Logiciel de paie Louvois : la guerre de Le Drian est loin d'être gagnée
Pourra-t-on sauver le soldat Louvois ? Un audit remis au ministre de la Défense souligne les difficultés persistantes de ce logiciel gérant la solde des militaires. Pour la première fois, l'hypothèse d'une retraite en bon ordre est évoquée.
Il ne voulait plus en entendre parler pour Noël 2012. Pourtant, le logiciel gérant la paie des militaires (Louvois, pour Logiciel unique à vocation interarmées de la solde) continue d'empoisonner la vie du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Comme le révèle ce matin Le Canard Enchaîné, un audit interne remis à ce dernier le 31 janvier souligne la persistance des problèmes et la difficulté à redresser la barre. Ecrit par le chef du Contrôle général des armées, Christian Piotre, le document, issu d'une enquête de cinq mois, explique en effet : "Les difficultés constatées actuellement pourraient perdurer plus de deux ans, sans que l'on ait la certitude de les résoudre à terme". Une perspective pas vraiment rassurante pour le ministre.
Louvois est un de ces projets fleuves pas réellement né sous une bonne étoile. Démarré… à la fin des années 90 et victime d’un premier échec (le marché était alors attribué à Sopra), il vise à rationaliser la paie des militaires (service de santé, terre, mer, air et gendarmerie) dans un seul système, raccordé à 5 SIRH censés l’alimenter (un par corps). Dans les faits, si le galop d’essai de Louvois avec le service de santé des armées semble s’être déroulé sans accroc majeur, l’arrivée en octobre dernier des 130 000 personnels de l’armée de terre a mis au supplice le système conçu par Steria. D’autant que ce corps connaît un grand nombre de situations particulières (comme celle des personnels en opérations à l’étranger). Retards, primes et allocations non payées s’accumulent. Selon Le Canard Enchaîné, les erreurs occasionnées par Louvois représentent 1 % de la masse salariale du ministère de la Défense, "pour près de 120 000 incidents". Rappelons que, pour palier à la grogne qui montait chez les militaires et dans leurs familles, le ministère de la Défense a créé un numéro vert et débloqué un fonds de 30 M€ pour faire face aux situations difficiles créées par le logiciel.
Attendre l'ONP?
Tant et si bien qu'il faudra peut-être bien se résoudre à sacrifier le soldat Louvois, comme nous le laissions d'ailleurs entendre dès octobre dernier sur la base des confidences d'un bon connaisseur de ce dossier. Dans son audit, Christian Piotre ouvre d'ailleurs cette porte, qui pourrait faire figure d'issue de secours pour l'étage politique empêtré dans cette guerre de tranchées depuis plusieurs années (le prédécesseur de Jean-Yves Le Drian, Gérard Longuet, bataillait déjà contre Louvois). L'audit préconise en effet "un retour provisoire à (...) l'ancien calculateur". Un rétro-pédalage qui nécessiterait entre dix et quatorze mois de travail, selon le Contrôleur général des armées. Pas sûr que le ministre soit donc débarrassé de Louvois pour Noël 2013.
Cette solution de secours permettrait à la Défense d'attendre le raccordement au SI-Paye de l'Opérateur national de paie, une mutualisation de la paie des 1,3 million de fonctionnaires que compte le pays. La prise en charge des personnels du ministère (militaires inclus) par l'ONP est prévue en octobre 2016.