Projet Nice du Crédit Agricole : les objectifs métiers d’un projet controversé

La relation que les particuliers entretiennent avec leurs banques évolue. Le Crédit Agricole entend embrasser ces transformations en remodelant ses postes de travail sur la base de technologies Web. Mais aussi en remettant en partie à plat le cœur de son système d’information. Avec un objectif métier principal : passer d’un concept de banque monocanal à un concept réellement multi-canal dans lequel les processus clients peuvent être entamés, interrompus puis repris sur n’importe quel canal. Une transformation dont la première échéance est fixée à mi-2011. Avec un concept de poste de travail largement inspiré par les interfaces d'Apple.

Construire un système d’information « orientĂ© distribution. Â» C’est l’ambition du projet Nice, explique-t-on Ă  la FĂ©dĂ©ration Nationale du CrĂ©dit Agricole (FNCA). « Nos systèmes actuels ont Ă©tĂ© conçus Ă  l’époque du Minitel », justifie la banque verte. Une Ă©poque qui Ă©tait dominĂ©e par la « logique d’industrialisation des grandes fonctions lourdes de back office avec des projets chaĂ®ne de crĂ©dit, chaĂ®ne titres, etc. Â» Hichem Jaballah, directeur du GIE Synergie (un des 5 GIE gĂ©rant actuellement l'informatique des caisses rĂ©gionales du CA), explique que le projet Nice, dont il a la direction, vise d’abord Ă  rĂ©pondre Ă  une volontĂ© des mĂ©tiers : « aujourd’hui, on fait du pluri mono canal. Â» C’est Ă  dire que plusieurs canaux de distribution sont supportĂ©s, mais chacun en silo, isolĂ© par rapport aux autres. Surtout, « les processus qui ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s n’ont pas Ă©tĂ© dĂ©roulĂ©s de manière Ă  ĂŞtre interrompus. C’est ce qui nous manque. Â» Concrètement, le but est par exemple de permettre Ă  un client de commencer un acte de souscription sur un canal, de l’interrompre puis de le reprendre en agence avec son conseiller, lĂ  oĂą il s’est arrĂŞtĂ©. En clair, il faut « supprimer cette Ă©tanchĂ©itĂ© des processus. Â»

La révolution de l’Internet mobile

Pourquoi avoir attendu maintenant ? « Nous n’étions pas mĂ»rs il y a dix ans ; Internet n’était pas aussi intĂ©grĂ© [au quotidien de chacun] qu’aujourd’hui. Â» L’évĂ©nement dĂ©clencheur, c’est donc un Internet mobile qui se dĂ©veloppe rĂ©ellement, avec des terminaux comme l'iPhone. Et Patrick Schaefer, porte-parole de la FNCA, de souligner l’importance d’Internet pour le CrĂ©dit Agricole : « Nous sommes le premier site bancaire consultĂ© en France, avec 33 millions de visiteurs par mois. Nous avons le 19ème site Web le plus consultĂ© en France. Â» Bref, pour Hichem Jaballah, « nous ne sommes pas en train de dire qu’il n’y aura plus d’agence mais seulement qu'Internet va rentrer dans les agences. Â» Et le directeur du projet Nice de prendre un autre exemple : « on a longtemps pensĂ© que les distributeurs automatiques ne servaient qu’à rĂ©cupĂ©rer de l’argent mais, de plus en plus, ils proposent les mĂŞmes fonctionnalitĂ©s que sur le Web. Le DAB est un canal comme un autre. Â»

iPhone et Surface comme sources d’inspiration

CĂ´tĂ© poste de travail, cette rĂ©flexion trouve un dĂ©but de traduction concrète avec le prototype Pentagone. Visuellement, on retrouve lĂ  une interface graphique qui rappelle des choses telles qu’un Dashboard de Mac OS X, avec plusieurs widgets : messagerie instantanĂ©e, informations, etc. Des widgets dont certains doivent pouvoir ĂŞtre "rĂ©versibles" pour, par exemple, enclencher directement une communication avec un correspondant sans ouvrir de nouvelle page – sans changer de contexte, dirait-on Ă  la FNCA. La communication est unifiĂ©e – ToIP, messagerie instantanĂ©e avec vidĂ©o, e-mail, tĂ©lĂ©phonie commutĂ©e classique, etc. Le tout accessible depuis le mĂŞme terminal pour le conseiller en agence. Sur IP, des documents peuvent partagĂ©s entre correspondants. Un moteur de rĂ©seau social interne devrait ĂŞtre intĂ©grĂ©.

