Un appel d’offres public demande une vraie certification Ubuntu
Un appel d’offres portant sur la fourniture de matériels informatiques à des ministères demande clairement une certification des ordinateurs pour Ubuntu. Une première qui va au delà de la simple compatibilité. Cet accord-cadre interministériel demande également que les machines ne soient pas verrouillées sur un OS particulier.
Les administrations françaises commencent à considérer les logiciels Open Source à l’égal des logiciels propriétaires. C’est l'un des constats que nous avons pu réaliser à la lecture d’un appel d’offres public interministériel (référencé 2013/S 079-133073) portant sur «la fourniture de matériels micro-informatiques, d'accessoires, de solutions d'impression, de périphériques associés et de services complémentaires rattachés». Cet accord-cadre, publié au BOAMP le 23 avril dernier, mené par le Ministère de l’Intérieur, comprend ainsi essentiellement des équipements de bureau : postes de travail fixes, micro-ordinateurs portables, tablettes tactiles, clients légers, solutions d’impression, des écrans et enfin plusieurs périphériques comme des scanners - le tout découpé en 7 lots distincts.
Un appel d’offres interministériel comme d’autres finalement. Sauf qu’il s‘agit ici du premier appel d’offres public à exprimer clairement la demande d’une certification pour un OS Libre, Ubuntu, au même titre qu’une certification des traditionnels OS Windows, nous indique une source proche du dossier, qui a souhaité conserver l’anonymat.
Le texte, qui définit les critères de l’appel d’offres, stipule non seulement que les postes de travail, les ordinateurs portables, les solutions d’impression ainsi que les périphériques, doivent disposer de pilotes compatibles avec les OS Windows 7 Professionnel, Enterprise Windows 8 Professionnel et Enterprise et Linux Ubuntu 12.04 LTS. Mais surtout, il mentionne très clairement que les PC de bureau ainsi que les ordinateurs portables doivent être certifiés pour ces mêmes OS, «en tout temps de l’exécution de l’accord-cadre».
«Les équipements de ces lots doivent disposer du label "Ubuntu Certified" ou du label "Ubuntu Ready", pour toutes les distributions Linux Ubuntu Desktop de type "Long Term Support" (LTS), et cela durant l'intégralité de leur durée de support par l'éditeur (5 ans)», est-il écrit. Le texte précisant que cela est valable à partir de la distribution Ubuntu 12.04 LTS (Long Terme Support), sortie fin avril 2012.
L’un des points clés, résume notre source, est qu’il s’agit «d’une vraie certification Ubuntu et non pas d’une simple compatibilité». Cet appel d’offres aurait ainsi, selon elle, bénéficié du soutien, de l’expérience et des besoins de la Gendarmerie Nationale, dont les procédures de migration de XP, bientôt en fin de vie, vers Ubuntu devraient s’accélérer. La Gendarmerie est l’un des symboles de la migration Linux de l’administration en France. L’institution a entamé une migration de ses postes de travail vers Ubuntu, OpenOffice / LibreOffice et Firefox. D’ici avril 2014, 80 000 postes devraient avoir migré, rappelle cette même source.
Pas de verrou sur un OS particulier
Mais ce n’est pas tout. Outre cette certification Linux devenue ici un critère officiel, cet accord-cadre vient également exiger que les Bios ou UEFI des machines ne soient pas signés afin de permettre l’installation d’OS autres que Windows 8. Ainsi si aujourd’hui, Windows 8 devrait faire parti des équipements proposés, les clauses d’évolution inscrits dans l’accord laissent le champ libre à d’éventuels passages à Ubuntu.
«Le bios (ou UEFI) des matériels des lots 1 à 4 [PC, portables, tablettes et clients légers, NDLR] ne pourra contraindre l'Administration à l'utilisation d'une version spécifique et signée d'un système d'exploitation particulier», indique le texte de l’appel d’offres.
Par ailleurs, il est également demandé que les mises à jour des bios «doivent pouvoir se faire par une procédure externe et autonome (clés USB, etc.) sans nécessiter de passer par le système d'exploitation de la machine». Hors Windows, donc.
Notons également que pour les tablettes tactiles, il est également demandé un OS «Android 4.1 ou supérieur». Les tablettes dites durcies à usage métier doivent quant à elle, être sous Windows Professionnel 7, au minimum.
«Avec ces machines, il sera de toute façon plus facile de faire des expérimentations Linux sur d'autres services que la Gendarmerie», nous précise-t-on, ajoutant que d’autres services sont «demandeurs» de logiciel libre. Le Ministère de la Justice est concerné par cet appel d’offre. Celui-ci va ainsi «pouvoir tester Ubuntu». Une façon ainsi de faire infuser Linux dans des strates où il n’était jusqu’alors pas engagé.
Mais faut-il y voir pour autant une conséquence directe de la circulaire du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, qui rappelons-le, recommande aux administrations de considérer à égalité logiciels libres et logiciels propriétaires, dans les achats informatiques ? Oui et non, nous répond-on car, au final, cet accord-cadre vise davantage à «renouveler une situation avec l'UGAP qui n'était pas avantageuse». Mais la circulaire Ayrault a en revanche eu pour effet «d'avoir une légitimité sur les demandes vis à vis de certaines - très - fortes réticences ».
1,5 Md€ dépensés en 5 ans dans le logiciel non libre
Si, évidemment, cela ne constitue qu’une avancée légale du libre dans l’administration en France, cet appel d’offres, et probablement d’autres à venir, devraient contribuer à lever certaines barrières à l’usage de Linux et autres applications libres dans les bureaux et agences des ministères et institutions publiques.
Pourtant, aujourd’hui, en dépit de cette circulaire, de gros contrats sont encore signés avec des éditeurs dits propriétaires, comme celui de Microsoft avec le ministère de la Défense par exemple.
Les dépenses de l’administration française en logiciels non libres (en termes d’acquisition et de maintenance) sont, quant à elles, évaluées à quelque 300 millions d’euros par an, soit quelque 1,5 milliards d’euros sur le période 2007 - 2011, a révélé le ministre du Budget, en réponse à une question écrite de Gwenegan Bui, député socialiste. L’Etat serait responsable de 231 M€ à 260 M€ par an (sur la même période) et d’autres administrations publiques, via l’UGAP, de 63 M€. En 2011, les dépenses en logiciels Microsoft sont évaluées à 53,9 M€, affirme ce même ministre dans une autre question écrite, d’Isabelle Attard, député écologiste, comme le rapportent nos confrères de PCInpact. Le libre et l’administration, un mariage qui prendra bien du temps.