Ministères et agences de l'Etat : un chantier-type de redéploiement des informaticiens

L'objectif de « faire plus et mieux avec moins » prescrit à l'informatique de l'Etat passe par une adaptation des ressources et des compétences. En interne, mais aussi pour les fournisseurs et prestataires.

Mutualisation, focalisation sur les projets liés à la réduction des coûts... le serrage de vis imposé aux budgets informatiques des services de l'Etat concerne au premier chef quelques 20 000 informaticiens, fonctionnaires et contractuels. Mais aussi les prestataires travaillant autour des 128 centres informatiques et 750 000 postes de travail de l'Administration (centrale et déconcentrée). Selon l'étude menée par Markess International auprès des décideurs d'une cinquantaine de ces structures, sur la base des arbitrages budgétaires déjà posés, le marché des logiciels et services de ce secteur (ministères et agences de l'Etat) ne devrait guère progresser cette année (+0,5%) pour atteindre 4,6 milliards d'euros en 2014. Ni plus, ni moins d'externalisation, donc ? Et si transferts de charge il y a, de quel côté se présentent-ils ? 

Au vu des arbitrages en cours, d'après l'étude Markess, trois domaines restent prioritaires : la modernisation des applications métiers ; l'urbanisation pour permettre la mutualisation mais aussi l'intégration de pratiques telles que la dématérialisation des processus ou la co-production de services ; la dématérialisation des documents et les projets associés tels que l'archivage, la qualité des données. Autant d'initiatives à mener (comme dans le secteur privé) dans un contexte de mutation des modes de fonctionnement, notamment des relations entre DSI et directions métiers ou encore avec l'adoption du mode SaaS ou l'arrivée du cloud computing. 

Recrutement de directeurs de projets 

La feuille de route de la Disic (direction interministérielle des systèmes d'information et de communication) au service d'une douzaine de ministères est particulièrement explicite. Elle décrit, selon l'analyse de Markess, « le passage d'une DSI de moyens à une DSI de services ». Avec son lot d'adaptation des ressources internes, de redéfinition des missions des acteurs, ainsi que l'appel à des compétences nouvelles. Les postes concernés à court terme par la recherche d'optimisation à tous égards (synonyme de réduction des dépenses) sont ceux des centres informatiques (infrastructures et réseaux). 

Certes, le redéploiement (décrit dans cette feuille de route) s'adosse à un chantier RH qui ne néglige ni les besoins de formation, ni la nécessité de renforcer le management, avec notamment le recrutement de directeurs de projets incités à partager les bonnes pratiques (création d'un réseau de directeurs de projets). Sauf, que restrictions budgétaires obligent, la transformation de fond du fonctionnement doit se faire « à flux tendus », sans apport de sang neuf autrement qu'au compte-gouttes. « D'avis général des décideurs interrogés, cela se traduit par une augmentation des missions et des urgences, en parallèle de moyens qui se raréfient », résume Aurélie Courtaudon, analyste du cabinet Markess. 

Une transformation à flux tendus 

S'y ajoutent les difficultés de mise en route des mécanismes de mutualisation qui s'appliquent à l'informatique comme aux autres fonctions de support oeuvrant auprès des ministères. Difficultés d'autant plus soulignées pour les informaticiens qu'il s'agit de continuer à prendre en compte les logiques métiers qui peuvent être spécifiques à tel ou tel ministère. Résultat : la réorganisation/mutualisation est vécue comme une charge supplémentaire. D'autant plus difficilement assumée que les nouveaux services interministériels répartis sur le territoire (dont les équipes informatiques organisées en SIDSIC, services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication) sont placés sous l'autorité du secrétaire général des préfectures concernées (donc du ministère de l'intérieur) indépendamment de leurs tutelles et cultures d'origine. Le tout dans un contexte d'effectifs en baisse et dont la moyenne d'âge ne diffère guère de la moyenne observée dans les directions départementales interministérielles (DDI). « 40 % ont plus de 55 ans », indique Colette André, représentante de la CFDT au Comité technique des DDI. D'où «la mise en oeuvre laborieuse » relatée par les partenaires sociaux, marquée notamment par la difficulté (voire l'impossibilité) à dégager du temps pour la formation des équipes en place. 

Un backup d'expertise et de support 

Pour autant, les arbitrages budgétaires plus serrés ne penchent pas forcément en faveur d'une externalisation accrue. Y compris et surtout pour les projets innovants (relation usagers, usages collaboratifs, mobilité, voire open data). Projets relégués au second plan des priorités d'ici à 2014, selon l'étude Markess, notamment parce qu'ils nécessitent un apport de compétences et de ressources financières qui font défaut. La faible progression (de 0,5%) du marché des logiciels et services sur ce secteur en témoigne. 

« Faire plus et mieux avec moins, dans la sphère publique, signifie que celle-ci est soumise aux mêmes exigences d'agilité, de flexibilité que les entreprises du secteur privé. Mais avec des contraintes telles que, sur les gros projets, l'externalisation n'est pas forcément la solution la plus efficace ni la plus rentable comme l'a souligné le rapport annuel du gouvernement britannique », signale Alexandre Zapolsky, pdg de Linagora. Rapport qui, en revanche, plaide, tout comme la circulaire de septembre dernier de Jean-Marc Ayrault, pour un large recours à l'open source et à l'apport de compétences qui va de pair. « On voit clairement bouger les lignes, avec d'un côté des projets qui sortent du giron de l'Etat, confiés classiquement à des consortiums ou des GIE, et de l'autre des chantiers misant à fond sur l'open source, avec un backup d'expertise, de support mais aussi de veille externalisée », constate le dirigeant de Linagora. Et ce, d'autant plus que, sur ce créneau de compétences pointues, le marché de l'emploi est particulièrement tendu. « Les bons développeurs OpenLDAP , ça ne court pas les rues ». Une évolution confirmée notamment avec les récents contrats-cadres signés par le Ministère de l'économie et des finances (avec Linagora et 25 PME associées) ou par la Disic (avec Alter Way, Capgemini et Zenika) pour l'ensemble de la palette des logiciels libres utilisés dans les ministères et services déconcentrés de l'Etat. Au delà du développement de l'externalisation partielle de type SaaS, au delà de l'apport de compétences sur des initiatives de cloud interne portées par un ministère ou une direction (le projet de G-Cloud de la Direction de l'information légale et administrative, par exemple, confié à Accenture), c'est bel et bien sur les volets de support technique et de tierce maintenance applicative que continuent de s'opérer, en 2013, les transferts de charge. 

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