Engine Yard veut convertir des entreprises au PaaS

Rencontré lors d'un tour de start-up californienne à San Francisco, John Dillon, le patron d'Engine Yard a évoqué avec StratégiesCloud la stratégie de sa société en matière de PaaS. L'occasion de revenir sur les bénéfices de cette approche et de s'intéresser à l'approche de la jeune société américaine.

Le cloud de type IaaS a déjà sérieusement modifié la façon dont certains développeurs approchent la question du test et de la mise en production de leurs applications en leur permettant de s’abstraire largement des contraintes matérielles et de disposer d’une capacité informatique virtuellement illimitée. Toutefois, il n’a pas totalement supprimé le besoin de devoir gérer son infrastructure. Si celle-ci n’est plus dans les locaux de l’entreprise, si elle est provisionnable à la volée en quelques minutes, il n’en reste pas moins qu’il faut continuer à gérer des machines virtuelles, avec leur système d’exploitation, leurs middleware, leurs outils de monitoring. Bref, qu’il faut pour les développeurs d’applications continuer à se préoccuper de la gestion des composants d’infrastructure, ce qui suppose en général de disposer d’administrateurs systèmes résidants. Contrairement à ce que laissent entendre les fournisseurs de cloud IaaS, le cloud d’infrastructure ce n’est donc pas de l’informatique consommée comme de l’électricité. Au mieux, c’est une puissance informatique disponible mais qu’il faut encore savoir maîtriser.

C’est là qu’intervient le PaaS ou Platform as a Service. Le PaaS fournit un niveau d’abstraction supplémentaire par rapport à l’Iaas. Non content de fournir l’infrastructure, il l’habille d’une couche applicative composée des principaux éléments nécessaires pour permettre aux développeurs de déployer des applications. Si l’IaaS abstrait l’infrastructure, le PaaS abstrait aussi les systèmes d’exploitation, les bases de données, la couche Middleware (Bus de message, serveurs d’applications et runtime, orchestration, serveur web) ainsi que la couche d’orchestration nécessaire pour gérer la montée en charge des applications. En général, cette abstraction s’accompagne de la fourniture d’un certain nombre d’outils de développement et de déploiement destinés à faciliter le travail des développeurs sur la plate-forme.

Pour les développeurs d’applications, le PaaS est présenté comme un nirvana. Ils peuvent en effet se concentrer sur l’architecture et le codage de leurs applications sans savoir à se préoccuper de leur déploiement ou de la nature des technologies qui seront utilisées pour les exécuter. Plus la peine de se préoccuper de l’OS sous-jacent, de la nature du serveur d’application, du bus de message, du serveur web ou du système de load balancing. Si on utilise les outils de modélisation d'applications et de développement préconisés par la plate-forme, on est sûr que les applications fonctionneront comme prévu et surtout que leur montée en charge se fera de façon quasi-linéaire sur la plate-forme. Un autre bénéfice est que l’unicité de la plate-forme garantit que les phases de développement, de test et de recette se feront à iso-plate-forme avec la production, ce qui est quasiment impossible aujourd’hui avec des environnements physiques (à moins de disposer d’un budget conséquent).Tous ces avantages sont de nature à simplifier considérablement le développement, à raccourcir le cycle de développement ce qui se traduit par un « time-to-market » raccourci pour les utilisateurs.

Engine Yard, l’un des pionniers du PaaS

John Dillon, le CEO d'Engine Yard, lors d'une rencontre avec StratégiesCloud, la semaine dernière à San Francisco

C ‘est justement sur ce marché du PaaS que s’est positionné très tôt Engine Yard une start-up californienne aujourd’hui dirigée par John Dillon (ex-Oracle, ex-Hyperion).La société, que StratégiesCloud a rencontrée lors d’un tour récent de start-up californienne, est l’un des piliers du SaaS avec des concurrents comme Heroku, Azure, ou Joyent. Engine Yard a bâti sa réputation sur sa solution de PaaS Ruby on Rail et a notamment construit une offre basée sur la technologie Jruby qui implémente Ruby sur la machine virtuelle Java.

