telco en deuxième et le secteur public en troisième. Il y a une vraie réflexion dans les ministères et dans le secteur public en général, autour de l'Open Source, notamment via la circulaire Ayrault. On a notre positionnement à défendre dans cette communauté Open Source par rapport à des acteurs plus ou moins gros et à défendre notre modèle économique, par rapport à l'Open Source gratuit : offrir à ces clients tout ce que l'Open Source a de bien avec en plus des plates-formes prêtes à être industrialisées, sécurisées, certifiées, et dotées d’une durée de vie importante (RHEL est supportée pendant 13 ans). Pour avoir une prédictibilité de leur coût dans la durée.
LeMagIT. fr : L'administration ne fonctionne pas avec des briques aussi packagées. Cet argument de la solution peut répondre aux problèmes du secteur public en France ?
C.B-H : Je pense que les administrations ont les mêmes contraintes, par certains égards, que les entreprises. Il faut qu'elles justifient des choix, que ces choix soient pérennes, qu'ils couvrent les risques, que les partenaires soient aussi pérennes. Aujourd'hui, le ministère de l'Education Nationale est un de nos clients.