ArcelorMittal avance à grands pas pour externaliser l’administration de son IT
ArcelorMittal se prépare à externaliser l’exploitation et la maintenance de son infrastructure IT à l’échelle européenne. HCL Technologies et CSC seraient les deux derniers prestataires en lice pour le projet. Un projet que dénoncent les syndicats de l’entreprise. Selon la CFE-CGC, une option de rationalisation interne pourrait être plus intéressante. Quoique la comparaison des offres paraît difficile tant le périmètre et les objectifs du projet seraient fluctuants.
ArcelorMittal se prépare à externaliser l’exploitation et la maintenance de son infrastructure IT à l’échelle européenne. Tout doit y passer : les réseaux, les serveurs, les mainframes, les postes de travail... «Tout ce qui supporte les flux de pilotage des processus métiers. Mais pas les systèmes de commande des haut fourneaux, par exemple», explique Emile Hibon, secrétaire au comité d’entreprise. Le syndicat CFE-CGC, auquel est rattaché celui-ci, dénonce ce projet depuis le mois de mai. Au printemps dernier, le syndicat évoquait les chiffres de 600 salariés concernés, environ, dont 162 dans l’Hexagone. Mais il s’alarmait surtout de ne pas avoir eu de «démonstration argumentée» du projet. Une situation qui n’a pas évolué.
Un projet nébuleux...
De fait, celui-ci indique ne toujours pas disposer d’éléments chiffrés précis : «c’est extrêmement difficile d’avoir accès aux propositions chiffrées des candidats - HCL Technologies et CSC.» Au point d’avoir fait valoir le droit d’alerte et mandaté un expert. Lequel devrait pouvoir finalement accéder aux précieux documents ce mercredi 17 novembre. Mais se dessine peut-être une explication à ces difficultés : «le cahier des charges du projet n’a pas arrêté d’évoluer dans le temps, au gré des discussions avec les prestataires. C’est un peu dangereux, n’est-ce pas ?» Du coup, «les chiffres évoluent. On a des fourchettes», indique le syndicaliste. Selon Emile Hibon, un objectif d’économie de 50 % aurait initialement été évoqué, puis «30 % et maintenant 20 % - ce comportement vis-à-vis du dossier nous inquiète».
Alors certes, selon lui, il y a effectivement des économies à réaliser : «il est possible d’harmoniser entre Europe de l’Est et Europe de l’Ouest. Mais rien n’a été fait dans ce sens depuis quelque temps. On le paie aujourd’hui.» Il souhaite que l’entreprise «investisse sur ses compétences internes; nous avons les moyens internes de faire cette restructuration».
...mais aux grandes lignes déjà connues
Reste à savoir si la direction entendra ses salariés. Dans les grandes lignes, son projet consisterait aujourd’hui à maintenir, en interne, «quelques salariés en frontal des prestataires. Mais tous les autres, y compris ceux qui resteraient sur les sites européens, seraient transférés chez les prestataires. Ils ont besoin de leur connaissance des sites - certains s’étendent sur plus de 7 km de long avec une implantation des bâtiments pas toujours bien détaillée».
Une aubaine pour HCL Technologies |
Les personnes travaillant directement sur le dossier relèveraient des différences d’approche significatives entre les deux concurrents. De source syndicale, CSC, «c’est un peu une grosse machine assez rigide qui arrive avec sa méthode». A l’opposé, «HCL a la volonté de s’implanter en Europe et en France. On sent bien qu’on peut les aider dans leur stratégie de développement en France». Pour la CFE-CGC, c’est simple : «pour obtenir le marché, les deux sous-traitants ont fait du dumping.» Lors d’une rencontre à Noida, près de New Delhi, en Inde, fin octobre, Vineet Nayar, Pdg de HCL Technologies, n’avait pas caché une ambition marquée pour l’hexagone alors qu’il y cherche des contrats de référence : «nous sommes un partenaire d’innovation [...] nous pouvons le faire avec une structure de coût sans équivalent. Et nous pouvons créer des emplois en France pour vous. Ce sont des choses que nous avons déjà faites en Irlande du Nord, en Suède, en Pologne, [...] à Helsinki.» |
A cela viendraient s’ajouter des «centres de compétences, pas forcément implantés au même endroit que les trois centres de calcul de la cible - un à Dunkerque, un au Luxembourg, et un autre dont la localisation n’a pas été arrêtée». Au final, «une part des salariés transférés pourraient être redéployés chez d’autres clients du prestataire; il y aurait 140 suppressions de postes sur trois ans». Un chiffre qui ne tient pas compte de «la sous-traitance structurelle existante».
Peu de référentiels de comparaison
Mais Emile Hibon souligne qu’une tentative précédente d’externalisation de l’informatique a déjà eu lieu, pour échouer. «A l’été 2009, la direction a envisagé d’externaliser la gestion des postes de travail. Finalement, cela ne s’est pas fait car cela aurait coûté 35 % plus cher que de continuer de se reposer sur les équipes internes.» Mais les données permettant de confronter des projets différents s’arrêtent là : «nous n’avons pas de benchmark récent des services d’infrastructure IT internes. Les benchmarks réalisés par Compass ou Gartner remontent à plus de trois ans.»
Faute d’indicateurs sur la performance interne, Emile Hibon dénonce une démarche dogmatique : «sinon, il y a longtemps que le business case serait sorti ! Alors que là, ça évolue au fil de l’eau.»
Un recentrage sur le coeur de métier assumé
L’externalisation n’est pas une expérience nouvelle pour le géant de l’acier : en juin 2008, il a choisi un consortium composé du Français Sopra et de l’Indien MindTree pour la refonte et la maintenance de son parc d’applicatifs de gestion; un contrat de 3 ans auquel a également été associé Satyam. Fin 2009, ce fut au tour de l’unité de services partagés de comptabilité de faire l’objet d’un projet d’externalisation/délocalisation avec le regroupement des activités stratégiques en Pologne et la prise en main des autres - «non stratégiques et répétitives», dixit un communiqué de la CFE-CGC de septembre 2009 - par Wipro. Avec, au passage, une réduction des effectifs de 422 équivalents temps plein (ETP), fin 2008, à 157 ETP fin juin 2010. Wipro s’occuperait également de la gestion de la messagerie électronique d’ArcelorMittal.
En mai 2010, Edouard Martin, responsable CFDT au comité d’entreprise européen d’ArcelorMittal, indiquait ainsi à nos confrères de l’AFP : «la stratégie de Mittal se poursuit, on n’a pas fini de sous-traiter et d’externaliser dans les services non liés directement à la production.»