Infosys en pleine tourmente boursière
Les résultats d'Infosys pour le dernier trimestre de l'exercice fiscal 2012-2013 ont jeté un froid glacial sur les marchés boursiers indiens. La SSII semble peiner à se transformer sur fond de crise économique persistante qui met ses marges sous pression.
Infosys vient de présenter des résultats en demi-teinte pour le premier trimestre de l’année, et dernier de son précédent exercice fiscal. A 1,938 Md$, le chiffre d’affaires trimestriel de la SSII affiche une santé solide. Il a en effet progressé de 9,43 % par rapport à la même période de l'an passé, soit la meilleure croissance annuelle du CA de la SSII depuis le premier trimestre 2012. Une lueur d’espoir, serait-on tenté de dire après un exercice 2012-2013 marqué par une croissance "très limitée" : un petit 5,8 % sur un an, bien loin des chiffres mirobolants auxquels les SSII indiennes sont habituées, exception faite du difficile exercice 2009-2010.
Et les perspectives ne s'annoncent guère meilleures. Lors de la présentation des résultats, SD Shibulal, Pdg d’Infosys, a une nouvelle fois invoqué les «incertitudes économiques mondiales» qui continuent, selon lui, de constituer un «défi pour l’industrie IT.» Les résultats des autres grandes SSII indiennes diront si ses propos sont fondés ou pas. Certes, comme cela avait été le cas en janvier 2012, Infosys pourrait payer le fait d’être la première d’entre elles à présenter ses résultats annuels et à communiquer ses prévisions.
Mais les difficultés d’Infosys ne sont pas récentes. Ses marges sont sous pression depuis le début de la crise en 2008. A 23,6 % de marge opérationnelle, elles sont aujourd’hui au plus bas (pour une SSII indienne, nombre de patrons de SSII européennes tueraient père et mère pour de tels chiffres). Surtout, Infosys est à un tournant de son histoire. Elle finalisé, mi-2011, la réorganisation de sa direction dans l’espoir d’enclencher sa transformation en «Infosys 3.0», un Infosys qui sortirait enfin de son modèle traditionnel de croissance linéaire.
L’acquisition du suisse Lodestone, en septembre dernier, pourrait l’y aider, mais ne suffira probablement pas. A demi-mots, SD Shibulal le reconnaît d’ailleurs, soulignant que la SSII «réalise tous les investissements nécessaires pour nous différencier sur le marché tout en nous positionnant comme partenaire de choix pour nos clients.»
Des investisseurs inquiets
Pour l’exercice entamé au 1er avril, Infosys prévoit une croissance comprise entre 6 et 10 %. Un peu mieux que cette année, mais loin de la croissance galopante enregistrée tout au long des années 2000. Les investisseurs ne s’y sont pas trompés : peu après l’annonce de ces résultats, le titre de la SSII chutait de plus de 20 % pour atteindre son plus bas depuis janvier 2011, entraînant avec lui les index des bourses de Mumbai et de New Delhi.
Le coup de grâce ? C’est CLSA qui pourrait l’avoir porté : dans une note adressée à ses clients vendredi dernier, la banque d’investissement prévient, selon l’Economic Times of India, que les perspectives fortement à la baisse sur les marges de la SSII devraient peser sur sa rentabilité prochaine au point de faire du titre «de l’argent inerte» pour «quelque temps.»
Un simple messager
Mais les investisseurs ne sont-ils pas simplement en train de tirer à boulets rouges sur un simple messager ? Shankar Sharma, de First Global, ne dit pas vraiment le contraire quand il relève, pour l’Economic Times of India, que l’industrie indienne des services informatiques n’est tout simplement plus un havre de paix pour investisseurs : «il n’y a plus que très peu d’endroits ou de secteurs où rester cacher».
La croissance de l’industrie indienne des services informatiques n’est attendue qu’à 12 voire 14 % pour l’exercice 2013-2014. Un chiffre qui aura des répercutions sur le front de l’emploi : selon le Nasscom, cette industrie ne devrait générer que 130 000 à 150 000 emplois au cours de l’exercice, contre 180 000 au cours du précédent.
Déjà, Infosys n’a effectivement embauché qu’un millier de personnes au cours du trimestre écoulé et prévoit de limiter ses recrutements pour l’exercice en cours. Et même HCL - qui a bien fini l’année 2012 et avait particulièrement bien résisté au difficile passage de 2009 -, fait preuve d’une certaine prudence dans la gestion de ses embauches de jeunes diplômés.