Bouygues Telecom et SFR veulent mutualiser leurs réseaux mobiles
Réduire les coûts pour faire face à l'offensive de Free. Au cours des derniers mois, c'est devenu l'obsession de SFR et Bouygues Télécom. Une obsession qui les amène aujourd'hui à réfléchir à la mutualisation de leurs infrastructures réseau 2G, 3G et 4G. De quoi regagner des marges de manoeuvre face à Free et rattraper le retard pris sur Orange dans le déploiement de la 4G.
Après avoir déjà annoncé en 2012 leur volonté de mutualiser leurs investissements dans le déploiement de la fibre optique, Bouygues Telecom et SFR ont annoncé le 22 juillet avoir entamé des « négociations exclusives dont l’objet est d’aboutir à un accord de mutualisation d’une partie de leurs réseaux mobiles ». L’objectif des deux opérateurs est, semble-t-il, de mutualiser une partie de leurs infrastructures 2G, 3G et 4G comme le leur permet la législation en place. Il ne s’agit toutefois pas de mutualiser leurs ressources en matière de fréquences radios qui restent la propriété exclusive de chaque opérateur, mais plutôt de partager les équipements RAN (Radio Access Network) et, sans doute, certains éléments de collecte de trafic et de service.
Résister à Free et rattraper le retard sur Orange
Confrontés à l’irruption de Free sur le marché de la téléphonie mobile et très en retard sur Orange en matière de déploiement de leur réseau 4G, les deux opérateurs ont vu leur marge de manœuvre financière se dégrader au cours des derniers trimestres et cherchent d’une part à réduire leurs coûts en partageant leurs infrastructures, et d’autre part à accélérer leurs déploiements dans la 4G. Ce que pourrait permettre la mutualisation de leurs infrastructures. Si SFR venait, lui aussi, à demander la possibilité de réutiliser son portefeuille de fréquences 1800 MHz pour la 4G, les deux opérateurs pourraient aussi avancer de concert dans le déploiement rapide de services 4G en 1800 MHz. De quoi prendre Orange à revers mais aussi prendre une longueur d’avance sur Free.
Officiellement, l'ambition des deux opérateurs « est d'offrir à leurs clients respectifs la meilleure couverture géographique et la meilleure qualité de service ». La première est un bénéfice évident de la mutualisation puisque les deux opérateurs pourraient mettre en commun rapidement leurs sites radios et leurs réseaux de collecte et ainsi proposer à leurs clients une bien meilleure couverture. La seconde est moins évidente notamment dans les grandes agglomérations où la densité de points radio atteint déjà les limites de la technologie.
Menace sur l'investissement ?
Prudents et soucieux de se ménager les bonnes grâces du gouvernement, les deux opérateurs estiment qu’en mutualisant une partie de leurs infrastructures, ils « se donneraient les moyens de figurer parmi les acteurs incontournables de la modernisation de l'économie numérique en France ». La manoeuvre est toutefois à double tranchant. Car si la mutualisation pourrait effectivement leur permettre de déployer plus vite et « mieux », elle pourrait avoir des conséquences sur l’emploi et sur l’investissement. La mutualisation devrait en effet se traduire par une réduction des investissements en infrastructure, ce qui n’est pas de nature à soutenir l’économie du secteur côté équipementiers et intégrateurs.
Bouygues Telecom et SFR indiquent vouloir conclure avant la fin de l’année cet accord stratégique. Il leur faudra pour cela se soumettre aux avis de l'Autorité de la concurrence et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. De même, la mutualisation passant sans doute par la création d’une structure juridique commune en charge de l’exploitation de l’infrastructure, les deux opérateurs devront informer les instances représentatives de leurs personnels (qui pourraient ne pas accueillir la nouvelle avec une grande joie).
Dans un communiqué publié conjointement par Fleur Pellerin et d’Arnaud Montebourg, le gouvernement indique avoir pris acte de la volonté des sociétés SFR et Bouygues Télécom d'engager des discussions exclusives concernant la mutualisation de leurs réseaux 2G, 3G et 4G. Il ajoute que « cette initiative s'inscrit dans la stratégie du Gouvernement de créer les conditions d'investissement pour l'ensemble des opérateurs dans les nouveaux réseaux ». Il aurait sans doute été plus exact d'écrire les "conditions pour une réduction" des investissements. Mais l’on n’est plus à une contradiction près…