L'emploi des informaticiens freelance : un baromètre du marché IT
Effet de la crise, confirmation d'une réalité sociologique : non seulement les sites d'intermédiation entre informaticiens freelances et donneurs d'ordre font florès ; mais les détails de l'offre et la demande – typologie des compétences et tarifs des prestations – font désormais l'objet d'un suivi régulier, indicateur de tendances.
Par dizaine de milliers, si l'on en croit les compteurs des sites spécialisés, les informaticiens indépendants constituent une cible privilégiée de cette modalité de rencontre entre un besoin et une offre de compétences. Des sites qui, depuis les années 2000, se sont multipliés et visent, pour certains, un marché sans frontière des missions en freelance. Au point de donner l'impression d'un marché de plus en plus ouvert, permettant aux informaticiens de rebondir d'une mission à l'autre. Même si la réalité n'est pas aussi rose, loin s'en faut.
D'où le bien-fondé des indications barométriques que donnent certains sites avec le suivi des compétences plus ou moins demandées. Avec, de plus, des barèmes détaillés des tarifs pratiqués. Précisions sans doute plus utiles pour ceux qui ont fait récemment le pas, par choix ou par obligation, que pour les solos déjà installés dans ce mode de vie professionnelle, sous divers statuts (auto-entrepreneur, libéral sur honoraires, salarié porté). Mais même pour ces derniers, il peut être utile de savoir qu'actuellement la cote des profils Android est en hausse, tandis que celle de développeur Java connaît un coup de mou. Comme le confirment (sans grande surprise!) certains hit parades récents (sur freelance-informatique.fr, ou freelance-info.fr). Sans compter l'intérêt de ce type d'informations pour les donneurs d'ordre, parmi lesquels se trouvent des petites structures (PME, voire TPE), adeptes de l'externalisation en nombre croissant. Près de la moitié des TPE sondées par Freelancer.com (2500 gérants français interrogés) externalise des tâches liées à la programmation et au développement web. Pour un montant total dépassant 1,5 million d'euros en 2012 (selon cette plate-forme de contacts).
Exportation de services vers les Etats-Unis
Pour Freelancer.com, le suivi est international et trimestriel. Ce qui tend à souligner les fluctuations de la demande. Tout en relativisant l'impact, puisque toutes compétences, toutes localisations géographiques des prestataires freelance confondus (Inde en tête, prestataires français en 9ème position en nombre de missions réalisées pour les PME et TPE françaises), le montant moyen alloué à ces travaux est inférieur à 150 euros. Sachant cependant que les prestataires indépendants français exportent principalement leurs services vers les Etats-Unis (33% des missions des français à l'international) beaucoup plus que vers les pays européens (Royaume-Uni, 9% ; Allemagne et Italie entre 3 et 4%).
Il y a six mois, le web interactif était à l'honneur, avec un pic de la demande autour de HTML5, jQuery, PHP ; et à l'inverse plus de modération du côté du marketing internet ou de l'attention portée à l'expérience utilisateur (contenu et design des sites). Au premier trimestre 2013, ce sont les compétences liées à l'organisation et la gestion des processus métiers (BPO), qui ont eu besoin de renfort du fait de l'externalisation des tâches de back office (compta, paie) permettant le report de budget vers des activités coeur de métier et/ou commerciales.
HTML 5 et conception 3D en hausse
Les métiers liés à l'essor sans discontinuité du e-commerce et du web 2.0 restent en haut de la liste du « Fast 50 » des compétences les plus recherchées : HTML5, ainsi que CSS, et avec une moindre progression PHP, jQuery ou MySQL. Curieusement, les profils liés aux réseaux sociaux (Facebook ou Twitter) enregistrent un tassement des offres. Et la progression des offres de missions de développement d'applications pour iPad et iPhone (+11% et +5% respectivement), bien inférieure à celle trouvée autour d'Android (+20%), est assez parlante. Il en est de même du rebond des métiers d'optimisation des contenus (Search Engine Optimization) et du Web Analytics (collecte et analyse des données web), alimenté, selon le bilan trimestriel, « par le recours aux stratégies de contenu ».
Plus original pour ce début d'année 2013, la nette progression de la demande de compétences en conception et modélisation 3D, justifiée, selon Freelancer.com, par la démocratisation de l'impression 3D, avec réduction des coûts mais aussi effet de mode.
Mobilisation autour des freelances
Parallèlement à l'essor du régime d'auto-entrepreneuriat – et des menaces récurrentes de réaménagement fiscal adverse –, une offre de type écosystème se développe autour des freelances. Que ce soit pour les accompagner dans leurs démarches administratives et leur veille juridique (Evoportail, Fédération des auto-entrepreneurs Fedae, Fédération nationale du portage salarial FeNPS) et dans leur prospection commerciale (les places de marché HiTechPros, Consulink, freelance.com, iDirect.fr, trouvemoiunfreelance.com, ruedesmissions.com, agentsolo.com, myfreelancecompany.com). Ou pour les sortir de leur isolement et jouer la carte de la collaboration (coworking) entre solos, de façon spécifique (codeur.com). Ou inspiré par le mode d'échange et de « contribution » caractéristique du monde des développeurs (fierdetredeveloppeur.org) ou par les relations de type cooptation sur réseaux sociaux spécialisés (MyJobCompany, Boondeo.fr). Sans oublier de nouvelles occasions d'échanger de bons tuyaux professionnels, telles les BOF's (Birds of a feather) ou les nouveaux modes de regroupement de compétences comme les NoSSII (not only sociétés de services). Ou encore, dernier avatar du mode d'intermédiation placé sous le signe de l'évolution des modes de consommation informatique, le cloud-working (qui permet également le montage de collaboration entre solos) tel que le propose la start-up allemande Twago. Sans surprise, celle-ci constate, trois mois après le lancement de ses services vers les freelances français, la prédominance des développeurs dans sa clientèle (plus de 40% des mises en relation) sur fond d'une durée moyenne des missions (tous projets confondus) de 2,5 semaines.