Université numérique : les Mooc's d'abord, l'écosystème ensuite
L'État s'appuie sur l'Inria pour le support logiciel des 20 premiers cursus ouverts en ligne. Dont six dans le domaine du numérique.
Une vingtaine de cours ouverts en ligne par une dizaine d'universités et écoles dès la rentrée universitaire (inscription fin octobre 2013) : avec cette annonce-phare, le lancement de France universitaire numérique (FUN) par la ministre Geneviève Fioraso, ce 2 octobre, est placé sous le signe du pragmatisme et de l'urgence. Quitte à prendre de court les acteurs du secteur privé positionnés sur le marché naissant des Mooc's (Massive Open Online Courses). L'urgence étant , selon Claude Kirchner, délégué général à la recherche et au transfert de l'innovation de l'Inria (Institut national de recherche en informatique et automatique), que « les universités et écoles françaises aient la capacité de mettre en ligne des contenus dans les conditions de service public ». Et de constituer, du même coup, un premier « noyau dur » d'usage qui évite aux cursus français d'aller chercher hébergement outre-atlantique, chez Coursera, edX et autres pionniers du Mooc.
C'est en effet au Mooc Lab de l'Inria qu'est revenue la mise en oeuvre de la plateforme regroupant les 20 premiers Mooc's sur une même infrastructure logicielle. Ce qui n'est guère du goût du Syntec numérique, ni de Gilles Babinet, notre « digital champion » auprès de la Commission européenne qui s'est fendu d'une tribune dans le Huffington Post à ce sujet. « Loin de nous l'idée de gâcher la fête », considère Guy Mamou-Mani, président de Syntec numérique , « mais une telle démarche centralisée et le choix d'une solution propriétaire reviennent à exclure pour les établissements l'accès à une offre concurrentielle ». Dont celle de start-up qui disposent déjà de solutions adaptées. Sans compter qu'ainsi, le ministère esquive allègrement la contribution de la commission Education (une cinquantaine d'entreprises) de Syntec numérique, qui constitue de fait une sorte d'amorce de la filière e-Education figurant aussi bien dans l'agenda numérique du gouvernement que parmi les 34 plans industriels d'avenir présentés le 12 septembre depuis l'Elysée.
Sous statut de fondation de coopération scientifique
« En dehors des pionniers qui ont amorcé le mouvement avec les moyens du bord, tout le monde se regardait sans bouger jusque là », nuance Stéfane Fermigier, dirigeant-fondateur de la start-up Abilian à l'origine de la plateforme open source LeMooc. Le regroupement sous la bannière du FUN annoncé ce 2 octobre a le mérite, selon lui, « de passer le message que l'enseignement supérieur se met en ordre de bataille ». Sauf que, dans ce premier temps, l'écosystème – et notamment les start-up comme la sienne – se voient couper l'herbe sous le pied. « Les industriels du numérique, dont les éditeurs de logiciels, ne peuvent se satisfaire d'être confinés à l'édition de contenus, à l'intégration voire à l'hébergement, comme le laisse entendre le lancement de la plateforme FUN », renchérit Guy Mamou-Mani. Répétant ainsi son appel du pied pour qu'en prélude à la mise en route en janvier prochain de la Fondation FUN, (organe destiné à assurer la coordination nationale de ce programme, sous statut de fondation de coopération scientifique) annoncée pour le premier semestre 2014, soit reconsidérée l'opportunité de partenariats public-privé sur ce créneau prometteur.
Pour le Mooc Lab de l'Inria, ce lancement dans « les conditions de service public » implique déjà l'écosystème de fait. Car il s'agit non seulement de savoir faire évoluer la plateforme d'origine, mais aussi de contribuer à ce que s'instaure une offre de qualité, tant au niveau des contenus que de l'hébergement, « condition de crédibilité », rappelle Claude Kirchner. Sans négliger le volet « éthique » de la protection des données personnelles, compte tenu des usages spécifiques des technologies utiles dans le contexte pédagogique. Dont le suivi de l'étudiant, avec sa composante comportementale, qui pourrait ouvrir la porte à certaines exploitations des données (comme le font certains business models de Mooc à l'américaine). Ce que ne saurait couvrir la mission de service public de FUN. Sans oublier non plus la dimension d'innovation, tout aussi capitale pour son positionnement à l'international. Et ce, avec la part de recherche que s'attribue de fait l'Inria, « en relation avec Stanford, Berkeley ou le MIT », souligne Claude Kirchner. Mais aussi au travers du développement des « interactions avec l'écosystème privé » et des contributions R&D d'entreprises, défini comme une des missions de la future Fondation FUN.
D'ores et déjà, une soixantaine de Mooc's en fonctionnement ou en gestation en France ont été repérés (et cartographiés) par les établissements concernés. Dont les vingt ouverts à l'inscription dès octobre, avec les contributions des pionniers (École Centrale (Lille), Institut Mines Telecom, Universités de Bordeaux 3, Montpellier 2, Paris 10, Paris 2, Polytechnique, Sorbonne Paris Cité, CNAM).Moyennant une enveloppe de 12 millions d'euros « mobilisable par vagues » et 10% des créations de postes relevant du Ministère de l'enseignement supérieur (500 emplois en cinq ans) dédiés, ce n'est donc qu'une première étape de la feuille de route qui, rappelons-le, devrait mener à quelque 20% des cours d'université accessibles en ligne d'ici à 2017.