Fiscalité : l'OCDE presse le G20 de casser le jouet de Google, Apple et consorts
Popularisée par les grands noms du numérique, l'optimisation fiscale sera au menu du G20 Finances de la fin de semaine. Consulté sur le sujet en amont de la réunion, l'OCDE préconise une action concertée à l'international pour mettre fin à ces pratiques.
Mise en lumière ces derniers mois du fait des pratiques d'entreprises comme Google, Amazon, Apple ou Microsoft, l'évasion fiscale arrive au menu du G20. Une réunion qui aura lieu en fin de semaine, à Moscou, et réunira les ministres des finances des 19 premières économies de la planète accompagnés des représentants de l'Union européenne. Ces derniers pourront s'appuyer sur un rapport que vient de sortir l'OCDE. Intitulé "Lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices",
ce document dissèque les pratiques des multinationales pour échapper à l'impôt dans leurs multiples implantations et dessine des pistes pour lutter contre des pratiques qui ont pris des proportions inquiétantes. "Si la question comporte à l’évidence un volet de discipline fiscale, comme en témoignent un certain nombre d’affaires très médiatisées, ce qui est en jeu, c’est un problème plus fondamental relevant de l’action publique, à savoir que les principes internationaux communs, inspirés des expériences nationales de partage de la compétence fiscale, n’ont peut-être pas évolué à la même vitesse que l’environnement des affaires", explique l'OCDE avec un sens de l'euphémisme consommé. Et de plaider pour un plan d'action international. Le numérique est clairement identifié par l'OCDE comme une des causes des déséquilibres actuels, en raison de l'application des principes des conventions fiscales aux bénéfices tirés de la fourniture de biens et services numériques. Pour l'OCDE, l'immobilisme n'est en tout cas plus une option : "Toute absence de réponse contribuerait à saper davantage la concurrence", avertit l'organisation, qui préconise la mise en place d'un plan d'action global au cours des six prochains mois, avant une adoption par son Comité des affaires fiscales en juin prochain. "Il faudra pour cela sortir des schémas de pensée classiques", avertit l'OCDE. Un peu l'exercice qu'ont mené en France Pierre Collin, membre du Conseil d’Etat, et Nicolas Colin, inspecteur des finances, dans leur rapport sur la fiscalité du numérique remis au gouvernement en janvier.
Reparler de la taxe sur les Big Data Ce dernier préconisait notamment de créer une taxe portant sur les données, une voie radicalement nouvelle qui, selon les auteurs du rapport, permettrait de lutter contre les effets d'aubaine qu'exploitent les multinationales, à commencer par celles du numérique. Dans son audition au Sénat, Pierre Collin expliquait qu'il fallait redéfinir la notion d'établissement stable, aujourd'hui à la base de l'impôt. "Dans les économies industrielles du XXe siècle, l'établissement stable était le lieu qui abritait l'intelligence des acteurs économiques, le centre névralgique de leurs décisions, détaillait-il. Aujourd'hui, peut-on considérer que le lieu de création de valeur de Google se trouve en Irlande ? Non. Nous estimons que les données collectées grâce à la collaboration bénévole des internautes constituent ce nouveau centre névralgique, et proposons de considérer que lorsqu'une entreprise rend un service sur un territoire au moyen de données collectées sur celui-ci, elle est réputée avoir sur ce territoire un établissement stable". Les auteurs du rapport soulignait alors qu'une fenêtre s'ouvrait, avec le rapport de l'OCDE et la réunion du G20, afin de faire émerger une nouvelle doctrine fiscale d'ici à la fin de l'année. Le rapport de l'OCDE, qui pointe l'ampleur du problème, va dans leur sens. Reste à savoir si la France défendra la proposition de ses rapporteurs sur la création d'une taxe sur les Big Data. En janvier, le gouvernement avait accueilli la sortie du rapport sans grand enthousiasme, même si, dans un communiqué, il indiquait vouloir "agir résolument, au sein du G20, de l’OCDE et de l’Union européenne, pour adapter les règles internationales de l’imposition des bénéfices aux réalités de l’économie numérique, notamment en faisant évoluer la définition de l’établissement stable". Les impacts de l'optimisation fiscale restent à ce jour difficiles à évaluer, même si des chiffres circulent. En France, pour le seul impôt sur les sociétés, la perte est estimée à 500 M€ par an. Les Etats-Unis, eux aussi victimes de ce phénomène (y compris via la concurrence fiscale entre états), ont évalué à 1 375 Md$ les profits des entreprises américaines échappant à l'impôt en restant hébergés dans des paradis fiscaux.