Symantec se lance dans une chasse aux sorcières contre Veeam et Acronis
Veeam et Acronis, deux petits éditeurs montant sur le marché de la sauvegarde, sont accusés par Symantec, le numéro un du secteur de violer sa propriété intellectuelle. De quoi relancer le débat sur la question des brevets logiciels.
Pourquoi les géants du logiciel constituent-ils des portefeuilles de brevets importants ? En général, lorsque l’on pose la question, la réponse est souvent qu’ils souhaitent se protéger contre des « Trolls », ces petites sociétés spécialisées dans le chantage au brevet par voie judiciaire. Bref, les brevets auraient une vocation défensive et non pas offensive. Voilà pour la théorie.
Dans la réalité, on est loin du monde des bisounours et il n'est pas rare qu'un géant utilise son vaste portefeuille de brevets pour se protéger de l'émergence de petits éditeurs dont la concurrence devient encombrante. C'est justement ce que vient de faire Symantec en attaquant en justice deux de ses petits concurrents, Veeam Software et Acronis, deux des éditeurs montants sur le marché de la sauvegarde, pour violation de sa propriété intellectuelle. Veeam s’est par exemple développé à un rythme rapide sur le marché de la sauvegarde d’environnements virtuels depuis 2008, mais Symantec se présente dans sa plainte comme un pionnier de la sauvegarde d’environnements virtuels et explique que l’arrivée de Veeam a provoqué une érosion des prix et réduit ses bénéfices.
Violation de brevets
Dans la pratique, Symantec qui édite deux des produits de sauvegarde les plus utilisés du marché, NetBackup et Backup Exec, reproche à Veeam Backup & Replication de violer quatre de ses brevets portant sur des concepts qui semblent évidents en matière de sauvegarde, comme l’utilisation de snapshots comme base d’une sauvegarde ou "la sauvegarde de machines virtuelles sur un système de stockage autre que le stockage primaire de la VM" (sic).
Symantec accuse également Acronis de violer cinq de ses brevets. L'éditeur explique par exemple que son concurrent a défini une interface graphique qui montre simultanément les données sauvegardées et l’ordinateur sur lequel elles vont être restaurées (un dispositif couvert par le brevet “Graphical User Interface for Mapping Computer Resources”).
Symantec explique par ailleurs qu’il a été le premier à proposer la restauration granulaire de fichiers dans les machines virtuelles NetBackup 6.5 en 2007. Il explique aussi dans sa plainte avoir été le premier « grand éditeur » à livrer une solution de sauvegarde et de réplication pour Hyper-V (Veeam vient tout juste de lancer sa première solution de sauvegarde d’environnements virtuels sous Hyper-V, NDLR) et à avoir inclus la restauration granulaire de fichiers pour les VM Hyper-V dans Backup Exec 12.5 en septembre 2008. Et d’enchainer avec une longue litanie de fonctions uniques à ses produits.
Veeam et Acronis, sans commenter sur le fond la plainte de Symantec, indiquent qu’elle n’a aucun fondement et qu’ils entendent répliquer avec vigueur… Notons que Symantec réclame des dommages et intérêts et exige que ses concurrents cesse d’utiliser « ses » technologies dans leurs produits, plutôt de demander des royalties pour ses brevets.
Le champ de mines des brevets logiciels
La lecture des brevets de Symantec mis en avant dans les deux procès est édifiante quant aux problèmes que posent les brevets logiciels. Elle révèle tantôt des concepts triviaux, tantôt des concepts formulés de façon si obscure qu'il devient difficile d'en comprendre la portée.
Gageons que quelques millions de dollars seront dépensés en frais d’avocats et d'experts en propriété intellectuelle pour séparer le bon grain de l'ivraie. Des frais qui seront sans doute accessoires pour un géant comme Symantec, mais qui le seront sans doute moins pour de jeunes sociétés comme Veeam ou Acronis.
Comme le rappelait récemment l'avocat général de la Cour de Justice de l'Union Européenne dans le cadre de l'affaire opposant SAS Institute à World Programing : "admettre qu’une fonctionnalité d’un programme d’ordinateur puisse, en tant que telle, être protégée reviendrait à offrir la possibilité de monopoliser les idées, au détriment du progrès technique et du développement industriel". Il parlait là de code protégé par le copyright et non directement de brevet. Mais la même analyse pourrait être faite sur les conséquences des brevets logiciels...