Au centre de cette interface graphique, on trouve une barre de navigation – un carrousel – qui regroupe tous les produits d’un client – compte de dĂ©pĂ´t Ă  vue, assurance vie, etc. –, l’ensemble Ă©tant prĂ©sentĂ© selon le mode Coverflow bien connu des utilisateurs d’iPhone et d’iPod. L’ensemble se consulte dans un simple navigateur Web – de quoi faire tomber certaines barrières « Ă  la mobilitĂ© Â», explique-t-on Ă  la FNCA. Et d’ouvrir la voie, mĂŞme, Ă  des capacitĂ©s Ă©tendues de travail Ă  distance pour les conseillers.

Pour les clients de la banque, l’interface Web doit ĂŞtre comparable ou du moins obĂ©ir aux mĂŞmes logiques et aux mĂŞmes canons ergonomiques. Avec, donc, des processus de souscription interruptibles qui peuvent ĂŞtre repris, en agence ou lors d’un Ă©change en ToIP, avec un conseiller. Des publicitĂ©s ciblĂ©es devraient ĂŞtre poussĂ©es au client via son interface Web, grâce un nouvel outil de GRC dont le choix est en cours. Au final, l’ensemble, simple et très graphique, se veut construit selon une « logique Google Â», avec une courbe d’apprentissage très raccourcie. Surtout, l’ensemble se veut clairement conçu avec, en tĂŞte, la multiplication des Ă©crans tactiles.

Des technologies en cours d’évaluation

Le prototype Pentagone est dĂ©veloppĂ© en C# et Silverlight, en partenariat avec Microsoft et l’agence de design bretonne Kerozen. L’environnement de dĂ©veloppement qui sera retenu in fine n’est pas encore arrĂŞtĂ©. L’offre de Microsoft a des avantages, par rapport par exemple Ă  un Flex d’Adobe, en matière de dĂ©veloppement distribuĂ© et donc, de gestion des sources et de rĂ©fĂ©rentiels, explique AndrĂ© Germinet, directeur de l’équipe Innovation et Nouvelles Technologies du GIE Synergie. Le choix du moteur de recherche intĂ©grĂ© Ă  l’outil n’est pas non plus arrĂŞtĂ© : les solutions de Fast et de Sinequa sont en cours de benchmarking interne.

Pour ce projet, Hichem Jaballah revendique de s’appuyer sur une mĂ©thode de travail itĂ©rative, loin de la dĂ©marche classique de dĂ©veloppement sur la base d’un cahier des charges figĂ© : « les caisses elles-mĂŞmes ne savent pas exactement ce qu’elles veulent Ă  100%. Il faut donc prototyper ce que les utilisateurs ont imaginĂ© et avancer rĂ©gulièrement, de manière itĂ©rative. Â»

Une première version du nouveau poste de travail des caisses du Crédit Agricole devrait être déployée mi-2011, pour les régions Ouest et Nord, sur la base des travaux conduits par le GIE AMT. La généralisation doit intervenir un an plus tard, avec la seconde version de l’outil.

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Une évolution de la relation client déjà en marche
dsc 3149A Chartres, place des Epars, les efforts d’adaptation du Crédit Agricole aux évolutions de la relation client trouvent déjà une traduction concrète dans ce qui ressemble à un laboratoire grandeur nature : l’Espace Projets. Ce n’est pas une agence bancaire. Ca rappelle plus une sorte de salon avec des canapés, des fauteuils, un petit espace enfants. Cet espace est exclusivement dédié au montage de dossiers projets – les clients qui signent là sont rapidement présentés au conseiller qui, par la suite, gèrera leur compte au quotidien, dans une agence plus traditionnelle. Mais l’ensemble fait déjà la part belle à l’innovation dans le métier de conseiller bancaire. Sur le plan organisationnel, les collaborateurs de cet espace projets disposent de leurs propres bureaux mais n’y reçoivent pas les clients : ceux-ci sont accueillis autour d’une table, dans un atmosphère plus chaleureuse. Sur cette table se trouve un téléphone IP et l’écran d’un poste de travail en libre service. Clavier et souris sans fil ne sont sortis que lorsque l’entretien nécessite l’utilisation du poste de travail banalisé. Le tout est raccordé à un second écran surmonté d’une webcam, accroché au mur : c’est pour la téléconférence, dans le cas où l’intervention d’un « expert » serait nécessaire.

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