Réforme Pinel : les auto-entrepreneurs informaticiens réagissent
L’abaissement attendu des seuils de chiffre d’affaires imposé par la réforme du statut d’auto-entrepreneurs risque de priver les principaux concernés d’une raison d’être du statut : l’évaluation de l’activités. LeMagIT.fr a posé la question à quelques informaticiens auto-entrepreneurs.
Avec près de 75 000 informaticiens auto-entrepreneurs en France, le projet de loi censé réformer le statut de l'autoentrepreneur, que la ministre de l'Artisanat Sylvia Pinel présentait hier au Conseil des ministres, interloque la profession. Très tôt, de nombreux auto-entrepreneurs ont orchestré une levée de bouclier contre les deux principales mesures du projet : la limitation du statut dans le temps et la diminution des plafonds de chiffre d’affaires.
Coalisés au sein du mouvement des «Poussins», inspiré du mouvement des Pigeons, qui avait quant à eux manifesté avec un succès innatendu contre la hausse de la taxation des plus-values de cession des entreprises, ces révoltés dénoncent tout particulièrement la menace brandie par Sylvia Pinel d'abaisser à 19 000 euros le plafond de CA pour la fourniture de services et à 47 500 euros celui du commerce.
La situation est devenue plus confuse la semaine dernière, lorsque nos confrères des Echos ont révélé que finalement ces plafonds ne seraient pas précisés explicitement dans le projet de loi, mais qu'ils seraient fixés a posteriori, par décret.
De quoi laisser les adeptes du statut dans l’expectative, mais surtout inquiets, car en cas d'abaissement des seuils, le statut se verrait vider en partie de sa substance. Loïc Pariente, développeur Web et créateur de neo-entrepreneur.fr, un annuaire d’auto-entrepreneurs - et ancien auto-entrepreneur basé à Lyon - explique ainsi que «limiter les plafonds est une erreur [...] Avec un plafond rabaissé à 19 000 euros par an par exemple, l’achat de matériel sans pouvoir récupérer la TVA semble difficile. Difficile ainsi de mettre le pied à l’étrier et de tester son activité. Pour l'instant toutefois, les visées réformatrices du gouvernement ne semblent pas avoie affecté le recrutement de nouveaux auto-entrepreneurs. Son portail compte quelque 60 inscrits supplémentaires par mois (tous secteurs confondus), précise-t-il.
Difficile d’évaluer son activité
Si comme il tient à le préciser les auto-entreprises sont pour la grande majorité des activités secondaires, il apparait pourtant qu’une baisse de ces précieux seuils risque tout simplement de supprimer une des raisons première de l’auto-entreprenariat : le test et l’évaluation d’une activité. C’est également le point de vue de Pedro Moreira qui, après avoir travaillé pendant 18 ans dans le secteur de l’infrastructure informatique a décidé en décembre dernier de monter une auto-entreprise pour faire évoluer un projet personnel autour de la réparation et de la maintenance de PC à domicile, dans la région de Lille. Son auto-entreprise, il la vit comme une étape vers la création d’une entreprise à plus forte échelle. Ainsi, brider le statut correspond pour lui à fausser les métriques que l’auto-entreprise fournit au créateur d’entreprise. «Monter une entreprise se fait en fonction du chiffre d’affaires. Avec des plafonds plus restreints, je ne vais plus savoir si je peux me transformer en entreprise». Un point de vue que rejoint également Samuel Bapst, un lyonnais qui a bâti une auto-entreprise autour du développement PHP (en tant qu’activité secondaire). Pour lui, avec des plafonds encore plus limités, «difficile de savoir si une activité est pérenne. Comment évaluer la maturité d’une activité si on ne parvient pas à connaître son potentiel», lance-t-il.
Passer à un autre statut, comme celui de l’EURL par exemple ? Les charges et les formalités administratives (que le statut d’auto-entrepreneur simplifie) ont déjà refroidi plus d’un créateur en herbe. Pour les personnes dont l’auto-entreprise est la principale activité, la question pourrait toutefois se poser.
Marylin Vogel, par exemple, qui crée des sites Internet à Orléans, a monté son auto-entreprise il y a deux ans. Après s’être forgé une clientèle et être parvenu à hisser son chiffre d’affaires annuel à 32 000 euros (juste en dessous de la barre des 32 600 euros - plafond pour les services), toute baisse, aussi minime soit-elle , correspond à un changement de statut et donc à une augmentation des charges. «En EURL, avec 32 000 euros de CA, je gagne un SMIC. Impensable de gagner 1000 euros par mois, après des années d’études», lance-t-elle. Pour elle, la baisse de plafond s’apparente toute simplement à une fermeture de son activité. Elle voit cette réforme comme un «bâton dans les roues». Et l'incertitude quant aux plafonds que pourrait fixer les futurs décrets si la loi venait à être adoptée n'a guère de quoi rassurer...