Didier Mamma (SAP) : "Nier l'importance du Big Data, c'est manquer d'ambition"
Donald Farmer (Qliktech) affirmait récemment dans nos colonnes que le Big Data n'était pas la priorité pour les entreprises. Une vision qui a fait bondir Didier Mamma, en charge des aspects données et technologies chez SAP France. Il s'explique.
L'interview de Donald Farmer (Qliktech) que nous avons publiée le 23 octobre et dans laquelle le père fondateur du Power Pivot de Microsoft explique que le Big Data ne devrait pas être la priorité des entreprises, a suscité quelques réactions sur le marché français. Notamment celle de Didier Mamma, directeur pour la France des activités data & technologies chez SAP, qui explique ici pourquoi les arguments du vice-président de Qliktech l'ont fait bondir.
LeMagIT: Selon Donald Farmer, la priorité des entreprises ne devrait pas être d'exploiter le Big Data mais plutôt de régler les problèmes qu'elles connaissent au quotidien dans l'exploitation des données qu'elles collectent déjà. Qu'est-ce qui vous choque dans cette affirmation?
Didier Mamma : Effectivement, Donald Farmer affirme que la préoccupation numéro un des entreprises devrait être de s'assurer que les utilisateurs aient accès aux données dans de bonnes conditions. Déjà, remarquons que c'est la raison d'être de toute une palette d'outils, d'Excel (pour le plus simple) à BO ou Cognos (pour les plus sophistiqués). Entre ces deux extrêmes, s'intercale effectivement une nouvelle génération de logiciels qu'incarnent des éditeurs comme Qliktech ou Tableau Software. Ces derniers affirment qu'ils parviennent à améliorer l'expérience utilisateurs sur la base des infrastructures (datawarehouses, datamarts) existantes. Mais, même en admettant que cela soit vrai, c'est un discours très restrictif, limité à la productivité individuelle des utilisateurs.
LeMagIT : Pourquoi parlez-vous de vision restrictive?
D.M. : Prenons un exemple pour bien comprendre les enjeux actuels. Imaginons le site marchand d'une entreprise qui vend également ses biens ou services via d'autres canaux. Sur le site, les clients interagissent avec l'entreprise, enrichissant les données de référence (adresses, coordonnées bancaires, etc.) mais aussi la base de données marketing via leurs comportements sur les pages Web. Dans la vision de Qliktech, tous ces éléments sont hors-sujet. Car, pour les intégrer et en tirer profit pendant que l'internaute parcourt le site, l'entreprise a besoin d'un système capable de traiter les données en temps réel et de réagir via des réponses adaptées aux événements qui se présentent. C'est le cas de la plate-forme SAP Real Time Data Platform, qui réunit les données, les processus et le traitement d'événements complexes autour de la technologie Hana.
Dans un scénario limité à l'amélioration de la productivité individuelle, 1+1 ne fera jamais 2. Pour ce faire, il faut bâtir un scénario d'industrialisation de la prise de décision, où les systèmes d'information seront capables de réagir par eux-mêmes en fonction des données collectées et des modèles qu'elles ont permis de bâtir. Il faut bien sûr rendre les choses simples aux utilisateurs, mais, pour ce faire, les systèmes ont besoin d'être complexes car c'est la nature de l'économie aujourd'hui.
LeMagIT : N'est-ce pas hors de portée de la majorité des PME?
D.M. : Dès qu'une PME a des ambitions à l'international, elle doit se poser la question de la collecte d'informations sur ces nouveaux marchés, sur la concurrence qu'elle y rencontrera. Elle se retrouve donc confrontée à des problématiques dites Big Data. Et, dans une économie qui se digitalise à vitesse grand V, si elle ne se demande pas comment tirer le meilleur profit de ses relations numériques avec ses clients, c'est qu'elle manque cruellement d'ambition. Enfin, l'argument du coût d'entrée n'en est plus un : rappelons que Hana est facturée à la volumétrie des données traitées. On peut donc démarrer avec un investissement modeste.