La stratégie industrielle attendue sur le numérique tarde à se dessiner
Si la feuille de route du numérique prévue par le gouvernement ne sera présentée qu’en février, Fleur Pellerin, la ministre plus spécifiquement en charge du dossier, commence à présenter les lignes fortes de sa stratégie. A l’occasion d’une rencontre avec les députés et les représentants du secteur elle a développé son discours autour de la compétitivité, de la productivité et de la souveraineté.
A l’occasion de l’ouverture du débat parlementaire sur le Projet de Loi de Finances (PLF) 2013 le 16 octobre prochain, les 21 associations professionnelles du numérique - dont le Syntec Numérique - réunissaient hier, dans un collectif constitué lors de la campagne présidentielle, les nouveaux parlementaires dans le cadre d’une rencontre sur le développement du secteur en France.
Dans un contexte fiscal polémique, notamment sur la fiscalité des start-up et des fonds de capital risque, Fleur Pellerin, la ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Economie numérique, a tenu à rappeler en ouverture qu’il y aurait dans les mois à venir un véritable plan ambitieux sur le numérique. La feuille de route est attendue pour février 2013.
Fleur Pellerin, à droite sur la photo, est ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique
Une vision industrielle d’envergure qui tarde à se matérialiser
Selon Fleur Pellerin, il y a à l’évidence un rattrapage à organiser quand on compare la contribution du numérique au PIB des Etats-Unis (13 %) et le taux en France qui selon les experts présents se situent plutôt autour de 6 %.
Pour réduire le fossé, la ministre a mis en évidence trois axes : la compétitivité, la productivité et la souveraineté.Sur le premier axe, elle a cité en exemple la filière industrielle et technologique du secteur aéronautique avec notamment BoostAeroSpace présenté comme le modèle technologique vertueux à décliner au bénéfice de grands groupes et des PME/PMI. Dans ce cas, les nouvelles technologies sont présentées comme un process vertueux et pas vraiment comme une économie en soit.
Sur la productivité, Fleur Pellerin a été plus prudente en présentant le numérique comme une avancée positive pour les travailleurs et leurs conditions de travail. Tout en rappelant tout de même qu’il fallait donner un cadre plus précis au télétravail et à l’usage des nouvelles technologies dans les entreprises.
Enfin, elle a fortement souligné que le numérique ne pouvait pas continuer à se développer en silo, au mépris des règles fiscales actuelles, et qu’il faudrait trouver le moyen de restaurer une certaine souveraineté pour éviter les distorsions trop forte liées aux dimensions transnationales et dématérialisées du secteur. Sur ce plan elle a d’ailleurs admis qu’il faudrait travailler plus étroitement avec l’Allemagne. La législation Outre-Rhin étant notamment plus restrictive et plus stricte sur l’utilisation des données personnelles notamment vis à vis d’acteurs comme Google.
En conclusion, elle a rappelé que le PLF 2013 pérennisait certains circuits de financement des PME/PMI de moins de 250 salariés en matière d’innovation, comme l’extension du Crédit impôt recherche (CIR) à l’innovation et les réductions d’impôts ISF dans les entreprises innovantes. Soit au total 1 milliard d’euros préservés dans un contexte de réduction très fort du déficit public.
Les régions au centre de l’écosystème du numérique et relancer la modernisation de l’Etat
En attendant qu’une véritable politique industrielle soit précisée, il semble que le développement du numérique doive continuer à reposer en France sur les initiatives des régions et un discours très général sur les usages. C’est du moins l’impression que pouvait laisser le programme proposé aux parlementaires présents avec notamment trois tables rondes aux thèmes plus que récurrents ces derniers mois : état des lieux du numérique en France, retour d’expérience du développement numérique et de ses usages dans les territoires, et rôle du parlement dans le développement du secteur.
Sur ce dernier point il s’agit de sensibiliser tous les acteurs de l’Etat à la nécessaire modernisation. Fleur Pellerin l’a d’ailleurs précisé dans son discours d’ouverture en annonçant une grande consultation début 2013 avec tous les ministres et les ministères sur les deux grands axes numériques de la modernisation de l’Etat : eSanté et eEducation. Sur le plan industriel et économique se sont les régions qui ont été mises en avant.
Dans une des tables rondes, Jean-Louis Gagnaire, député de la Loire et vice-président de la région Rhône-Alpes avouait qu’il fallait faire avancer les choses dans un sens plus concret. Selon le député, beaucoup trop d’élus ne voient dans le numérique que des tuyaux qui se gèrent comme les voies ferrées ou les autoroutes et pas assez comme une véritable activité économique.
En donnant l’exemple de son pôle de compétitivité sur l'image (Imaginove), dont il estime l’écosystème à trois milliards d’euros, il a souhaité faire prendre conscience aux parlementaires qu’ils pouvaient s’investir concrètement dans le développement économique du numérique.
La banque des PME/PMI, présentée aujourd’hui, devrait faire la part belle à l’autorité des régions et donc mobiliser plus de ressources en leur faveur. Il y aura donc plus d’argent dans le financement du capital risque de l’innovation au niveau régional mais moins de cohérence industrielle. Le risque c’est d’avoir sur le papier de très belles start-up régionales, mais des champions d’envergure au niveau mondial qui continuent à se financer et à se développer outre-Atlantique.
La question qui reste dès lors posée : est-ce-qu’une politique industrielle est nécessaire et applicable au secteur du numérique ? Réponse au mois de février 2013.