David Flynn, Fusion-io : "Les clients doivent résister à la tentative de verrouillage d'EMC"
Dans une interview avec nos collègues de SearchSolidStateStorage.com, le patron de Fusion-io revient sur le lancement de VFCache par EMC et explique pourquoi il est persuadé que l'approche de sa société prévaudra sur celle d'EMC, dont il compare la stratégie dans le stockage à celle d'IBM à la grande époque du mainframe...
Lorsqu’EMC a lancé ses cartes d’accélération Flash VFCache cette semaine, le constructeur a identifié Fusion-io comme son principal concurrent sur le marché. Interrogé par SearchStorage, le CEO de Fusion-io, David Flynn, explique toutefois que sa société dispose d’un produit de cache plus mature que celui d’EMC et que les clients devraient résister à la tentative d’EMC d’étendre son « verrouillage » au domaine des serveurs.
SearchSolidStateStorage.com: Quel effet cela fait-il de voir EMC vous désigner comme une cible avec sa technologie VFCache et son projet de baies Flash “Project Thunder”?
Flynn: Nous considérons que lorsqu’EMC a dû répondre à la menace du NAS, les ventes de NetApp ont réellement décollé. Quand EMC a dû faire face à la déduplication, Data Domain a décollé. Le schéma est désormais bien connu : ils vont essayer à plusieurs reprises d’entrer sur ce nouveau marché. EMC est le symbole d’un système fermé. Il est le modèle d’un système de verrouillage par un vendeur que la plupart des clients sont contents d’abandonner lorsqu’ils basculent vers des architectures plus distribuées, de type scale-out, ou vers des architectures de type Big Data qui ne dépendent plus de systèmes que l’on peut considérer comme des mainframes de stockage. Les grandes baies de stockage sont des modèles d’intégration verticale, ou le verrou imposé par le vendeur est total, comme c’était le cas à l’époque du mainframe.
Nous sommes un concurrent d’EMC depuis notre création. Le jour ou nous avons communiqué publiquement et annoncé notre premier produit, EMC a annoncé qu’ils allaient intégrer du stockage Flash dans leurs baies. C’était à la fin 2007. Nos deux sociétés sont entrées sur le marché du stockage Flash au même moment. A l’époque, Fusion-io était une société de 15 personnes et cela ne nous a pas empêchés de faire bien mieux qu’eux.
Cela est du au fait que nous nous concentrons tous nos efforts à maximiser le potentiel de rupture qu’apporte la Flash, tandis qu’EMC doit penser à préserver les revenus dérivés de ses baies de stockage. Nous avons dit à l’époque : mettez la Flash dans vos serveurs. C’est là qu’elle est le plus efficace et c’est là que l’accélération des applications sera maximale. EMC, lui, a dit mettez la flash dans les baies de stockage. Tout simplement parce que c'est là qu’ils pouvaient la facturer le plus cher. Ils admettent maintenant que la Flash est plus efficace dans le serveur. Mais ils continuent à tenter de protéger leur verrouillage.
La carte Micron [utilisée dans VFCache] pourrait être vendue par un fabricant de serveur, pourquoi l’acheter à EMC ? Pourquoi EMC ne se contente-t-il pas de vendre le logiciel ? Tout simplement parce qu’ils tentent de garder leurs mains sur la Flash et d’étendre leur verrouillage. Je ne pense pas que les clients qui achètent des serveurs souhaitent devenir otages d’EMC, comme le sont devenus leurs homologues du stockage.
SearchSolidStateStorage.com: EMC a tout d’abord préannoncé VFCache en mai 2011 sous le nom de code “Project Lightning”. Avez-vous été surpris par le lancement officiel cette semaine ?
Flynn: J’ai été surpris par la faible capacité et par le fait qu’EMC a fait le choix de mémoire SLC [single-level cell]. Cela montre qu’EMC ne fait pas assez confiance aux fournisseurs qui lui vendent les cartes Flash pour utiliser de la mémoire MLC moins coûteuse.
