Paie des militaires : Le Drian louvoie pour se débarrasser du problème Louvois
Voilà un système informatique qui a mis sur le grill deux ministres de la Défense successifs. Jean-Yves Le Drian cherche aujourd'hui une issue à ce projet de rationalisation de la paie des militaires qui empoisonne ses relations avec la Grande Muette. Un projet démarré... il y a plus de douze ans.
Il est rare qu'un ministre consente à parler de projets informatiques. Alors deux titulaires d'un maroquin de suite, pensez... C'est pourtant l'honneur qui est fait au projet Louvois (Logiciel unique à vocation interarmées de la solde), censé gérer la solde des militaires, mettant sous les feux des projecteurs la maîtrise d'œuvre de ce projet, en l'occurrence Steria, qui avait remporté ce marché de 6 millions d'euros en 2009.
Sopra : premier échec au milieu des années 2000
Lundi, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est sorti du bois dénonçant des "difficultés insupportables pas dignes d'un pays comme le nôtre". "Pour Noël, je ne veux plus en entendre parler", a lancé Le Drian, qui a mis sur pied une véritable opération commando pour résorber les difficultés de paiement de leur solde que connaissent environ 10 000 militaires. De facto, la mise en place d'un numéro vert début octobre a permis au ministre de mesurer combien les difficultés de Louvois sont persistantes : la cellule assistance ayant reçu 6300 appels, soit 370 par jour. 30 millions d'euros donc été débloqués en urgence par le ministre. Pas sûr toutefois que cela suffise : le prédécesseur de Jean-Yves Le Drian, Gérard Longuet, s'était lui aussi emparé personnellement du dossier et avait exigé en mars dernier que « tous les moyens nécessaires soient mis en oeuvre » pour régler rapidement la crise de la solde. On connaît la suite. Louvois est un de ces projets fleuves pas réellement nés sous une bonne étoile. Démarré... à la fin des années 90 et victime d'un premier échec (le marché était alors attribué à Sopra), il vise à rationaliser la paie des militaires (service de santé, terre, mer, air et gendarmerie) dans un seul système, raccordé à 5 SIRH censés l'alimenter (un par corps). Dans les faits, si le galop d'essai de Louvois avec le service de santé des armées semble s'être déroulé sans accroc majeur, l'arrivée en octobre des 130 000 personnels de l'armée de terre met le système au supplice. D'autant que ce corps connaît un grand nombre de situations particulières (comme celle des personnels en opérations à l'étranger). Retards, primes et allocations non payées s'accumulent. Les conjoints de militaires réagissent publiquement, via notamment une page Facebook. L'affaire prend une tournure politique.
Bugs ou réorganisations précipitées ? Si Jean-Yves Le Drian évoque aujourd'hui 75 bogues persistant dans Louvois ("trois CSG retirées sur la même personne le même mois”, “des avances retirées trois fois de suite”...), un bon connaisseur du dossier estime toutefois que le volet informatique du dossier est en passe d'être réglé. "Il reste des difficultés dans la reprise de données, venant tant de systèmes amont que de documents papier", précise-t-il. Et de pointer du doigt un autre sujet, lui aussi dénoncé par le ministre : les réorganisations un peu précipitées du ministère. En cause, la mise en place jugée trop rapide par Jean-Yves Le Drian des bases de défense et la disparition des anciennes structures (comme les CTAC, des centres de paiement) dès la mise en production de Louvois. Selon notre observateur, "il est possible qu'on ne s'en sorte jamais", autrement dit qu'il faille abandonner Louvois. Jean-Yves Le Drian a déjà suspendu les bascules de l'armée de l'air et de la gendarmerie dans l'outil (prévues respectivement en mars et septembre 2013). Et attend avant la fin de l'année les résultats de deux audits (par la direction centrale des systèmes d'informations et de communication pour le premier et par un cabinet externe pour le second). En espérant y trouver une échappatoire pour enfin évacuer le sujet.