Cloud : Joyent se lance à la conquête de l’Europe
Après s'être fait un nom en tant que fournisseur de cloud public, le californien Joyent se transforme peu à peu en éditeur de logiciel. En lançant SmartDataCenter 6, il part à la conquête du marché des opérateurs, des fournisseurs de services et des grands comptes. Une conquête qui passe aussi par l'Europe avec l'ouverture d'une filiale locale.
Fondé en 2004 en Californie, Joyent a fait ses débuts en tant que fournisseur de services de Cloud d’infrastructure en 2009, avec une offre aujourd’hui baptisée Joyent Cloud. Ce service qui compterait aujourd’hui près de 25 000 clients serait aujourd’hui le troisième cloud d’infrastructure mondial derrière ceux d’Amazon et de Rackspace (cf. graphique). Joyent compte parmi ses clients plusieurs entreprises prestigieuses tels que ABC/Disney, CNN, Gap, le Gilt Groupe, LinkedIn ou Yahoo.
Le plus impressionnant est que la firme s’est développée sur ses fonds propres et a assez rapidement atteint l’équilibre financier. Ce n’est que très récemment que Joyent a levé 15 M$ de fonds auprès d’Intel Capital (en 2009) afin de se transformer progressivement en éditeur de logiciels. Car s’il a grandi en devenant fournisseur de services cloud, Joyent espère se développer en se transformant en éditeur de logiciels cloud pour les entreprises et les fournisseurs de services. L'implantation récente de la firme en Europe (en Suisse pour être exact) est d'ailleurs dans la droite ligne de cette stratégie puisque la filiale du vieux continent, dirigée par Philippe Weppe (ex-patron france de Risc, Panda et NetApp), n'entend pas lancer une version locale de son cloud public, mais plutôt se concentrer sur la vente de son logiciel de cloud, SmartDatacenter, aux opérateurs, fournisseurs de services et grandes entreprises. Quatre grands contrats devraient d'ailleurs être annoncés dans les semaines à venir selon Philippe Weppe.Une solution de cloud d’infrastructure optimisée
La solution cloud de Joyent SmartDataCenter a récemment été lancée en version 6. Cette plate-forme logicielle s’appuie sur un OS dérivé d’OpenSolaris (SmartOS) et sur la technologie de conteneurs de Sun (les Solaris Containers sont l’équivalent des Jails de BSD ou des conteneurs virtuels de Virtuozzo, la plate-forme de virtualisation de Parallels). Joyent appelait autrefois ses conteneurs des « Accelerators » avant de les rebaptiser récemment « Smartmachines ». Ces conteneurs ont l’avantage d’utiliser la capacité des serveurs de façon très granulaire. Un conteneur peut ainsi se voir allouer une capacité aussi basse qu’un huitième de cœur (avec toutefois la possibilité en cas de pic de charge de «burster » jusqu’à la pleine puissance des cœurs disponibles sur le serveur.
Les « smartmachines » sont dans la pratique des conteneurs logiciels Solaris capable de booter en moins de 3 secondes, explique Rod BoothBy, le vice président en charge du développement international de Joyent. Une des cibles de la firme est d’ailleurs la base installée Solaris à laquelle Joyent offre une plate-forme d’infrastructure alternative à Solaris d’Oracle. C’est d’ailleurs ce qu’a récemment confirmé Philippe Weppe, le patron Europe de Joyent (par ailleurs un ex de Sun). Ces conteneurs sont préconfigurés avec toute la logique nécessaire pour exécuter des applications web écrites en Java, Ruby on Rails, PHP, ou pour exécuter des bases de données telles que MySQL… Certains sont fournis en partenariat avec des éditeurs tiers comme Zeus (pour le load balancing), Riak (base de donnée distribuée dérivée de Dynamo). Leur coût vient alors s’ajouter à celui de la plate-forme de Joyent.
