Le visage de Nokia, sans les mobiles
Après la revente des terminaux mobiles à Microsoft, Nokia se positionne sur les infrastructures de réseaux mobiles, ses outils de géolocalisation et de cartographie, et sur son portefeuille de brevets.
«Un nouveau chapitre dans l’histoire de Nokia.» Une «ré-invention». Pour Risto Siilasmaa, président du board du groupe Finlandais, la cession des terminaux ainsi que des services associés à Microsoft écrit une nouvelle page de l'histoire de Nokia. «Une décision très émouvante pour moi» s’est-il même laissé allé à dire lors de l’annonce officielle de cet accord. Illustrant bien qu’une énième étape démarre pour l’icône finlandaise, vaisseau amiral historique de l’industrie du pays, et l’une de ses seules entreprises d’envergure internationale aux yeux du grand public - les fondateurs de MySQL sont surtout connus dans le monde de l’entreprise.
Il faut dire qu’en se séparant de ses activités terminaux mobiles, Nokia cède à Microsoft l’activité qui a fait la renommée du groupe et qui a propagé la marque dans le monde entier. Les téléphones portables et plus tard les smartphones constituaient ainsi le moteur premier de la société, qui représentait 50% des revenus du groupe en 2012 (quelque 14,9 milliards d’euros). Une activité que l’on sait aujourd’hui en déclin.
«Sans les terminaux et les services, Nokia va proposer un nouveau visage», lance d’ailleurs Risto Siilasmaa. Le Finlandais veut désormais se positionner sur trois axes. D’abord sur celui de ses activités d’équipement réseaux et de gestion des infrastructures des réseaux mobiles. Une autre activité historique de Nokia, qui lui avait permis de s’installer dans les infrastructures des principaux opérateurs mobiles, comme SFR ou encore Orange en France. En 2006, cette activité avait franchi une étape et débouché sur création d’une co-entreprise avec Siemens, Nokia Siemens Networks, dont l’objectif était de fusionner les activités télécoms des deux groupes. Plusieurs années après avoir plombé les comptes de Nokia, les deux partenaires avaient entrepris un plan de ré-organisation pour recentrer leur société sur la mobilité. Un virage qui semble-t-il avait déjà été amorcé avec le rachat en 2011 des activités d’infrastructure de réseaux mobiles de Motorola Solutions pour 975 millions de dollars. S’en était suivi une revente d’actifs, avant que Nokia décide finalement, en juillet 2013, de racheter les parts de Siemens dans leur co-entreprise (pour 1,7 milliard d’euros). Le repositionnement était bien en cours.
Risto Siilasmaa rappelle d’ailleurs le retour à la profitabilité de NSN - devenu Nokia Solutions Networks. Au deuxième trimestre, NSN a publié un bénéfice net de 15 millions d’euros, contre une perte de 260 millions d’euros un an auparavant. Cette division restera indépendante après la revente des terminaux à Microsoft, insiste également Timo Ihamuotila, le directeur financier de Nokia, indiquant que «NSN pourra compter sur Nokia comme un allié sûr». «Pour NSN, c’est business as usual», souligne de son côté Rajeev Suri, le CEO de NSN, sur le site Internet de la société. Le nouveau Nokia dispose donc d’une base solide.
Géolocation et brevets
Deuxième pilier sur lequel se reposera désormais Nokia, ses activités de cartographie et de géolocalisation, héritées du rachat de la société Navteq en 2007 pour quelque 5,7 milliards d’euros. Ces activités, aujourd’hui regroupées sous la marque HERE, ont généré un petit chiffre d’affaires de 233 millions d’euros au deuxième trimestre 2013. Les outils Nokia, utilisés par de nombreux constructeurs automobiles comme BMW, Toyota, Citroën, Hyundai et Porsche (pour ne citer qu’eux), sous la forme de GPS intégrés, notamment, continueront d’évoluer, y compris sous la forme de services aux entreprises, indique encore Risto Siilasmaa. Mais surtout, poursuit-il, nous comptons mener cette plate-forme «bien plus loin», pour, par exemple, «connecter les autos au cloud». Fin août, le groupe a en effet annoncé une série de technologies liées à la voiture connectée et destinée aux constructeurs : Here Auto (système de navigation embarquée), Here Auto Cloud (accès à des services cloud), Here Auto Companion (application mobile) et Here Traffic (information trafic en temps réel). Dans le cadre de l’accord, Microsoft obtient des licences de la plate-forme Nokia pour 4 ans et devient «son plus gros client», note également Timo Ihamuotila.
Enfin, troisième et dernier moteur de la nouvelle fusée Nokia, le développement de nouvelles technologies qui devrait ainsi faire évoluer le portefeuille de brevets que Nokia commercialise sous forme de licences auprès de tiers. Des travaux seront notamment réalisés sur les terrains de la mobilité certes, mais également de la connectivité et des capteurs, sans oublier le Web et le cloud, indique Nokia dans un communiqué. Il s’agit donc d’étendre le catalogue de brevets du groupe , qui en compte aujourd’hui près de 30 000 en application, rappelle enfin Risto Siilasmaa.
Ces activités devraient ainsi bénéficier de la revente à Microsoft, qui améliore la situation financière de Nokia, indique le DAF du groupe.
Rassurer les «Nokians»
Alors évidemment, face à ces changements, il faut rassurer. A la fois les employés de Nokia - et notamment les 32 000 transférés chez Microsoft - , mais également les Finlandais, qui voient leur icône prendre un nouveau virage. «Les Finlandais sont fiers de leur société, mais c’est ici que sera fabriquée la prochaine génération de terminaux», lance Stephen Elop, le président et CEO du groupe (également ex Microsoft), qui partira - si le rachat était approuvé - diriger les activités alors rachetées chez Microsoft. Les 4 700 employés de Nokia en Finlande resteront au pays, a tenu également à rassurer Steve Ballmer, lors de l’annonce du rachat.
Restera enfin à Nokia à trouver un remplaçant à Stephen Elop qui, jusqu’à ce que soit approuvé le rachat, a démissionné du board du Finlandais ainsi que du poste de CEO, pour celui de Executive Vice President de la division Devices & Services - celle rachetée par Redmond. Risto Siilasmaa assurera l’interim alors que Timo Ihamuotila prendra en attendant le poste de président.