L'UMP fait avancer le droit des utilisateurs du Cloud
Suite à une plainte du parti politique, le Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre reconnaît le droit des utilisateurs à accéder à leurs données stockées dans le Cloud. Sans délai. Et ce malgré les clauses contractuelles dédouanant l'éditeur, ici Oracle.
Pourtant écartée du pouvoir en 2012, l'UMP fait avancer la protection des utilisateurs du Cloud. Non pas sur le terrain législatif, mais auprès de la justice. Le parti politique a en effet obtenu du tribunal de grande instance de Nanterre la condamnation d'Oracle en raison des difficultés que rencontrait l'organisation pour obtenir la réversibilité de ses données stockées dans le Cloud de l'éditeur américain.
L'affaire remonte à la fin 2010, quand l'UMP souscrit un contrat d'utilisation de Oracle CRM On Demand pour la gestion en mode Saas de la base des données nominatives des adhérents du parti politique. Arrivé au terme du contrat, fin 2012, l'UMP décide de changer de prestataire, mais rencontre des difficultés techniques pour récupérer ses données. La faute à un bogue affectant la 20ème version de l’application, selon l'éditeur, qui promet un "correctif spécifique à l'environnement de l'UMP" et la mise en place d'une "solution de contournement".
"Un contrat d'intérêt commun"
Manifestement insatisfait de ces assurances, l'UMP assigne Oracle en référé le 12 novembre dernier. Malgré les gages donnés par l'éditeur à la cour (correction de l'anomalie en cours de finalisation, garantie du maintien de l'accès à l'application jusqu'à ce que la totalité des données aient pu être exportées), le TGI de Nanterre a repoussé les arguments de la société américaine. Et a enjoint cette dernière de "fournir à l'UMP les moyens techniques de nature à lui permettre sans délai l'exportation de l'ensemble de ses données nominatives hébergées" ou de "garantir à l'UMP qu’elle lui assurera, sans frais, la prolongation de l’accès complet au service Oracle CRM On Demand, au delà du 28 février 2013 (le délai que proposait Oracle, NDLR) et ce jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où elle sera en mesure de procéder à l’exportation de ses données nominatives hébergées". L'éditeur est par ailleurs condamné à 2 500 euros de dommages ainsi qu'aux dépens. Dans son ordonnance, le TGI remarque que si le nouveau prestataire choisi par l'UMP pour remplacer Oracle ne peut reprendre les données à la date convenue, le parti politique ne pourra exploiter sa base de données, donc "remplir ses obligations légales à l’égard de ses adhérents" et "assurer normalement son propre fonctionnement".
Au-delà de cette décision, l'interprétation que fait le TGI des conditions contractuelles du Cloud s'avère particulièrement intéressante pour les utilisateurs de services Saas. Dans sa réponse à la cour, Oracle tente en effet de se retrancher derrière le contrat signé, qui ne prévoit pas de délai de correction des anomalies de fonctionnement. La société estime donc "qu’il ne peut lui être fait grief d’avoir manqué à ses obligations contractuelles". Mais le TGI, dans son arrêt, produit une lecture différente des obligations d'un prestataire Saas, jugeant qu'il s'agit "d'un contrat d’intérêt commun". "Le prestataire informatique y est donc censé ne pas poursuivre aveuglément son intérêt exclusif mais assumer aussi, dans une certaine mesure, celui de son client. A ce titre, il doit contribuer, sinon à chercher la solution la plus avantageuse, à tout le moins éviter celle qui aboutirait à causer un dommage à son client", écrit le TGI dans son ordonnance de référé.
Et d'ajouter : "Il n’ensuit qu’en dépit des dispositions stipulées à l’article E du contrat, selon lequel "Oracle ne garantit pas que les services seront exempts d’erreur ni qu’ils fonctionneront de manière ininterrompue ni qu’Oracle corrigera les erreurs des services", la société Oracle ne peut soutenir, de bonne foi, qu’elle ne manquerait pas à ses obligations contractuelle si elle ne permettait pas à l’UMP de bénéficier en temps utile de ses données pour permettre à son nouveau prestataire de les exploiter et d’être opérationnel dès la fin de sa propre prestation". Incontestablement, une éclaircie pour les utilisateurs du Saas face à des prestataires qui ont tendance à se réfugier derrière des contrats bâtis sur mesure pour préserver leurs intérêts.