Conscient des spécificités très « Solaris » de SmartDataCenter, Joyent a fait l’acquisition en 2009 de LayerBoom afin d’enrichir sa plate-forme de capacité d’hébergement de machines virtuelles Windows ou Linux. Ces dernières sont instanciées pour l’instant sur un noyau OS implémentant KVM. Pour la petite histoire, il est peu probable qu’il s’agisse du noyau SmartOS dérivé d’OpenSolaris. Nous parions plutôt sur l’utilisation d’un noyau linux. Mais dans les mois à venir, Joyent espère achever le portage de KVM sur son propre OS (à l’instar du portage de KVM déjà réalisé pour FreeBSD). Le même « SmartOS » offrira alors la possibilité de faire cohabiter machines virtuelles et conteneurs. Le tout sous un parapluie d’administration unique.
Ce parapluie est d’ailleurs une des points forts de SmartDataCenter. L’ensemble de la plate-forme de Joyent est instrumenté via la technologie DTrace, développée par Sun, ce qui permet une supervision très fine du cloud et la bascule automatisée des smartmachines d’un serveur à l’autre afin de respecter les contrats de service noués avec les utilisateurs. Cette supervision fine, couplée à l’utilisation des conteneurs (plutôt qu’à un hyperviseur) garantit aussi un très fort taux d’usage de la plate-forme. Sur JoyentCloud, sa propre offre de cloud publique, Joyent revendique ainsi un taux d’utilisation de près de 70% pour ses serveurs. Cet argument est un argument de poids pour la firme car une infrastructure virtualisée avec SmartDataCenter générerait 4 à 5 fois plus de revenus par serveur qu’une infrastructure virtualisée avec un hyperviseur traditionnel (à condition bien sûr que cette infrastructure soit composée essentiellement de smartmachines, l’utilisation de VM Windows ou Linux sous KVM, venant réduire cette efficacité). Il est à noter que Joyent supervise aussi les couches réseau et stockage (fournie via ZFS), toutes deux virtualisées par SmartDataCenter.
Partenariat avec Dell et Platform as a Service
L’un des premiers grands partenaires de Joyent pour la commercialisation de SmartDataCenter est Dell. Le constructeur Texan a été séduit par l’approche technique de Joyent et surtout par son efficacité. Les deux entreprises ont noué un étroit partenariat en mars 2010 et Dell a annoncé son premier grand client en Novembre. Le constructeur Texan met notamment en avant l’efficacité du système SmartDataCenter/Smartmachines exécuter à large échelle des applications écrites dans des langages tels que Ruby on Rails, PHP, Python et Java. Et il pousse SmartDataCenter tant auprès de sa clientèle d’opérateurs et de fournisseurs de services qu’auprès de grands comptes désireux de construire en interne une solution de cloud privé moins coûteuse et plus éprouvée que celle de VMware.
Une dernière corde à l’arc de Joyent est une offre de Platform as a Service (PaaS) baptisée Smartplatform (à défaut d’originalité, Joyent fait au moins preuve de cohérence). Cette offre de PaaS, issue du rachat en 2009 de Reasonably Smart) est spécifiquement optimisée pour exécuter des applications serveurs écrites en JavaScript. En fait l’offre Smartplatform s’appuie sur la technologie node.js qui permet de créer et d’exécuter des applications Javascript serveur (voir la vidéo ci-dessous). Pour cela, la firme a créé une Smartmachine optimisée pour l’exécution de node.js et a créé un environnement de développement autour du système de versioning Git (Selon Joyent, sa technologie de Paas JavaScript présente des caractéristiques techniques uniques permettant de développer des applications web capables de faire face à des charges massives. Selon Rod BoothBy, un rack de serveurs pourrait faire face à près de 800 000 transactions par seconde, ce qui fait aussi de la technologie une candidate idéale pour certaines applications machine to machine. Il est à noter que node.js est disponible en open source, mais que Joyent continue de présider aux évolutions de la technologie via son créateur, Ryan Dahl.