Hadopi 2, et ses défauts, ouvrent la porte à des erreurs judiciaires de masse
Le projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet, dit Hadopi 2.0, devrait être discuté la semaine prochaine à l'Assemblée et au Sénat. Comme le projet précédent, il ignore les réalités techniques et pourrait ouvrir la porte à des erreurs judiciaires de masse, sous couvert de protection du droit d'auteur.
Le projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet (projet dit Hadopi 2.0) a finalement été enregistré par la présidence du Sénat hier, et devrait être débattu à l'Assemblée Nationale le 7 juillet, avant de repasser en discussion en séance publique les 8 et 9 juillet devant la haute assemblée. Selon le Ministère, le Conseil d'Etat n'aurait pas émis de réserves sur le texte. Ce qui confirme au passage l'absence de culture technique des législateurs.
Ce texte répressif, qui fait l'objet d'une procédure accélérée, prévoit de punir par une amende de catégorie 5 (1500 €) tout contrevenant à la loi et prévoit aussi de punir de la même façon les abonnés ayant fait preuve d'une "négligence caractérisée" dans la sécurisation de leur accès à Internet.
Nous ne reviendront pas ici sur la faiblesse du raisonnement considérant qu'une adresse IP est une base légitime de sanction d'un internaute (entre le fait que les plates-formes P2P peuvent empoisonner leur listes d'adresses IP participant à un échange avec des adresses IP totalement innocentes et le fait que les possibilités d'usurpation d'adresses sont multiples), mais plutôt sur l'absurdité qu'il y a à persister dans la voie de la sanction en cas de non sécurisation de l'accès Internet.
Le mythe de l'accès internet Wi-FI sécurisé
On peut naturellement admettre que, du point de vue de la loi, il faille sanctionner l'abonné à Internet qui, malgré les avertissements, persiste à laisser son accès Wi-Fi ouvert. Si effectivement ce dernier persiste, il parait légitime qu'il soit sanctionné si son accès a été utilisé pour des opérations de téléchargement illégal. Le problème est que ce cas sera bien sûr marginal. Le vrai souci porte plutôt sur les millions d'abonnés à des box Wi-Fi, qui croient leur accès sûr dès lors qu'ils activent les protocoles de protection Wi-Fi standards tels que WPA2-PSK, utilisés par la plupart des "Box" internet. La réalité est que ces dispositifs sont désormais cassables en quelques minutes au moyen d'un simple PC équipé d'une carte graphique avancée. Et là, on voit mal comment le législateur pourrait demander à Mme Michu de faire mieux que son opérateur - à moins que l'on ne souhaite à terme revenir à la prohibition de cette nuisance qu'est Wi-Fi pour la sécurité nationale.
Le pire est que le cassage de clé Wi-Fi n'a pas qu'une portée "locale". Il permet aussi à un hacker de récupérer les login et mot de passe de connexion d'un abonné pour les utiliser sur les réseaux Wi-Fi publics désormais offerts par Neuf ou Free. Et là, il sera encore plus difficile pour un abonné légitime de se défendre devant un tribunal, la preuve du forfait étant quasiment impossible à démontrer de façon simple. Autant dire que le projet de loi, dans l'ensemble de ses composantes, ouvre la porte à l'erreur judiciaire de masse.
Pourtant, malgré tous ses défauts, le texte ne devrait logiquement pas avoir de problème à franchir intact les lectures de l'assemblée et du Sénat. C'est donc encore une fois vers le Conseil Constitutionnel que devraient se tourner les regards. Rappelons notamment que ce dernier avait censuré la disposition portant sur la non sécurisation de l'accès Internet par l'abonné d'Hadopi 1 en considérant que le défaut de sécurisation de l'accès Internet ne pouvait être sanctionné car la loi "en opérant un renversement de la charge de la preuve, instituait une présomption de culpabilité pouvant conduire à prononcer contre l'abonné des sanctions privatives ou restrictives du droit".
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