GlobalFoundries : l'Europe n'en fait pas assez en matière d'aides à l'industrie
Pour le patron de GlobalFoundries, dont la principale Fab est encore pour l'instant basée à Dresde, en Allemagne, l'Europe doit renforcer ses aides à l'industrie des semi-conducteurs plutôt que de se contenter d'aider à la recherche en micro-électronique.
Ce sont nos confrères anglais du Register qui ont relevé l’information. A l’occasion de l'International Electron Devices Meeting ( IEDM), une conférence entre géants des semi-conducteurs, qui se tenait cette semaine à San Francisco, le CEO de GlobalFoundries, Ajit Manocha a exhorté l’Union Européenne à se «réveiller» sous peine de voir sa base industrielle dans les semi-conducteurs disparaître. Pour mémoire, le principal site de production de GlobalFoundries se trouve aujourd’hui à Dresde, en Allemagne (ex-Fab AMD), en attendant l'ouverture de la nouvelle Fab du fondeur près de Saratoga dans l'Etat de New York.
Ajit Manocha, CEO de GlobalFoundries
Au cours des dix dernières années, le nombre de fab opérationnelles sur le continent s’est effondré avec les déconfitures successives des géants européens de l’électronique comme Infineon, Philips, STMicro, mais aussi le retrait de géants américains comme Motorola/Freescale ou IBM. Parmi les fab de classe mondiale supportant des processus de fabrication de dernière génération (32 nm et inférieur), ne figurent plus que le site GlobalFoundries de Dresde et le site de STMicro à Crolles - Intel prévoit aussi une fab en 14 nm à Leixlip, en Irlande (qui succédera à l’actuel fab en 65nm).
En France, IBM et Infineon ont littéralement abandonné le site de Corbeil-Essonne (aujourd'hui Altis Semiconductor) et FreeScale a fermé son site de Toulouse. Les plans de développement d'une vallée des semi-conducteurs à Grenoble ont été partiellement contrariés par les retraits de Philips (NXP) et Motorola (FreeScale) dans le milieu des années 2000. Pour Manocha, «le défaut fondamental du raisonnement européen est que les responsables du Vieux continent se concentrent sur l’innovation et qu’il n’y a aucun focus sur l’industrie à Bruxelles».
Et de raconter la réaction interloquée de responsables européens qu’il a rencontrés à Berlin suite à une discussion où il leur a expliqué: «OK, vous vous concentrez sur l’innovation et vous fournissez du support à plusieurs compagnies en Europe sur ce sujet, mais si vous n’investissez pas dans la fabrication, qui va profiter de vos innovations? L’Asie, non?». Au vu de leur langage corporel, explique-t-il, j’ai compris qu’ils pensaient «comment avons-nous fait pour ne pas penser à ça?».
De fait la production de semi-conducteurs en Europe ne cesse de régresser alors que la consommation d’électronique sur le Vieux continent augmente. Pour que l’Europe profite vraiment de ses innovations, Manocha estime donc que la situation doit changer, une façon de dire que les subsides de l’Europe doivent être réorientés vers une vraie politique de soutien à l’industrie. Bien sûr, l’intervention de Manocha n’est sans doute pas totalement désintéressée et est une invitation à peine déguisée à plus de subvention pour les fab en Europe.
Il faut dire que les opérateurs de fab ont pris l’habitude de demander des chèques copieux aux pays où ils s’implantent afin d’aider à financer le lourd investissement que représente la construction d’une fab de dernière génération. Intel a ainsi négocié un chèque de 200 M$ avec l'Israël pour la mise à jour de sa fab 28 de Kiryat Gat en 22 nm tandis que GlobalFoundries a obtenu 1,4 Md$ de subventions (dont 655M$ en cash) de l’Etat de New York, sur un investissement total de 4,6 Md$ pour sa fab 8, le tout pour environ 1500 emplois.