Le fait qu’ils ne supportent pas non plus [VMware] vMotion et le partage de la cache entre machines virtuelles révèlent aussi un lancement dans l’urgence. Ce sont en effet des fonctionnalités clés dans les environnements virtualisés. Nous avons choisi ne pas nous lancer sur le marché avec ce niveau de fonctionnalités et avons attendu de proposer le support vMotion. Ce n’est qu’en fin d’année dernière, que nous avons mis sur le marché notre produit avec IO Turbine, avec un niveau bien plus sophistiqué de support des environnements virtualisés.
SearchSolidStateStorage.com: le web cast d’EMC lundi dernier incluait un graphique opposant les performances de la carte Micron et celle de Fusion-io, et montrant un avantage à la carte Micron.
Flynn: Ils ont montré les performances de notre carte de première génération, un produit qui est sur le marché depuis 4 ans. Cela n’est pas révélateur des performances de nos produits modernes. C’est l’un des problèmes lorsque l’on est sur le marché depuis si longtemps, ces types peuvent faire leur choix parmi les vieux tromblons et se comparer à eux. L’autre chose est qu’il comparent les performances d’une carte MLC avec les performances de leur carte SLC, ce qui revient à comparer des pommes et des oranges d’un point de vue des caractéristiques de performance de la mémoire Flash sous-jacente.
Un autre point intéressant dont ils ont parlé est qu’ils ont livré 24 Po de capacité Flash en 2011. Nous en avons livré plus de 50 Po…
SearchSolidStateStorage.com: EMC clame que VFCache est plus rapide que Fusion-io car il prend en charge la gestion de la mémoire Flash et des algorithmes d’optimisation de l’usure de la Flash, tandis que Fusion-io délègue cette tâche au CPU du serveur.
Flynn: C’est exactement l’opposé. Notre technologie de cache contourne le système d’exploitation du client et de l’hyperviseur. Nous recevons les requêtes d’entrées/sorties directement depuis l’application et ne devons pas traverser NTFS – le système de gestion de fichiers né avec Windows NT – ou VMFS – le système de gestion de fichiers de VMware. En faisant l’économie de ces couches nous avons un accès direct aux requêtes d’I/O et sommes à même de les servir avec un impact CPU bien inférieur. EMC est concentré sur le mauvais point si leur priorité porte sur l’impact CPU requis pour accéder à la Flash. Ils devraient se concentrer sur le contournement des couches de système d’exploitation qui s’interposent entre le stockage et les requêtes I/O des applications.
Cette histoire sur l’utilisation du CPU est un mensonge. Nous accélérons les applications mieux que les autres produits Flash du fait de notre architecture. Mais cela va contre l’intuition et amène beaucoup de personnes à penser qu’il s’agit d’une faiblesse, alors que c’est là que réside notre force dans la gestion de la Flash.
SearchSolidStateStorage.com: Un autre point qu’EMC mentionne est que l’utilisation de stockage Flash dans les serveurs en conjonction avec une baie de stockage permet aux clients de bénéficier d’un niveau de protection de données et de disponibilité qu’ils ne peuvent avoir avec une carte Fusion I/O et un stockage local dans le serveur.
Flynn: Nous permettons ce type d’utilisation avec notre logiciel de cache IO Turbine et avec notre technologie direct cache. Lorsque vous regardez de près nos marchés de croissance, vous trouvez les grandes infrastructures distribuées, le SaaS, le Big Data et les grands acteurs du web comme Apple et FaceBook. Ces utilisateurs gèrent la haute disponibilité d’une façon qui ne nécessite pas de baie de stockage haut de gamme. Même des entreprises plus traditionnelles tentent de s’inspirer de ces architectures en adoptant des technologies comme Hadoop, ou en adoptant les services de fournisseurs SaaS qui utilisent déjà ces technologies.
SearchSolidStateStorage.com: Quel est votre avis sur le Projet Thunder?
Flynn: Le fait de construire aujourd’hui une appliance de stockage 100% Flash est trop peu et arrive trop tard pour protéger le vieux business des « Storage Mainframe ». Mettez de la flash directement dans un serveur et vous disposerez d’emblée d’un stockage à très haute performance. Vous n’avez pas besoin d’EMC pour faire ça. EMC met ses propres cartes VFCache dans une boîte. Et bien devinez quoi ? Mettez les vous-mêmes dans une boîte et vous obtiendrez quelque chose qui n’est pas verrouillé par un quelconque fournisseur. C’est une architecture ouverte.