Microsoft sonne la retraite pour Ballmer
Le numéro un mondial du logiciel a annoncé aujourd'hui que son CEO, Steve Ballmer, prendrait sa retraite dans les douze prochains mois. La firme lui cherche officiellement un remplaçant.
Après 13 ans à la tête de Microsoft, Steve Ballmer rendra son tablier de CEO l’an prochain et prendra sa retraite. C’est ce que Microsoft a officiellement annoncé aujourd’hui dans un communiqué en expliquant que son patron quitterait la société dans les douze mois à venir. On ne verra donc bientôt plus trépigner et éructer sur scène le colossal patron de la firme.
Ballmer est l’un des employés de la première heure de Microsoft – il a rejoint la firme en 1980 - a pris les rênes de la société en janvier 2000, après que Bill Gates a décidé de prendre du champ, d’abord pour se concentrer sur la technologie – en devenant chief software architect – puis sur l’humanitaire. Il a abandonné toute fonction opérationnelle chez Microsoft en juin 2008. Reconnu comme un commercial redoutable et comme un impitoyable négociateur, Ballmer restera dans les annales comme l’homme sous la direction duquel Microsoft a perdu contact avec la réalité du marché informatique.
Ballmer : "le pire CEO du monde" selon Forbes
Sous sa gouverne, Microsoft a largement raté l’émergence de l’Internet et du cloud et a aussi largement raté le virage de la musique, de la vidéo en ligne et de la mobilité. Ballmer a été qualifié de pire CEO du monde par Forbes et Vanity Fair en a fait le cœur d’un article assassin intitulé « Comment Microsoft a perdu son Mojo : Steve Ballmer et le déclin spectaculaire d’une icône de l’entreprise américaine ».
Réputé pour ses débordements et ses crises de rage, Ballmer a mené Microsoft d’une main de fer et écarté année après année tous ses opposants potentiels. Il s’est aussi illustré par quelques prédictions malheureuses, emblématiques de la perte de contact de Microsoft avec le marché.
Interrogé lors du lancement de l’iPhone, il avait ainsi eu ces répliques fameuses : « 500$ pour un téléphone avec subvention et abonnement ! Je dirais qu’il s’agit du plus cher des téléphones au monde et qu’il n’a pas d’intérêt pour les utilisateurs professionnels car il n’a pas de clavier, ce qui n’en fait pas une bonne machine pour l’e-mail ». Dans une seconde interview, il avait affirmé : « Il n’y a aucune chance que l’iPhone prenne une part de marché significative. Aucune chance. C’est un téléphone à 500$ avec subvention. Il pourrait être rentable, mais si vous regardez le marché de 1,3 milliard de téléphones dans le monde, je préfère avoir notre logiciel sur 60, 70 ou 80% d’entre eux que d’avoir 2 ou 3% ce qui est ce qu’Apple obtiendra ».
Interrogé par LeMagit sur la raison d’exister du menu démarrer sur un téléphone mobile, le Même Ballmer avait répondu en 2008 que le bouton "Démarrer" faisait parti intégrante de l’expérience Windows – il a sans doute dû changer d’avis entre temps puisque le menu « Démarrer » a même disparu de Windows 8. Sur Android, il affirmait encore en 2011 qu’il fallait être "un génie de l’informatique pour utiliser un téléphone Android ". Quelque 2 ans plus tard, Microsoft reste collé au bas du classement mondial des téléphones mobiles, Windows Phone ne pesant qu’un peu plus de 3% du marché mondial des smartphones…
Le pire est sans doute que sous Ballmer, Microsoft a même réussi à faire des faux pas sur son marché historique, celui des systèmes d’exploitation pour PC. La firme a ainsi délivré deux des OS les plus critiqués de l’histoire, Windows Vista et Windows 8. Deux systèmes d’exploitation qui ont aussi été des flops commerciaux et qui ont mis en péril la firme sur son marché historique, le seul qu’elle continue encore à largement contrôler. Et dont elle dérive l’essentiel de ses profits (via Office et Windows). L’échec de Windows 8 a encore plus largement ouvert la porte aux alternatives au PC traditionnel comme les tablettes iOS et Android. Et surtout, il pourrait aussi encourager certains à tenter de remplacer Windows par des alternatives sur leurs PC portables (Acer devrait ainsi tenter l’aventure Android en fin d’année, tandis qu’ HP et Samsung ont dévoilé des ChromeBook)
Microsoft en retard sur Internet et sur le Cloud
Sur le marché du Cloud et de l’Internet, Microsoft a largement perdu la bataille sur le marché des navigateurs face à Google Chrome et Firefox. La firme a aussi perdu la bataille de la recherche face à Google et s’est tenue à l’écart de la bataille du « social ». Côté entreprise, l’offre de cloud Azure doit encore faire ses preuves face à ses concurrentes. Microsoft a en effet fait très tôt le pari du PaaS alors que c’est le cloud d’infrastructure (IaaS) qui a décollé le premier. Comme souvent sur Internet, le géant est désormais en train de riposter, mais le retard pris sur Amazon risque d’être impossible à rattraper.
Finalement, la seule division qui a véritablement éclos sous la direction de Ballmer est la division Serveurs et outils. Moins emblématiques que Windows 8, Windows Server, SQL Server, Exchange et SharePoint (ainsi que leurs déclinaisons offertes sous forme de services en nuage) sont devenus des éléments incontournables du marché de l’informatique d’entreprise et représentaient près de 30% du CA de la firme au dernier trimestre et 38% de ses profits – Serveurs et Outils génère désormais plus de profits que Windows...
L’annonce que 14 ans de gouvernance de Steve Ballmer devraient donc prochainement s’achever a donc été plutôt bien accueillie, notamment par les marchés financiers qui ont fait bondir l’action Microsoft de près de 9%. Microsoft a formé un comité pour chercher à son bouillonnant patron et futur retraité un successeur. Le comité est piloté par John Thompson (ex IBM, ex CEO de Symantec) par Bill Gates ( que l’on ne présente plus), par Steve Luczo (ex-CEO de Seagate) et par Chuck Noski (ex président et COO de Hugues Electronics et ex-directeur financier d’AT&T puis de Northrop Grumman). Il sera épaulé par le cabinet de recrutement Heidrick & Struggles International.