Yahoo / Microsoft : un accord à l’économie pour contrer Google
Il aura fallu beaucoup de temps pour finalement obtenir un accord assez simple et évoqué de longue date entre Microsoft et Yahoo. L’adoption relativement lente de Bing et le besoin d’optimisation des revenus et de nouvel élan stratégique chez Yahoo auront finalement eu raison des réticences des deux camps. Reste à savoir si il s’agit du début d’un rapprochement ou de la fin d’un désaccord.
L’accord entre Microsoft et Yahoo est enfin officialisé. Après près de 18 mois de négociations parfois extrêmement houleuses, le départ fracassant de Jerry Yang – cofondateur de Yahoo – et les atermoiements de Steve Ballmer, les deux groupes se sont enfin mis d’accord sur une collaboration étroite autour de la recherche en ligne et surtout de sa monétisation. A ce stade, toutefois, l'accord ne prévoit ni un rapprochement capitalistique ni la création d'une coentreprise. Les deux partenaires se sont plutôt entendus sur une répartition des rôle sur le marché de la recherche internet et de sa monétisation.
Naissance d’une alternative à Google ?
Si l'on met de côté le sort des actionnaires de Yahoo – qui auront tout de même vu passer sous leur nez une offre à 40 milliards de dollars que la crise a rendu a posteriori particulièrement intéressante – le portail internet se tire tant bien que mal de la crise, comme l'ont montré ces récents résultats financiers. Reste que si l’accord lui permet de conserver son indépendance en ce recentrant sur la dimension portail et utilisateurs – la recherche étant dévolue à Microsoft via Bing – Yahoo ne donne toujours aucun signe de grand allant stratégique. En retard sur la génération 2.0, le groupe désormais dirigé par Carol Bartz devra se régénérer pour damer le pion à ses concurrents.
Du côté de Microsoft, l’accord intervient dans un moment de relative faiblesse. Les pertes de la division Online de l'éditeur sont abyssales et Bing peine à vraiment décoller. L'alliance avec Yahoo devrait donc permettre au géant de donner de l’air à son activité online. Désormais assis sur un inventaire d’audience important, Bing – le moteur de recherche de dernière génération lancé en juin – pourrait désormais avoir sa chance face à Google. D'autant que les équipes de Yahoo devraient permettre aux deux sociétés d’optimiser la valorisation de leur inventaire en matière de liens contextuels, face à un Google aujourd'hui omnipotent, en dépit de l’avance technologique un temps détenu par Yahoo au moment du rachat d’Overture, au début des années 2000.
Un accord pour valoriser l’audience cumulée
L’accord – signé pour une durée de 10 ans - prévoit que Microsoft détient désormais une licence exclusive sur les technologies de recherche de Yahoo. Redmond va donc pouvoir enrichir son moteur Bing, lancé en mai dernier, avec certaines des technologies développées par son partenaire. Bing deviendra la plate-forme de recherche commune aux sites de Microsoft et de Yahoo. Il servira aussi de support à la vente de liens contextualisés publicitaires, le nerf de la guerre en matière de monétisation de la recherche en ligne, un secteur où Google a creusé un écart significatif.
Dans ce cadre, c’est la régie de Yahoo qui sera mandatée pour monétiser les audiences du portail lui-même et de quelques sites Microsoft, le tout en utilisant le système de vente en ligne Microsoft AdCenter. Pour les autres formats publicitaires, chacun conserve ses propres forces commerciales. Yahoo percevra 88% des revenus générés sur son propre site, un pourcentage défini pour les 5 premières années de l’exploitation dans chacun des pays où Yahoo est présent.
Yahoo estime que l’accord ainsi formulé devrait lui permettre de générer un bénéfice opérationnel de 500 millions de dollars annuels dés lors que l'es effets de l'accord joueront à plein (d’ici 24 mois selon les deux partenaires). De son côté, Microsoft obtient un débouché d’importance pour Bing face à Google et alors que le service – prometteur – peine à dépasser l’engouement des premiers jours.
Une concentration du marché de la recherche entre deux titans
Dans ce contexte demeure une inconnue : la position que prendront les autorités antitrust de tout bord mais notamment américaines. Au plus fort de la pression de Microsoft en mai 2008, Google s’était mué en chevalier blanc pour sauver le groupe dirigé par Jerry Yang. L’accord échafaudé par Google et Yahoo avait fait long feu, le géant de la recherche ayant reculé sous la pression des autorités antitrust US. Google avait toutefois pu se satisfaire d'avoir contribué à faire échouer la tentative de rachat de Yahoo parMicrosoft.
Cette fois le front est renversé et Google n’a pas tardé à réagir par l’intermédiaire de la dirigeante de l’activité Search, Marissa Mayer. Selon la vice-présidente, produits de recherche et services aux utilisateurs de Google, plus il y a de moteurs en activité mieux c’est. L’accord signant la fin du moteur de Yahoo, Marissa Mayer estime qu’il y a un risque de voir la concurrence se réduire à deux acteurs majeurs, ce qui pourrait éveiller l'intérêt des autorités antitrust des deux côtés de l'Atlantique. Google demeurant cependant très dominant – notamment aux Etats-Unis etn Europe –, il y a toutefois peu de chance que sa voix porte réellement.