Angoissée, la communauté MySQL attend de voir l'alliance de Wildenius
La communauté MySQL ne sait plus à quel saint se vouer. S'interrogeant sur le devenir du gestionnaire de bases de données Open Source dans le giron d'Oracle, l'angoisse laisse des traces sur les forums de la communauté. Seule alternative rassurante, l'Open Database Alliance, projet du charismatique Monty Wildenius, mais qui doit encore faire ses preuves quant au modèle économique.
Angoissée. C'est ce qui qualifierait le mieux aujourd'hui le sentiment qui habite la communauté MySQL. Tant de nombreuses questions soulevées par le rachat de Sun par Oracle restent encore sans réponse. Le doute sur l'avenir du gestionnaire de bases de données Open Source s'installe ainsi, et avec lui, des scenarii catastrophes. En proie à l'interrogation, la communauté traque les moindres allusions sur les forum et ou autre lieu de débats entre développeurs.
Première frayeur, ce 6 mai, lorsque Chad Miller, l'un des développeurs cadres de MySQL, publie sur un site de partage de ressources un billet expliquant très brièvement – un peu comme une mise à jour de statut Facebook - qu'il « fusionne la Community dans l'entreprise, terminant ainsi l'aventure du serveur Community » de MySQL.
« Merge community up to enterprise, thus ending the community-server adventure »
Une phrase qui résonne, tant l'impact en est rude. « Apparement , il n'y aurait plus qu'une version... et la plus à jour, c'est l'édition Enterprise », commente Pascal Borghino, président du club d'utilisateurs de MySQL en France, qui s'inquiète sur le sort de la version Community.
Fausse alerte pourtant. Joint par la rédaction du MagIT, Guiseppe Maxia, MySQL Community Team Lead, dégonfle la baudruche. « L'édition Community est bien vivante, » confirme-t-il. « Au contraire, à partir de maintenant, les binaires de la Community seront publiés aussi fréquemment que ceux de l'édition Entreprise. C'est pour cela que nous fusionnons les arborescences afin d'éviter d'avoir deux formes de code distinctes et de les séparer de là où se trouvent les binaires. » En clair, ajoute-t-il, cela se concrétise, dans la pratique par : « les binaires de la Community seront publiés tous les mois (ou chaque fois que nous publions les binaires MRU [Monthly Rapid Update, ndlr] de l'Entreprise) et les édition 5.x de l'Entreprise disposeront de quelques fonctions qui étaient jusqu'à alors disponibles dans la seule édition Community (comme la commande SHOW PROFILE) ». Une fusion des feuilles de route et de certaines fonctionnalités donc.
Pour mémoire, MySQL AB repose son modèle économique sur deux versions de son SGBD (Système de Gestion de Bases de Données), une version gratuite sous une licence Open Source GPL – la Community -, et une version Entreprise qui inclut, outre le SGBD Community, une offre de maintenance, de conseil et de mise à jour contrôlée. C'est également cette version qui est la plus entretenue et mise à jour. La version Entreprise est commercialisée à partir de 599 dollars par serveur et par an.
Quid de Falcon?
Autre crainte repérée sur les forum, le futur de Falcon, prochain moteur transactionnel prévu pour la version 6.0 de MySQL. Et l'enjeu est de taille et la crainte bien réelle. Les développements de Falcon avaient notamment été entrepris pour se dédouaner d'InnoDB, le moteur historique de MySQL qui était – ironiquement – tombé dans le giron d'Oracle en 2005. Maintenant qu'Oracle a rafflé Sun, les questions autour du futur Falcon paraissent d'autant plus légitimes.
Keith Murphy un des membres de la communauté, dans un rapport de bogues d'avril sur Falcon, rappellait combien le futur du moteur transactionnel était incertain. Il écrit dans la mailing-list :
« Avec l'accord de Sun pour se faire racheter par Oracle, d'inévitables changement sont à prévoir. Une fois l'acquisition finalisée, le necessité de Falcon en tant que moteur pour MySQL sera ré-évaluée. Jusque là, [les travaux sur] Falcon continueront pour améliorer la stabilité et les performances. L'équipe ciblera ensuite d'autres évolutions techniques qui pourraient être uniques à Falcon. »
Une ré-évaluation qui pourrait soulever la question suivante, écrit-il ensuite dans son blog: « Je serais très déçu de ne pas voir Oracle supporter Falcon ». Même si, pour l'heure, les dés ne sont toutefois pas jetés et qu'il n'est question que de repositionner Falcon dans une hypothétique stratégie qui se fait attendre, semblent souligner les quelques commentaires de ce billet.
La brêche de Monty
Autant de doutes et de suspicions qui replacent l'initiative de Michael Wildenius (surnommé Monty), l'Open Database Alliance sur le devant de la scène. Ce fondateur de MySQL, qui a claqué la porte de Sun peu de temps après le rachat du SGBD pour notamment divergence d'opinion avec Marten Mickos, l'ancien pdg de l'éditeur du SGBD, définit son initiative comme « un hub pour MySQL et ses dérivés en termes de code, binaires, formation et support ». Avec comme principal objectif, celui de se concentrer sur son projet MariaDB, un projet reposant sur le code de MySQL. Notons que Wildenius intervient dans ce projet avec sa société Monty Program.
Peu de temps après le rachat de Sun par Oracle, Monty Wildenius avait déclaré qu'il accueillerait volontiers tous les développeurs en proie au doute sur l'avenir de MySQL dans le giron d'Oracle. Il reprend ce discours avec l'Open Database Alliance. « Le but de l'Open Database Alliance est d'unifier tout les développements et services autour de MySQL en fournissant une solution à la fragmentation et à l'incertitude auxquelles font face les communautés, les entreprises et les experts techniques impliqués dans MySQL », explique un communiqué. Wildenius ajoute que cela doit également garantir un code de qualité. Côté calendrier, ça tombe plutôt bien. La communauté MySQL a besoin d'entendre un discours qui peut rassurer. Et voir le père fondateur de la communauté verrouiller le futur de la base de données Open Source donne chaud au coeur.
Reste qu' « il s'agit donc plus de savoir si cette vision peut se réaliser à nouveau autour de la même idée », explique Pascal Borghino, qui rappelle la place honorable que tient Monty dans la communauté. Avec ODA, peut-il finalement reproduire l'histoire MySQL ? semble-t-il s'interroger.
D'autant que certaines zones d'ombres persistent quant au modèle économique et sur la façon dont ODA peut reprendre à son compte les contrats de maintenance et de formation. Voire générer d'autres souscriptions. « Pour qu'un grand compte signe un contrat de support, il faut plus que quelques personnes », commente Pascal Borghino. Et d'ajouter: « Pour rentre l'alliance crédible, il faut des noms... tout le monde lié à MySQL connait Monty et Percona [éditeur de XtraDB et Xtrabackup, et membre fondateur de l'ODA, ndlr], c'est déjà un bon départ, mais il faut maintenant des noms, comme Yahoo, Google, YouTube, Facebook,... qui en participant peuvent assurer une pérennité ». En clair, recommencer un nouveau cycle.
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