Charles Phillips, Pdg d'Infor : "nous développons en interne"
Inversion de tendance ? Construit par rachats, Infor mise aujourd'hui sur une stratégie basée sur les développements internes. A l'inverse du trajet suivi par ses concurrents selon le Pdg de l'éditeur, l'ex-Oracle Charles Phillips. Une façon, explique-t-il, de faire émerger la particularité de la société : celle d'un éditeur d'applications qui entend ne pas se disperser.
Joint par téléphone dans les bureaux new-yorkais d'Infor, qui se remettaient doucement du passage de l'ouragan Sandy, Charles Phillips, l'ex-président d'Oracle qui a pris la tête d'Infor en 2010, revient sur la stratégie du 3ème éditeur mondial d'applications d'entreprise. Une stratégie qui entend prendre le contre-pied des chemins suivis par les deux leaders du secteur, SAP et Oracle.
LeMagIT : Voici tout juste deux ans que vous avez pris la tête d'Infor. Quelle a été votre stratégie au cours de ces deux exercices ?
Charles Phillips : La ligne directrice est simple : il s'agissait de transformer Infor, de l'amener d'une culture basée sur la consolidation de bases installées à une culture tournée vers l'innovation. Nous avons ainsi réduit nos dépenses en back office pour recruter des ingénieurs et des développeurs. 600 profils de ce type ont été recrutés l'année dernière, sur les 1 700 personnes qui nous ont rejoints. Les bénéfices de ces investissements sont en train d'arriver sur le marché et je pense que les entreprises réalisent combien Infor a changé. Depuis deux ans, le trafic sur notre site a été multiplié par trois. Nous avons enregistré la signature de 2 300 nouveaux clients au cours des 12 derniers mois. Et les nouveaux clients pesaient 25 % du dernier trimestre fiscal que nous avons publié.
LeMagIT : Sur quels domaines se focalisent vos efforts en R&D ?
C.P. : D'abord sur notre plate-forme sociale, appelée Mingle qui sera disponible en début d'année prochaine. Elle fournira des fonctions intégrées aux applications permettant aux utilisateurs de dialoguer tout en restant immergés dans le contexte business. D'autre part, sur notre middleware Ion, une plate-forme qui permet de publier chaque transaction en XML autorisant des couplages lâches entre applications. Cette approche reposant entièrement sur XML aboutit à un produit beaucoup, beaucoup plus simple qu'un middleware d'entreprise classique. Fusion d'Oracle comporte des milliers de fonctions : nous ne voulions rien de tel. Enfin, nos efforts de développement portent sur des applications spécifiques à telle ou telle industrie. Nos concurrents SAP et Oracle se focalisent aujourd'hui sur les bases de données et le matériel, alors que ce que les entreprises attendent, ce sont des fonctions réellement pensées pour leurs besoins.
LeMagIT : Ces éditeurs ont également des stratégies à destination de secteurs d'activité particuliers. En quoi Infor est-il différent ?
C.P. : Notre approche de la spécialisation est bien plus poussée. Nous utilisons le terme de micro-verticaux. Là où nos concurrents identifient une vingtaine de secteurs d'activité, nous en voyons bien plus. L'alimentation n'est pas une industrie. C'est un secteur d'activité qui en compte de multiples. A titre d'exemple, le département américain du Commerce dénombre 21 secteurs d'activité, mais plus de 2 100 industries. C'est pourquoi, avec les produits de nos concurrents, les projets demandent autant de temps, car la personnalisation du logiciel reste longue malgré l'existence de verticaux. En standard, nos logiciels sont bien plus spécialisés.
LeMagIT : Infor s'est construit par rachats. Mais, depuis celui de Lawson, fonctionne sur la base de développements internes. Avez-vous tiré un trait sur toute volonté d'acquisition ?
C.P. : Ironiquement, ce sont aujourd'hui nos concurrents, SAP et Oracle, qui misent beaucoup sur des acquisitions, faisant peser des risques d'incohérence sur leurs suites logicielles. Nous avons choisi de nous concentrer sur les développements internes. C'est vrai pour notre plate-forme sociale ou notre plate-forme mobile. Et nous n'avons aucune velléité de croissance externe dans l'infrastructure ou les bases de données. Infor pourrait éventuellement être intéressé par des éditeurs d'applications ciblant telle ou telle industrie.
LeMagIT : A l'heure où les Etats-Unis votent pour leur nouveau président, qu'attendez-vous du futur élu ?
C.P. : Comme la plupart des décideurs économiques je crois, j'attends avant tout de la visibilité. Quel que soit le président élu, la bonne nouvelle réside dans le fait que les deux candidats ont concentré leur campagne sur l'économie et que nous abordons une phase de rebond après la profonde dépression que nous avons traversée.