Recrutement : les concours de programmation font recette
En ligne ou en présentiel, les modalités des défis lancés aux développeurs se diversifient. Ceux-ci se prennent au jeu. Tout comme certains employeurs qui y trouvent une réponse à la nécessité de rénover leur démarche de recrutement.
En ligne ou en présentiel, les modalités des défis lancés aux développeurs se diversifient. Ceux-ci se prennent au jeu. Tout comme certains employeurs qui y trouvent une réponse à la nécessité de rénover leur démarche de recrutement.
Job Challenge, Codingame, Bemyapp, Codeyourjob et autres Hackaton: les sollicitations pleuvent en direction des développeurs. Avec des slogans aguicheurs : « laissez parler votre code » ; « plus de code, plus de codeurs, plus de jobs ». Un style d'accroche qui, d'emblée, situe le propos de ces concours de programmation destinés à mettre les développeurs en contact avec des chargés de recrutement autrement que sur la base d'un CV. Aux dires des employeurs qui l'ont adoptée, la formule permet de faire coup double, voire triple : expérimenter une nouvelle méthode de sourcing, dénicher des profils atypiques et renforcer leur image d'employeur innovant.
De quoi susciter, chez les organisateurs de ces mises en situation, une certaine diversification du concept. Pour l'équipe montpelliéraine de Codingame, au rythme d'un défi lancé tous les deux mois, avec un rendez-vous à date fixée en salle mais aussi en ligne, les employeurs peuvent ainsi jouer la carte d'un sourcing à la fois international et local. D'une session à l'autre, l'hétérogénéité de la participation se confirme. Certains relevant le gant juste pour le fun, hors de tout contexte de recherche d'emploi ou de stage, la majorité (86 % selon les organisateurs) visant à postuler aux emplois proposés par les entreprises sponsors.
Lors du dernier Codingame (26 mars), parmi les quelques 1156 participants, dont une petite moitié d'étudiants issus d'une cinquantaine d'écoles et universités, 32% d'entre eux étaient issus de 24 pays différents. « Plus que le flux de candidatures, l'intérêt est que nous avons affaire à des passionnés, quelque soit le niveau d'expérience», remarque Sophie Lebeau, chargée de recrutement de la SSII Zenika. Une occasion qui, ajoute-t-elle, a permis de repérer des candidatures intéressantes pour les agences régionales. Comme lors des sessions précédentes, les 14 employeurs sponsors y ont trouvé leur compte avec, en moyenne, une quarantaine de candidatures recueillies à l'issue du tournoi. En décembre dernier, lors du Codingame organisé à l'intention des étudiants marocains, près de 1200 compétiteurs ont pu ainsi postuler auprès d'entreprises implantées au Maroc comme Gemalto, HPS et les SSII Atos ou GFI Informatique.
Une présélection technique des candidats
L'équipe nantaise de Kskills mise, pour sa part, sur l'organisation en ligne de défis de programmation spécifiques, chacun sous la bannière d'un seul employeur. Le principe est, cette fois, d'associer l'affichage de postes ouverts à l'embauche autour d'une technologie précise (PHP, Java, C ou C#), à l'aspect ludique d'un défi recueillant les réponses de développeurs pendant un mois. D'où l'intitulé de Job Challenges. Le tout étant assorti d'un suivi statistique révélateur. En l'espace de six mois, le concept a séduit une trentaine de sociétés. « Principalement des structures de taille moyenne, motivées par la présélection technique que constitue de fait le concours, et par la valorisation de leur marque employeur », commente Benjamin Casseron, co-fondateur avec Damien Tourette de Kskills. Ainsi, le dernier Job Challenge en cours depuis une semaine, pour un site de covoiturage recrutant des développeurs PHP, a suscité à ce jour la réponse de 200 participants (et 8 fois plus de clics), dont 53 sont allés jusqu'au bout du problème à résoudre, et 35 potentiellement associés à un mail de candidature. Encouragé par la montée en charge de leur concept, le binôme à l'initiative de Kskills, parrainé par la Startup Factory d'Atlanpole (technopole nantaise) propose également des « Internal Challenges » à l'intention des employeurs qui souhaitent du sur-mesure pour le support de présélection technique de candidats.
