Pas d'été indien pour les SSII (1/3) : les grands noms sauvent les marges…
Intraitables sur le respect des objectifs de marge - par peur des sanctions des marchés -, les grandes SSII ont abandonné beaucoup de terrain sur le volume d'activités. Au mieux, la décroissance a doublé par rapport au premier semestre. Et c'est même bien pire pour des Capgemini et autres Accenture, qui dépendent largement des grands projets d'intégration.
Après avoir tenté de justifier la spectaculaire chute de leur chiffre d'affaires au printemps par le recul du nombre de jours ouvrés, la plupart des dirigeants de SSII voient une nouvelle fois leur activité se tasser au troisième trimestre. Pour la plupart des acteurs du service, la décroissance s'accélère même, témoignant à la fois de la prudence des donneurs d'ordre (mais ce n'est pas un fait nouveau), mais aussi des effets de la pression sur les prix.
Principale satisfaction pour les grands acteurs : ce recul du chiffre d'affaires s'accompagne d'une résistance des marges, qui témoigne de la vigueur des plans de compression de coûts internes. Des politiques axées notamment sur la réduction des effectifs dans les pays industrialisés, dont la France, et par un recours croissant aux centres de services offshore. Un virage toutefois à aborder avec prudence, les acteurs les plus moteurs sur la délocalisation dans les pays low cost (Capgemini, Steria) sur le marché français étant aussi ceux qui encaissent les décroissances les plus sévères, en raison de l'effet déflationniste de l'offshore. Comme le rappelait abruptement Nicolas Dufourcq, le directeur général adjoint de Capgemini, début novembre : "il faut vendre 4 ou 5 effectifs offshore pour faire le revenu d'un Hollandais ou d'un Anglais".
Si ce troisième trimestre se conclut sur une nouvelle dégradation de l'activité, les dirigeants des SSII estiment que le pire est maintenant derrière eux. Et, comme le prouvent certaines décisions d'investissement, se préparent désormais au rebond. Un redécollage dont tous ne profiteront pas de façon égale, quelques acteurs ayant déjà réussi à freiner leur décroissance, tandis que d'autres continuent à s'enfoncer. Le "Money Time", comme on dit en basket, a démarré, et pourrait bien aboutir à une sensible recomposition du paysage des services dans l'année qui vient.
Première partie de notre bilan en trois volets des résultats trimestriels dans les services avec les poids lourds du secteur.
Capgemini : le recul du CA inquiète
Parmi les grandes SSII internationales, Capgemini signe la décroissance la plus marquée : - 9 % en un an (à 1,95 milliard d'euros). Contrairement à ses concurrents, chez le baromètre français des services, l'outsourcing n'a pas suffisamment joué le rôle d'amortisseur des activités cycliques (conseil et intégration). L'externalisation recule en effet de 2,7 %, tandis que intégration, conseil et services de proximité (Sogeti) plongent de 12,5 % sur un an. En France, l'activité cède près de 10 %.
Les dirigeants de la SSII expliquent cette contre-performance dans l'outsourcing, activité vue comme résistante pendant les crises, par la réduction du périmètre du contrat TXU (un contrat d'infogérance et de BPO signé en 2004 avec un électricien américain pour 3,5 milliards de dollars sur 10 ans) et la baisse de la charge sur un autre grand contrat, celui liant la SSII à Schneider (signé en 2004 également, pour 1,6 milliard d'euros).
Si le recours à l'offshore notamment permet à la SSII de maintenir son objectif de marge annuelle (autour de 7 % en 2009), son impact sur le prix moyen des prestations est spectaculaire. Ainsi, le prix moyen de la journée dans la branche intégration est passé de 497 à 464 euros, entre le second et le troisième trimestre.
