Knowledge Management : des pratiques délaissées par les managers de proximité
Face aux situations inhabituelles, les managers ne se fient guère aux bonnes pratiques et à l'information stockée censée les aider à réagir. Et font, en revanche, appel à leurs réseaux personnels. Constat d'une étude menée dans quatre sociétés du secteur IT qui plaide, de fait, pour tout ce qui peut faciliter le recours à ces contacts directs.
Résoudre une panne, répondre à la demande d'un client atypique, s'organiser dans un contexte d'urgence... autant de situations qui, en milieu high tech, font l'objet d'une abondante documentation afin d'éviter de réinventer la roue. Las! «En cas de problème inhabituel, pas un seul des managers interrogés à ce sujet ne consulte les informations stockées», témoigne Vincent Mangematin, enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management, co-auteur d'une étude (*) menée auprès du personnel de filiales irlandaises de quatre firmes du secteur IT.
Plus cocasse: ces managers, qui ont pour la plupart géré ou supervisé l'élaboration de la documentation, disent ne pas même penser à la consulter. Leur réflexe prioritaire ? «Comme monsieur tout-le-monde, ils cherchent l'aide d'une personne proche, un voisin de bureau, un collègue ou un expert qu'ils connaissent, même à l'autre bout de la planète, avec qui ils savent pouvoir échanger».
Des solutions construites par petits bouts
Non seulement, dans ce contexte, le ready made n'a pas la cote, mais il peut être considéré comme un obstacle à l'émergence de solutions. « Le manager de proximité doit s'adapter en permanence. Faire de l'innovation incrémentale. De même, dans les situations hors routine, l'essentiel vient de la manière dont est décrit le problème», commente le sociologue. Une description qui s'élabore dans l'échange et rarement (voire jamais, selon les managers suivis par cette étude) dans la recherche d'une solution documentée.
Autre caractéristique du contournement des dispositifs de Knowledge Management traditionnels: comme la première personne contactée n'a probablement pas réponse à tout, ce sont le plus souvent des solutions par «petits bouts» qui s'échafaudent ainsi. Quid alors des recueils de bonnes pratiques ? Utiles ou pas pour les entreprises -et leurs managers- de plus en plus exposés au changement, à l'imprévu, à l'incertitude ? «Une solution adaptée à une période n-1 ne l'est presque jamais pour une période n. La seule best practice qui vaille est de savoir s'adapter », estime le chercheur. Là encore, l'étude tend à le confirmer.
«La configuration efficace, pour le manager, c'est d'être en permanence en position de ré-architecturer des solutions». Sans pour autant que cela jette un discrédit définitif sur les pratiques du Knowledge Management. «Elles ont du sens dans des environnements régis par des process hyper-standardisés, pour lesquels même les conséquences et les réactions à un incident majeur sont prévues, et dés lors qu'il s'agit de traiter les problèmes classiques et récurrents».
A contrario du pied-de-nez à l'application systématique du Knowledge Management, cette observation du comportement des managers constitue implicitement un plaidoyer pour les moyens favorisant l'interactivité dans laquelle peuvent s'élaborer les solutions. Dont l'usage des technologies de communication. Une nouvelle étude est en cours auprès des mêmes entreprises IT, portant sur la façon dont se constituent, se renforcent et se mobilisent les réseaux interpersonnels.
«Sans négliger l'aspect psycho-sociologique, souligne Vincent Mangematin, car il y a aussi des réseaux solidement constitués, au sein desquels la non-connaissance est blâmée et qui ne sont d'aucun secours dans les situations non usuelles, faute de tolérance à l'erreur». (*)
Problem Solving in MNCs: How subsidiary managers do (and do not) create global solutions.