Des marathons de programmation
Quant aux Hackatons – ou marathons de programmation – dont s'est fait une spécialité la société Bemyapp avec quelques 70 opérations à son actif, le côté ludique de l'opération est souligné par le rendez-vous fixé aux développeurs, généralement durant un week-end. Soit avec un effet de surprise, le thème de la compétition, proposée aux équipes inscrites, n'étant dévoilé qu'au moment de la rencontre (comme ce fut le cas des journées Codeyourjob des 22-23 mars, sponsorisé par un panel d'entreprises, dont de grandes SSII). Soit par l'accent mis sur la compétition entre équipes autour d'une thématique (comme le DevKings du 12 avril axé sur le développement d'applications open source dites citoyennes, sponsorisé par des collectivités) sans forcément une visée de recrutement. Soit encore du fait d'un scénario de compétition concocté pour un employeur (comme le codeyourjob organisé ce 6 avril pour le distributeur Cdiscount). Dans ce dernier cas, les développeurs ne sont pas les seuls dans le coup. L'application à élaborer fait appel à des compétences de graphistes et de webmarketeurs, également ciblés dans cette manoeuvre de recrutement.
Pour l'équipe de Studyka qui s'est d'abord dédiée à l'organisation de challenges étudiants (depuis deux ans), toutes spécialités confondues, pour le compte de grandes marques, le principe de rencontre-marathon – avec ou sans objectif de recrutement – est désormais suffisamment médiatisé auprès des employeurs comme des communautés de développeurs et/ou de designers pour pouvoir proposer une plate-forme ( Hackateam) permettant d'éditer des hackatons sur-mesure. Et ce, dans l'esprit de susciter des vocations à l'open innovation. Comme le font par ailleurs les appels à contribution de développeurs qui, eux aussi, se multiplient : en dehors de la sphère des "apps" de mobilité, le « project glass » de Google pour des applications dédiées aux lunettes de réalité augmentée, par exemple, ou la tentative des services secrets britanniques pour recruter des geeks férus de jeux en ligne, ou le programme Galileo Masters visant des applications satellitaires liées à la sécurité, aux transports intelligents et à la téléphonie mobile.
Motivation des participants, réactivité des entreprises
Mais au final, multi-entreprises ou dédiées, en ligne ou en salle, l'objectif de ces diverses modalités de rencontres ludiques reste le même : au delà du code, mettre sur le radar des employeurs des candidats potentiels dont les compétences ont été jaugées à l'aune de la motivation. Et réciproquement. Force est de constater que le concept prend surtout auprès des entreprises de taille moyenne suffisamment réactives. « Des sociétés de 50 à 200 salariés, qui ont une équipe structurée pour un suivi post-challenge», selon Aude Barral, co-fondatrice de Cartser, la société à l'initiative des Codingames. Les participants, qu'ils soient en recherche d'un point de chute (stage, premier emploi ou changement d'employeur) ou simplement en veille, ne s'y trompent pas. « L'intérêt du concours, c'est qu'on obtient tout de suite une réponse de l'entreprise, que ce soit positif ou négatif. Et les sociétés chez qui on postule savent déjà de quoi on est capable », raconte Dimitri Lebel, participant au Codingame et embauché dans les deux mois qui ont suivi, alors qu'après une reconversion et une formation à l'Afpa, il lui avait fallu un an pour retrouver un emploi. Quid des frustrations que peut générer l'atmosphère de compétition, chez ceux qui ne sont pas en tête de classement ou dont la candidature n'est pas retenue ? «A contrario, on a remarqué que certains participants y voient une occasion d'apprendre et de partager et sont en attente de conseil pour améliorer leur score», constate Frédéric Desmoulins, président co-fondateur de Cartser. Les échanges et forums post-évènements en témoignent.