Engine Yard a notamment recruté les développeurs cadres du projet JRuby, Charles Nutter, Thomas Enebo et Nick Sieger, à l'été 2009, alors qu'ils se trouvaient chez Oracle peu après son acquisition de Sun. Peu à peu la société a aussi ajouté de nouveaux langages à son offre notamment celui de PHP, suite à l’acquisition de la société Orchestra en août 2011. JavaScript fait aussi parti des langages supportés grâce au support de node.js. Lors de notre visite à San Francisco, La société a indiqué que ce support de multiples langages devrait s’intensifier. Java devrait ainsi faire parti des prochains ajouts à la plate-forme. L’idée d’Engine Yard est de raccourcir le temps entre le développement d’une application et sa mise en production en débarrassant les entreprises des complexités associées à la mise en production des applications. Avec Engine Yard, les entreprises se concentrent sur le développement et Engin Yard s’occupe du déploiement, de la montée en charge, de la réplication des bases de données, de la supervision et de la gestion des alertes...

Comme l’explique John Dillon, « Le cloud fait peur, il est disruptif il a la possibilité de changer le paysage informatique en profondeur. Nous ne sommes pas le changement, nous en sommes l’un des acteurs. Si l’on se projette dans 20 ans, il est probable qu’il y aura beaucoup moins de datacenters d’entreprise, ce qui est un changement difficile à contempler [pour les équipes informatiques]. Nous construisons des produits que les utilisateurs peuvent mettre en place aujourd’hui mais on pense aussi que le marché va changer au cours des 2 ou 3 ou 5 années, donc ces produits ont une roadmap d’évolution. On a eu de la chance, on a trouvé un marché pour un outil cloud et on a deux types de clients. Des startups web 2.0 qui espèrent être le prochain Facebook. On a 2300 clients environs dans ce groupe ».

 

Mais alors que certains de ses concurrents se concentrent sur ce marché des start-ups, Engine Yard met aussi l’accent sur l’adoption de sa plate-forme par les les grandes entreprises. John Dillon se veut toutefois modeste : « Pour les grandes entreprises, nous ne sommes pas le cœur de l’IT. Il n’est pas question pour ces entreprises de basculer leur IT sur Engine Yard. Pour ces sociétés, nous sommes encore largement un outil d’expérimentation. Elles testent de nouveaux concepts et la bonne nouvelle pour nous est que cela marche. Les services IT avancent prudemment et essaient de comprendre ce que veut dire le cloud. (…)On peut faire aujourd’hui des choses qui étaient impossible, il y a dix ans en matière de CRM, de collaboration d’applications sociales… ».

De fait, l’idée de la société est d’encourager les grands comptes à tester sa plate-forme pour en faire la base de leurs nouvelles applications, ou de celles qui doivent créer le lien entre leurs applications existantes et les nouveaux périphériques nomades, par exemple. Et qui sait, avec la confiance, viendra une portion plus large de leur environnement informatique.

Pour l’instant, une large partie des clients d’Engine Yard font tourner leurs applications sur la plate-forme d’infrastructure d’Amazon (de façon transparente, Engine Yard pilotant cette couche d’infrastructure). Mais pour les grands comptes qui veulent des environnements plus « contrôlés »et dotés de SLA spécifiques,  Engine yard propose aussi un hébergement sur la couche d’infrastructure VMware de l’hébergeur Terremark. Ce support de plusieurs plates-formes IaaS est une originalité d’Engine Yard et en fait une alternative à la couche Paas de VMware, cloud Foundry par exemple. Et la société n’entend pas s’arrêter au support de ses deux partenaires actuels. Engine yard travaille par exemple au portage de ses outils sur CloudStack la couche IaaS de Citrix et n’exclut pas de la déployer sur les clouds vCloud de certains partenaires européens si ses clients le lui demandent.

Bref, c’est en quelque sorte au développement d’une couche middleware de nouvelle génération qu’Engine yard s’emploie, une couche automatisée dont la vocation est de débarasser les entreprises de la gestion des problématiques d’infrastructure afin d’accélérer le déploiement de leurs applications. Un pari pour l’instant payant, mais dont on ne saura s’il est vraiment gagnant que d’ici deux à cinq ans, si les entreprises se convertissent réellement au modèle PaaS. C’est en tout cas le pari que font Dillon et son équipe.

 

 

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