Hadopi 2.0 : la lutte anti-piratage en version kafkaïenne
Il y aura bien une Hadopi 2.0, en fait une loi compacte destinée à colmater les trous créés par la censure du Conseil constitutionnel dans le dispositif de sanctions prévu par l'Hadopi 1.0. Problème : cette nouvelle loi devrait sonner le grand retour des sanctions pénales pour contrefaçon, à savoir jusqu'à 3 ans de prison et 300 000 € d'amende. Pire : la nature rapide des procédures devrait rendre très difficile la défense des accusés. Attention, univers kafkaïen en perspective...
Après le gros bug rencontré par la loi Création et Internet (dite Hadopi) lors de son passage devant le Conseil constitutionnel, Christine Albanel ne s'avoue pas vaincue. La loi, amoindrie de deux articles censurés, a été promulguée - ne serait-ce que parce que son contenu ne portait pas que sur le téléchargement mais se préoccuppait aussi de revoir à la baisse les droits d'auteurs des journalistes et de créer le statut d'éditeur de presse en ligne.
Comparution immédiate version téléchargement
Et déjà, Christine Albanel annonce qu'un nouveau projet de loi est en préparation pour mettre en place un système de procédures accélérées pour traiter les cas de piratage remontés par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). Ce projet devrait être transmis au conseil d'Etat d'ici à la fin de la semaine.
L'idée de cette Hadopi 2.0 serait, selon nos confrères du Point, d'avoir recours aux ordonnances pénales pour informer les internautes déjà avertis par l'Hadopi qu'ils ont contrevenu de façon répétée à la loi et de leur adresser une injonction. Cette dernière pourra être contestée devant un juge unique, qui pourra en théorie prononcer la suspension de la connexion à Internet à l'origine confiée à l'Hadopi. En gros, l'Hadopi 2.0 crée littéralement une justice à deux vitesses, une sorte de comparution immédiate version téléchargement qui devrait rendre très difficile le travail de la défense.
Abandon de la sécurisation des accès, retour des sanctions pénales
Reste un hic, la nouvelle loi abandonnerait l'obligation de surveillance de l'accès à Internet (via un mouchard) et ramenerait donc le débat des sanctions sur le terrain pénal. Le téléchargement étant assimilé à de la contrefaçon, les internautes risqueraient aussi 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende, même si le juge aura théoriquement la possibilité de se limiter à la coupure de la connexion.
Pas sûr que cette pirouette convainque le Conseil constitutionnel, qui avait déjà détruit en vol le concept de riposte graduée de la loi DADVSI, considérant qu'il méconnaissait "le principe d'égalité devant la loi pénale en instituant une différence de traitement injustifiée entre les personnes qui reproduisent ou communiquent des objets protégés au titre du droit d'auteur ou des droits voisins, selon qu'elles utilisent un logiciel de pair à pair ou un autre moyen de communication électronique".
Il sera intéressant de voir quelle astuce entend utiliser le gouvernement pour faire passer le principe d'une sanction basée sur la coupure de l'accès Internet, sans s'attirer de nouveau les foudres du Conseil constitutionnel.
Des mesures qui ne choquent pas les représentants des auteurs
Si, d'aventure, la coupure de l'accès Internet venait à être censurée, il ne resterait plus comme sanction que les 3 ans et 300 000 euros d'amende. Finalement Hadopi 2.0 ne résumerait à une pénalisation massive du téléchargement illégal. Ce qui ne semble pas choquer le directeur général de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) qui explique à nos confrères du Point : "La justice frappera peut-être moins souvent que l'Hadopi, mais elle aura peut-être la main plus lourde". LA SACD mérite à n'en pas douter le D (pour dramatiques) de son acronyme...