Entretien avec Nicolas Costemalle, Directeur IT Field EMEA de SAP

Nicolas Costemalle, Directeur IT Field EMEA de SAP, revient avec LeMagIT sur les strategies de déploiements de technologies mobiles

LeMagIT : Est-ce un avantage pour une DSI de déployer en interne des applications de mobilité quand la société à laquelle on appartient commercialise ce type de solutions ?

Nicolas Costemalle : Non seulement ça aide mais je dirais que c’est primordial ! Les applications mobiles sont devenues un élément de productivité pour les collaborateurs. C’est également un élément d’amélioration des échanges avec les clients et les partenaires. Et tout cela constitue une magnifique vitrine de notre savoir-faire, de notre technologie, de nos solutions dont,  en particulier, notre plateforme de mobilité SAP Mobile Platform,

 

 

LeMagIT : Est-ce que cela signifie que votre DSI sert de banc-test pour éprouver les solutions avant de les proposer aux clients de SAP ?

N.C : Tout à fait. La DSI se positionne comme le premier utilisateur de toutes les solutions SAP. Cela nous permet de remonter le feed-back vers le développement. Avec les applications de mobilité, cela s’est donc passé tout naturellement. Et même un petit peu plus,  dirais-je. Le fait d’aller massivement vers la mobilité et de proposer des applications nous a vite fait prendre conscience des problématiques de sécurité et de besoins nouveaux. Les collaborateurs exigent que leurs documents soient sécurisés sur tous les « devices » qu’ils utilisent alors qu’ils ont tendances à recourir à des applications externes selon leurs besoins. L’IT chez SAP est donc  devenue force de proposition pour doter nos utilisateurs des solutions alternatives  « maison ».   De ce fait, certaines applications sont devenues des produits aujourd’hui présents sur la  « price list » de SAP.

 

LeMagIT : Globalement,  quelle est l’approche de SAP en matière de mobilité pour ses propres besoins?

N.C : Comme toutes les entreprises, et je l’ai constaté sur l’étude réalisée pour l’Observatoire de la mobilité -  nous avons commencé dans  les domaines de communication et de collaboration. En 2009, nous étions principalement Blackberry. Nos applications concernaient donc les échanges de mails, de calendriers, de contacts, etc. En 2010, décision a été prise de basculer vers la mobilité et de devenir totalement agnostiques vis-à-vis des fabricants de terminaux et de leur OS. Cette étape a été déterminante pour nous.

En décidant une démarche massive vers la mobilité, nous avons immédiatement réalisées des applications de productivité, globalement des  workflows pour que les collaborateurs puissent réaliser leur notes de frais, leur  « time recording », que les managers valident les demandes de congés ou d’achats, etc.

Nous avons ensuite travaillé sur l’information afin que les employés disposent de toutes les infos (sur SAP, sur tous les types de métiers, etc.) business et veille technologique nécessaire à leur fonction.

Et dans un troisième temps, nous nous sommes penchés sur les applications métiers. Puisque SAP en développe, il était naturel d’y arriver.

 

LeMagIT : Quels sont les populations concernées par les applications de mobilité au sein de l’entreprise?

N.C : Les ventes (avec l’avant-vente)  et le Top management ont été les premiers demandeurs de ces solutions mobiles.

Les commerciaux disposent d’applications CRM.  Ils peuvent suivre leurs opportunités d’affaire et bénéficier  du « Customer 360 ° », une appli qui permet de disposer pour un client donné de toutes les informations sur son infrastructure, ses licences, les leads en cours, tout ce qu’il utilise comme produit SAP, etc.  Concernant le Top management, la demande concernait les reportings. Chez SAP, nous avons beaucoup développé autour de la Business intelligence.  Donc,  naturellement la demande de versions mobiles de ces outils était importante. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les reporting analytics se  « consomment » aujourd’hui comme les mails. Les utilisateurs concernés les consultent plusieurs fois par jour.

Nous proposons aujourd’hui carrément des « apps » pour le board de SAP. Nos managers disposent de tableaux de bord mobiles parfaitement opérationnels. Il y a un an notre CIO groupe a couru le monde avec un iPad contenant tous ses dashboards, prouvant ainsi qu’il lui était possible de piloter tout le fonctionnement de l’IT de SAP avec un simple iPad.

Aux applications réalisées pour ces deux populations pionnières, s’ajoutent aujourd’hui celles destinées aux services RH ou Achats qui sont également dotés d’applications mobiles pour travailler. Les consultants sont également servis avec des applications qui mettent à  leur disposition toute la documentation et les notes concernant SAP

Enfin, il faut considérer que les applications de productivités – notes de frais, validations de commandes etc., dont je parlais tout à l’heure - concernent tous les employés de SAP.

 

LeMagIT : Combien d’applications au total ?

N.C : Nous proposons 60 applications de mobilité interne, pour un parc composé de plus de 52000 iPhone et iPad, 6000 terminaux Android et 14000 BlackBerry.

