Avec Joyn, Orange mise sur un standard pour contrer Google, Skype et Microsoft
L’annonce récente par Orange du lancement de Joyn, un nouveau service de communications unifiées s’appuie sur un standard défini par la GSM Association et vise à contrer les services de communications unifiés de Google, Microsoft, Apple ou Skype
Depuis plus de 10 ans, les opérateurs mobiles ne cessent de parler de l’importance des services mobiles mais se révèlent incapables de contrer les services offerts par des sociétés comme Skype, Microsoft (Lync / MSN Messenger), Google (Google Talk) ou Apple (FaceTime). Autant de services qui peu à peu détournent les utilisateurs des services de communication traditionnels des opérateurs et rognent leurs revenus.
La situation pourrait toutefois changer avec le lancement par Orange de Joyn, un service de communications unifiées (voix, chat, vidéo, partage de documents) basé sur un standard défini par l’ensemble des grands opérateurs. L'annonce de ce lancement, prévu pour le premier semestre 2013 a été effectuée par Stéphane Richard, lors d'une conférence présentant la future LiveBox, ainsi que l'évolution des services de communications sur ses réseaux mobiles.
Une alternative standard aux solutions de communications unifiées des géants de l'internet
Joyn a été conçu au sein de la GSM Association (GSMA) par les grands opérateurs mondiaux comme AT&T, China Mobile, Deutsche Telekom, Orange, Telecom Italia, Telefonica ou Vodafone pour fournir une alternative standard aux services plus ou moins propriétaires des grands éditeurs de logiciels et fournisseurs de services internet mondiaux.
Les services de base offerts par le framework RCS Joyn (Source : Telecom Italia) - Cliquer sur l'image pour agrandir
Le service s’appuie sur les spécifications RCS 5.1 (Rich Communication Services 5.1). Ce framework basé sur le protocole SIP (également utilisé par la plupart des services « propriétaires ») va permettre aux opérateurs d’offrir à leurs abonnés des services de communications unifiées interopérables.
À l’instar d'un Skype ou d’un Google Talk, le client Joyn permet à ses utilisateurs de partager leurs informations de présence, de "chatter", de communiquer par vidéo ou par audio et d’échanger des documents (vidéos, images, textes…). Mais à la différence des logiciels « propriétaires », il s’appuie sur un standard parfaitement défini, qui assure qu’un client d’un opérateur pourra à terme communiquer de façon transparente avec les clients Joyn des autres grands opérateurs mondiaux. Pour simplifier, Joyn réalise, pour les communications unifiées, ce que le SMS ou les MMS ont réalisé pour l'échange de messages textuels de base. Surtout, il ouvre la possibilité, pour les opérateurs, de créer de nouveaux flux de revenus en facturant certains services à valeur ajoutée basés sur Joyn. Il est vraisemblable par exemple que le chat sera gratuit, de même que la vidéo simple, en revanche, une conférence téléphonique ou vidéo à plusieurs pourrait donner lieu à une facturation modique. Enfin, Joyn a pour but d'endiguer la progression géométrique de l'usage des services de communications unifiées propriétaires sur les réseaux d'opérateurs, des services souvent perçus comme parasitaires par les opérateurs mobiles.
Le positionnement des services Joyn face aux services de communications unifiées propriétaires (Source : Telecom Italia) - Cliquer sur l'image pour agrandir
Une première étape dans la mise en place de communications 100% IP
Plus important, Joyn est une première étape dans la transition généralisée des services mobiles des opérateurs vers des communications entièrement basées sur IP. Dans un premier temps, le système s’appuie sur un certain nombre de passerelles pour utiliser les technologies existantes de voix paquetisée (2G/3G). Mais le système prévoit aussi le support de la voix sur IP dans certains contextes réseau (par exemple lorsque le terminal est connecté en Wi-Fi), et surtout il ouvre la voie au déploiement de services de téléphonie 100% IP sur les réseaux 4G basés sur le standard VoLTE (Voice over LTE).
Rappelons qu’à ce jour, la voix sur les réseaux 4G n’a pas été standardisée et que les réseaux LTE ne sont pour l’instant utilisés que pour le transport de données. VoLTE est le futur standard qui permettra aux opérateurs de déployer des services de téléphonie IP sur les réseaux 4G. Il est notamment en cours de test (par des opérateurs comme Verizon ou Vodafone).
En commençant à déployer Joyn sur ses réseaux 2G/3G existants, Orange prépare de facto la transition vers les réseaux 4G. Car il est vraisemblable que le client Joyn, une fois intégré en standard dans les terminaux de la marque, deviendra le client par défaut pour la téléphonie de 4 e génération. D’ailleurs l’ensemble des fournisseurs de terminaux, à l’exception d’Apple, se sont officiellement engagés à supporter Joyn en standard dans leurs terminaux. En attendant, la GSMA fournit un client Android, duquel sera sans doute dérivé le client Orange ( il est à noter que ce dernier propose aussi un nouveau client de téléphonie IP basé sur RCS et baptisé Libon).
Vers une bataille frontale entre opérateurs et géants de l'internet ?
Le silence d’Apple s’explique sans doute par le fait que l’architecture de FaceTime, son propre service de communications unifiées, est très proche de celle de RCS Joyn. Ce qui ouvre aussi une question intéressante : si les opérateurs ont l’objectif, avec Joyn, de contrer les efforts propriétaires des géants de l’internet en matière de communications unifiées, l'adoption de la technologie a aussi le potentiel d’ouvrir une autre boite de Pandore. Si FaceTime se transformait en un service 100% compatible Joyn, Apple pourrait de facto devenir un opérateur de téléphonie virtuel sur les réseaux des opérateurs vendant ses terminaux. De quoi déclencher de belles batailles entre le constructeur et les opérateurs. Et il y a fort à parier que Google et Microsoft regardent eux aussi Joyn avec intérêt pour la même raison…