Fiscalité du numérique : Fleur Pellerin n'a pas oublié la taxe Colin - Collin
Pour contrer les pratiques d'optimisation fiscale des grands acteurs du numérique, Fleur Pellerin penche toujours pour des mesures spécifiques. Et détère une des mesures emblématiques du rapport sur la fiscalité du numérique : la taxation des données personnelles collectées par les Google, Facebook et autre Amazon.
A quelques semaines d'un sommet du G8 qui a inscrit à son agenda la lutte contre l'évasion fiscale, l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, réunissant les 34 pays les plus riches de la planète) organisait ce matin un débat sur l'optimisation fiscale des grandes entreprises, débat auquel participait notamment Fleur Pellerin (la ministre de l'Economie numérique).
"Au cours de ces dernières années, nous avons connu une érosion des bases de taxation en raison des plans d'optimisation fiscale agressifs des grandes entreprises. Depuis la crise financière de 2007-2008, les gouvernements ne peuvent plus tolérer ces pratiques, explique Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE. Dans des pays contraints d'augmenter les taxes, voir des entreprises profitables ne payer aucun ou très peu d'impôts crée un problème politique."
Un problème qui s'est étalé sur la place publique dans la plupart des pays développés, mais aussi dans certains pays en voie de développement comme l'Inde, en raison des "exploits" fiscaux des grandes firmes américaines du numérique, comme Apple, Google, Microsoft ou Amazon. C'est pour lutter contre ces pratiques que l'OCDE doit présenter un plan d'action en juin, suite au mandat que lui a confié le G20. "Pendant cinquante ans, des instances comme l'OCDE ont lutté contre la double imposition d'entreprises travaillant à l'international, remarque Pascal Saint-Amans. Pour aboutir finalement à une double non-taxation, les multinationales exploitant les différences de législation pour échapper à l'impôt". Le cas d'Apple, disséqué récemment par l'administration américaine, paraît, en la matière, emblématique. Selon le directeur du Centre de politique et d’administration fiscale, le plan que prépare l'OCDE comprendra des "actions concrètes", vouées à produire des résultats "sous deux ans" dans des domaines comme l'utilisation des prix de transfert ou les écarts de législation entre pays.
Des règles spécifiques pour le numérique
"Ces pratiques des multinationales crée un environnement concurrentiel injuste pour les PME et les entreprises locales qui ne peuvent mettre en place des pratiques d'optimisation fiscale", note Fleur Pellerin. Et de remarquer : "Il y a deux ans, dans le débat public, la résignation dominait sur cette question. L'opinion était persuadée qu'il n'y avait pas de solution à ce problème que ce soit au niveau local ou au niveau européen, où l'unanimité des 27 sur la question était nécessaire, raconte la ministre. La seule voie possible semblait être la renégociation des conventions fiscales entre pays, ce qui aurait nécessité des douzaines d'années. Aujourd'hui, le poids des échanges intangibles dans l'économie a abouti à une prise de conscience".
Et la ministre d'appeler à la mise en place de nouvelles règles rendant les pratiques d'optimisation fiscale impossibles ou en tout cas moins rentables. "Nous commençons à trouver des solutions techniques, comme le concept d'établissement virtuel, pour réconcilier la taxation et les lieux où sont réalisés les profits", explique la ministre, qui salue les efforts de l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France pour placer ces questions parmi les priorités des instances internationales.
Tout en affirmant ne pas "mener une croisade contre les sociétés américaines", Fleur Pellerin insiste évidemment sur la place centrale occupée par les grands noms de l'économie numérique dans ces pratiques d'évasion fiscale. Et sur les réponses spécifiques à y apporter : "nous devons régler la question de la taxation de la présence numérique. Sur de nombreux services, les utilisateurs fournissent des données personnelles qui sont à la base de la monétisation de ces services par leurs fournisseurs. Il s'agit en fait d'un travail gratuit fourni aux entreprises de l'économie numérique : nous pensons que ce travail doit trouver une concrétisation financière". Une piste esquissée dans le rapport Colin - Collin sur la fiscalité de l'économie numérique. Ce rapport, remis au gouvernement en janvier dernier, avait créé quelques remous en raison de cette proposition audacieuse. Reste à savoir si cette dernière, instaurant une nouvelle assiette d'imposition (les volumes de données), figurera parmi les préconisations du rapport de l'OCDE. Consulter le rapport colin - collin