L'ex-Pdg d'Autonomy rejette toute fraude, HP lui donne rendez-vous au tribunal
Mike Lynch, l'ex-Pdg d'Autonomy, rejette, dans une lettre ouverte, les accusations de fraude comptable formulées par HP, propriétaire de l'éditeur anglais depuis l'automne 2011. Et demande au groupe américain de produire publiquement des preuves étayant ses dires. HP lui donne rendez-vous devant un juge.
"Voir HP formuler publiquement des allégations très imprécises mais extrêmement graves sans me les notifier au préalable ou même prendre contact avec moi, en tant qu'ancien Pdg d'Autonomy, est choquant. Je rejette en bloc les accusations d'irrégularités". Ainsi commence
la lettre ouverte que Mike Lynch, l'ex-Pdg de l'éditeur anglais Autonomy, écrit au conseil d'administration de HP. Rappelons que le constructeur californien, qui a mis la main sur Autonomy à l'automne 2011 pour la bagatelle de 11,1 Md$, reproche à l'ancienne direction de l'éditeur des fraudes comptables massives, pour un total de plus de 5 Md$. Dans sa lettre datée du 27 novembre, Mike Lynch rappelle que les comptes de sa société étaient audités par Deloitte qui n'avaient rien trouvé à y redire. Et demande à HP de lui transmettre des informations précises sur les différentes techniques de fraude prétendument utilisées (versement de ventes de matériels dans les ventes logicielles, utilisation du réseau de revendeurs pour doper le chiffre d'affaires et reconnaissance anticipée de contrats de long terme), ainsi que sur le calcul aboutissant à cette perte estimée de 5 Md$.
"Comment des problèmes de cette taille ont pu ne pas être détectés ?" "Pour justifier le passage d'une perte de 5 milliards dans le bilan, un montant significatif de chiffre d'affaires doit être impliqué, écrit Mike Lynch. S'il vous plaît, expliquez-moi comment des problèmes de cette taille ont pu ne pas être détectés pendant le processus approfondi d'audit qui a précédé l'acquisition et pendant le contrôle financier exercé par HP sur Autonomy pendant un an, entre l'acquisition et octobre 2012". Des questions évidemment embarrassantes. A l'occasion de ce rachat, pas moins d'une quinzaine de sociétés (cabinets d'avocats, banques d'affaires et cabinets d'audit)
ont été mobilisées ; pas une n'a détecté ce que HP décrit comme une fraude massive de plusieurs milliards. Le cabinet KPMG a notamment été choisi par HP pour auditer les comptes d'Autonomy, validés par Deloitte. Au total, le groupe américain a laissé plusieurs dizaines de millions sur la table pour s'assurer de la valeur de l'actif qu'il rachetait. Autre précision donnée par Mike Lynch, dans sa lettre : en décembre 2011, soit deux mois juste après la clôture de l'opération, le responsable mondial de HP spécialisé dans la reconnaissance de chiffre d'affaires dans le logiciel (Software Revenue Recognition), aidé de KPMG et de Ernst & Young, aurait mené une étude détaillée des méthodes en vigueur chez Autonomy afin de les rapprocher des normes comptables américaines (US Gaap). D'où la question perfide de l'ex-dirigeant : "pourquoi la direction de HP a-t-elle apparemment attendu six mois pour informer ses actionnaires de la possibilité d'une perte liée à Autonomy ?"
"Nous attendons des réponses sous la menace de parjure" HP n'a pas tardé à répliquer à la lettre de son ex-dirigeant, débarqué en mai dernier alors que les ventes d'Autonomy étaient sur le déclin. Dans
un communiqué, le groupe américain explique laisser les autorités légales et les régulateurs aller au bout de leurs investigations. Une enquête du FBI est en cours, et les autorités de marché américaine et anglaise mènent également leurs investigations propres. "Nous pensons avoir découvert des preuves approfondies des efforts délibérés de certains ex-employés d'Autonomy pour faire gonfler les ratios financiers de l'entreprise afin de tromper les investisseurs et les acheteurs potentiels", écrit HP qui affirme en substance que l'affaire est maintenant entre les mains de la justice. "Nous attendons les réponses de Mike Lynch et d'autres ex-employés d'Autonomy sous la menace de parjure". Autrement dit devant un tribunal. D'ores et déjà, plusieurs anciens salariés du groupe
témoignent, sous couvert d'anonymat, des pratiques contestables d'Autonomy. Ainsi autour des logiciels de sauvegarde d'e-mails de Zantaz (société rachetée en 2007 par la firme anglaise), vendus traditionnellement sous forme d'abonnement. Autonomy aurait offert de gros rabais à de grands clients (Morgan Stanley, Deutsche Bank et JPMorgan Chase) contre un règlement en une fois, à la signature. De même avec l'appliance Arcpliance, basée sur des matériels fournis par Dell et EMC mais dont les revenus auraient été entièrement comptabilisés comme des ventes de logiciels. Reste à savoir si ces quelques arrangements avec la réalité suffiront à justifier les 5 Md$ de fraude avancés par HP.