US et France : regain de tension autour des équipements IT chinois
C’est reparti. Outre-Atlantique, Barack Obama vient de valider une disposition législative contraignant certains achats d’équipements IT issus de constructeurs chinois - ou sous-traitant en Chine. En France, selon Les Echos, la réflexion du gouvernement aurait avancé dans la même direction.
Fin mars, les Etats-Unis ont discrètement activé un nouveau processus d’achat d’équipements IT qui semble la conséquence directe des préoccupations affichées l’an dernier sur la sécurité nationale : un nouveau texte de loi interdit en effet à la Nasa et aux ministères de la Justice et du Commerce d’acheter des équipements informatiques et de télécommunications qui n’auraient pas été approuvés officiellement par les autorités fédérales. Une approbation qui doit s’inscrire dans une démarche d’évaluation formelle des risques de
cyberespionnage ou de sabotage. Surtout, le texte vise directement et explicitement les équipements «produits, fabriqués ou assemblés par une ou plusieurs entités possédées, dirigées ou filialisées par la République Populaire de Chine ». Comme
le relève Stewart Baker - ancien secrétaire délégué au ministère américain de l’Intérieur - dans un billet de blog, le texte ne couvre pas les entités «influencées par le gouvernement chinois ». Et de souligner que le texte ne se contente pas de couvrir les produits fabriqués ou assemblés sur le territoire chinois. Pour lui, ce texte «pourrait interdire l’achat d’ordinateurs Lenovo fabriqués en Allemagne ou de téléphones Huawei conçus en Angleterre ». Ce qui ne manquerait pas de placer les Etats-Unis dans une position délicate vis-à-vis de ses partenaires commerciaux à l’OMC, précise-t-il. Comme Stewart Baker l’anticipait, la Chine n’a pas manqué de
réagir. Ce week-end, elle a exprimé sa «forte opposition» à un texte qui envoie, selon elle, «un signal extrêmement erroné ». Et le ministre chinois des Affaires étrangères de demander aux Etats-Unis de renoncer à des pratiques discriminatoires. Les assertions selon lesquelles les routeurs chinois de coeur de réseau présenteraient une menace pour la sécurité nationale de pays de l’occident ont été nombreuses l’an passé, outre-Atlantique, mais également en France où Jean-Marie Bockel s’en est fait l’écho. À l’automne dernier, le sénateur, qui avait préalablement plaidé pour l’interdiction de ces équipements en Europe, a affirmé s’être forgé sa «conviction» en s’appuyant notamment sur l’expertise de l’Anssi. François Quentin, président de Huawei France, estimait récemment dans nos colonnes que Jean-Marie Bockel n’avait au contraire basé ses convictions que sur «des rumeurs non fondées ». Pour lui, l’Anssi «a regardé» ses équipements, «avec d’autres parties prenantes françaises» et «ils n’ont rien trouvé. Rien du tout. Absolument rien ».
En France aussi ? Mais selon
Les Echos, le gouvernement français «
réfléchit à un projet de loi ou de décret» visant à «barrer la route à certains équipements de télécommunications en provenance d’Asie et particulièrement de Chine ». Une phase de concertation avec les opérateurs aurait déjà été entamée, le tout sur fond de préoccupation de «cyberdéfense ». Et, d’après nos confrères, l’Anssi «souhaiterait durcir la réglementation» en soumettant par exemple à autorisation le déploiement de certains équipements au-delà des coeurs de réseau, à commencer par les stations de base des réseaux de téléphonie mobile. Fin janvier, nous avions interrogé Fleur Pellerin, ministre de l’Economie numérique, sur ce sujet, à l’occasion du Forum International de la Cybersécurité qui se déroulait à Lille. Alors qu’elle avait indiqué plus tôt s’intéresser à «la composante
hardware des réseaux», la ministre s’était montrée quelque peu évasive : «nous avons déjà des dispositions qui font en sorte que la sécurité des coeurs de réseau soit très forte. [...] La question est de savoir si l’on va au-delà [...] Nous avons une réflexion actuellement en cours pour assurer la sécurité et la sureté de nos installations [...] C’est une réflexion que nous menons avec le ministère du Redressement productif mais aussi le ministère de la Défense et le ministère de l’Intérieur.» Fleur Pellerin avait alors conclu sa réponse en précisant que «nous apporterons probablement une réponse sur ces points-là dans les semaines ou les mois qui viennent ». Mais là encore, la Chine pourrait ne pas vraiment apprécier une attitude qui, selon nos confrères des
Echos, «cache une autre motivation : le protectionnisme économique ». François Quentin soulignait, lors de notre entretien que «s'il y avait eu des éléments factuels, on en aurait entendu parler. Ce qui n'est pas le cas : on n'a que des rumeurs qui tournent en boucle, reprises par les uns, enflées par les autres, etc ». Et s'il n'employait pas le terme de protectionnisme, pour lui, il ne s'en agit pas moins d'une «opération strictement commerciale ».