Cap a supprimé 1 230 postes en France depuis le début de l'année. Et, symboliquement, l'Inde est devenue le premier pays de la SSII en terme d'effectifs, devant l'Hexagone. Paul Hermelin, le directeur général, a toutefois expliqué avoir pris la décision de relancer les recrutements dans les pays industrialisés : "Aujourd'hui, bloquer les recrutements devient un handicap pour profiter pleinement des poches de croissance". (En savoir plus)
Atos-Origin sauvé par l'outsourcing
A 1,2 milliard d'euros, le troisième trimestre de la SSII dirigée par l'ex ministre Thierry Breton est marqué par une décroissance de 5,6 % (6,3 % en France). Un recul sévère tout entier dû à la branche intégration, qui lâche 14 % sur un an. Sans même parler du conseil qui n'en finit plus de dégringoler (- 34 %), au point que l'avenir d'Atos dans ce métier apparaît de plus en plus incertain.
Comme depuis plusieurs trimestres déjà, le Franco-Néerlandais sauve son exercice grâce à sa branche outsourcing (infogérance, Wordline et BPO médical), qui progresse de 3,6 %. Cette dernière compte maintenant pour 60 % du chiffre d'affaires total.
Comme Capgemini ou d'autres, via un sévère plan de réduction des coûts (réduction des intercontrats, restructuration immobilière, etc.), la SSII, dont les effectifs ont fondu de 2 000 personnes depuis la fin 2008, a maintenu le principal objectif fixé lors de l'arrivée de Thierry Breton : le relèvement de la marge qui doit, sur l'ensemble de l'année 2009, être comprise entre 5,3 et 5,8 %. Rappelons qu'avec 4,8 % de marge opérationnelle sur l'année 2008 (hors activités cédées durant l'année), Atos-Origin figurait dans le wagon de queue des grandes SSII hexagonales. (En savoir plus)
Intégration et conseil font dévisser Accenture
Décalé d'un mois par rapport au rythme de publication de ses rivaux européens, Accenture n'échappe toutefois pas aux tendances qui affectent le secteur. Pour son quatrième trimestre - clos fin août -, le groupe publie un chiffre d'affaires de 5,15 milliards d'euros, en recul de 7 % à taux de change constant (et même de 14 % en dollars). Soit 850 millions de dollars de chiffre d'affaires évaporés en un an. La décroissance passe ainsi de 5 à 8 % en Europe.
Sans surprise, dans un contexte où les grands comptes diffèrent leurs nouveaux projets, l'intégration et le conseil plongent, en recul de 12 % à taux de change constant. Ces deux activités comptent pour 56 % de l'activité du groupe sur la période. En revanche, l'outsourcing (infogérance et BPO) résiste, et affiche une petite croissance de 1 % sur un an (mais un recul de 7 % en dollars). Le mouvement vers l'offshore se poursuit pesant sur les prix. La SSII emploie 46 % de ses effectifs totaux (177 000 personnes) dans les pays à bas coût.
En revanche, notamment grâce aux contrats d'outsourcing, Accenture parvient à défendre ses marges. Sur son quatrième trimestre, la SSII affiche une marge opérationnelle enviable de 8,2 %, largement amputée par une charge de restructuration de plus de 250 millions. (En savoir plus)
Logica se stabilise et dit merci à l'outsourcing
Certes, à 862 millions de livres, le chiffre d'affaires de la SSII enregistre une décroissance de 4 %, soit un doublement par rapport au premier semestre. Mais le recul de la SSII anglaise reste toutefois moindre que celui de ses concurrents directs. Une résistance que la société doit à son activité outsoucing, qui signe une progression de 11 % sur un an, dans la lignée de la performance du premier semestre. A l'inverse, les activités de conseil et d'intégration reculent de 12 %, une décroissance sévère observée chez la plupart des grandes SSII du marché.
C'est dans son pays d'origine, la Grande-Bretagne, où Logica entretient des liens très étroits avec le secteur public (près de 2/3 du CA sur place), que la société creuse l'écart avec ses rivaux. Outre-Manche, son activité progresse de 7 %. Dans l'Hexagone, la décroissance atteint 5 % sur un an.
Sur l'ensemble de l'année, la SSII s'attend à un recul de 3 % de son chiffre d'affaires et à une marge d'environ 7,5 %. (En savoir plus)
En complément :
- Lire notre analyse des résultats des grandes SSII pour le premier semestre 2009