 

LeMagIT : Vous avez adopté une démarche BYOD ?

N.C : Oui. Et le fait d’être devenu agnostique vis-à-vis des Os nous a bien aidé.

Ceci dit, la démarche n’est pas tout à fait la même en Europe et aux Etats-Unis ou en Asie.

Deux raisons à cela : d’abord une attitude différente sur la question des données personnelle, ensuite une politique différente d’attribution de device aux collaborateurs.

Aux Etats-Unis –et en Asie- les collaborateurs utilisent dans l’entreprise leurs téléphone ou tablettes  personnels. Pour se raccorder au réseau et accéder à toutes les applications, ils doivent, bien sûr s’enregistrer sur notre plateforme de management de devices mobiles (MDM,) Afaria. Ceci nous garantit que les procédures de sécurité seront parfaitement appliquées mais, également, que le collaborateur disposera de toutes les dernières versions des applications dont il a besoin poussées par Afaria.

A propos des politiques de données, le collaborateur américain ou asiatique va s’engager par écrit à accepter que SAP « nettoie » son terminal mobile des données et des applications propres à SAP s’il advient qu’il quitte la société. 

Cet  accord consenti de gré à gré ne peut avoir cour en Europe. Un tel document serait attaquable devant les tribunaux.

En Europe, c’est un peu plus compliqué. Ne serait-ce que parce que les collaborateurs de SAP sont dotés par l »entreprise de ces outils de mobilité lorsqu’ils sont embauchés par l’entreprise.

Ce problème de distinction entre applications - ou données-  personnelles et professionnelles dans (une même devise) un même terminal est l’objet de débats incessant.

Parmi les pays dont j’ai la charge, l’Afrique du Sud et la Suisse, l’usage est que la société SAP subventionne d’un certain montant l’acquisition d’un smartphone ou d’une tablette par les collaborateurs. Le device, quoiqu’il advienne, restera leur propriété. Dans ces deux cas nous sommes obligés de passer par des solutions de « containérisation » qui sépare le domaine personnel du domaine professionnel. En cas de séparation, il est aisé de nettoyer la partie professionnelle.

Mais là encore, il y a débat. Le dernier OS BlackBerry inclus dans son cœur cette possibilité de containerisation, sans recours à une solution externe. Sur IOS 7, l’OS des IPhone, on voit apparaitre des embryons de containérisation, notamment pour Safari qui permettent ainsi de distinguer URL privées et perso. 

Il existe néanmoins des solutions externes de containérisation. Chez SAP, l’application Afaria permet d’isoler et d’effacer du reste,  un certain nombre d’applicatifs  tagués comme purement corporate.

 

LeMagIT : Quel est l’importance du développement des applis mobiles chez SAP ?

N.C : Après que différentes catégories de personnel aient été dotées de terminaux mobiles,  la DSI s’est engagé dans la production d’applis internes pour améliorer la productivité des collaborateurs ou des managers. Depuis 2011, l’IT de SAP consacre 8 % de son budget de développement de nouveaux projets aux applications de mobilité. Nous sommes complètement partie prenante et une véritable équipe se consacre à ce travail.

Par rapport à l’étude réalisée pour l’observatoire, je constate que nous sommes un peu plus avancés que la moyenne des entreprises interrogées ou pour l’instant les projets se cantonnent à la direction générale et à la DSI. Chez nous chaque métier, chaque line business  exprime aujourd’hui  ses besoins en matière de mobilité.

 

LeMagIT : Quels sont les difficultés pour la mise en œuvre de solutions de mobilité ?

N.C : La première de toutes est la mise en place des devices eux-mêmes. Distribuer dix iPad à dix directeurs généraux est une chose. Déployer des milliers de terminaux mobiles en est une autre en termes de sécurité et de management du parc. Ce sont ces problèmes que règle notre MDM (mobility devices management) Afaria. Chaque collaborateur de SAP dispose d’une URL pour s’enregistrer sur Afaria qui lui délivre immédiatement tous les certificats, tous les API et tous les emails dont il a besoin pour travailler.  En une demi-heure tout est opérationnel. A nous ensuite de conforter la mise à jour de tous ces terminaux.

Ensuite il nous faut gérer, et c’est important, ce portefeuille d’applications. Avec SAP internal Store, il est possible à chacun de découvrir les « apps » que nous avons développées et de télécharger celles qui leur sont nécessaires.

Une autre difficulté du système apparait lorsque l’on veut être indépendant des fabricants et modèles :  il s’agit de la contrainte de devoir compiler toutes les applications pour tous les OS des devices utilisés par  nos collaborateurs . Dans certains cas il faut même considérer les différents types d’écrans d’un même fabricant ! 

Chez SAP, nous sommes passés à la nouvelle génération des applis mobiles développées en HTML5 sur notre plateforme SMP. Elles utilisent  le SAP User Interface qui permet de générer des applis fonctionnant sur les PC, les tablettes et les smartphones de façon absolument indépendante des différents OS.

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