Fusions-acquisitions : l'heure des soldes a-t-elle sonné pour les SSII en difficulté ?
Après avoir fait le dos rond pendant le première partie de l'année, quelques SSII apparaissent aujourd'hui fragilisées. Notamment celles qui, en plus de la baisse de l'activité, doivent faire face au remboursement de dettes contractées pour des achats dans les années fastes. Une situation propice à des fusions dans l'urgence ?
Après une première partie d'année relativement calme sur le front des fusions-acquisitions - du fait de désaccords sur les prix entre vendeurs et acheteurs, selon Elisabeth de Maulde, directrice général du cabinet Pierre Audoin Consultants (PAC) -, les résultats des sociétés de services au premier semestre commencent à créer des situations tendues, qui pourraient pousser certains acteurs à chercher un rachat, quitte à brader les prix. Le sociétés qui se sont lourdement endettées pour procéder à des acquisitions au prix fort durant les années d'euphorie apparaissent particulièrement fragilisées. "Les sociétés de services ont fait le dos rond jusqu'à présent. Mais pour faire le dos rond, il faut avoir les poches profondes, note Frédéric Giron, directeur des études de PAC. Sans plan social, les taux d'utilisation sont malmenés". D'où des marges en berne et, pour les sociétés endettées, des difficultés à faire face aux échéances de remboursement.
"Si on fait la comparaison avec la crise précédente du début des années 2000, les ventes se produisent souvent en fin de cycle baissier, voire au moment de la reprise, avec des vendeurs plombés par leurs dettes", remarque Dominique Raviart, analyste senior au cabinet NelsonHall. Ainsi, un patron d'une SSII de taille moyenne nous expliquait cette semaine avoir été démarché par des sociétés tentant de se faire racheter dans l'urgence.
Fragiles, mais pas forcément faciles à vendre
Président de AP Management (cabinet conseil spécialiste des fusions-acquisitions dans l'IT), Pierre-Yves Dargaud relativise toutefois cette tendance : "le marché des fusions-acquisitions est assez dynamique en 2009, mais plutôt sur les petites opérations, pour des cibles réalisant moins de 15 millions d'euros de chiffre d'affaires. Au-dessus, c'est le calme plat. Et je ne vois pas d'accélération de ce mouvement du fait de sociétés en difficulté. Les seules situations difficiles concernent pour l'instant de petites sociétés menacées de déréférencement par leurs grands clients. Sur ce terrain, le marché est très dur pour les entreprises réalisant moins de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires". "Même si la chute des valorisations amène des opportunités, les sociétés les plus fragiles ne sont pas forcément les plus faciles à vendre", renchérit Elisabeth de Maulde.
Team Partners et B&D peinent à rembourser
De facto, dans leurs documents officiels, quelques sociétés cotées font état de difficultés à rembourser leurs dettes. C'est par exemple le cas de Business et Décision (2 700 personnes, 238,7 millions d'euros en 2008). La belle machine de croissance de la SSII spécialiste du BI s'est sévèrement grippée. Et a même connu un retournement brutal au second trimestre 2009. Après un premier trimestre où l'activité s'est envolée de près de 10 %, B&D a vécu une inversion de tendance au printemps. Au second trimestre, l'activité s'effondre de 12 % (10,5 % en France). Le groupe, qui a finalisé le rachat de l'Américain Inforte en 2007, se débat face aux échéances de sa dette. B&D est parvenu à reclasser une partie de sa dette court terme en dette long terme (pour 17.6 millions). Mais, il lui reste à faire face à une échéance de 14,2 millions en 2009. "La question du remboursement est donc entière alors que la génération de cash ne permettra pas d’y faire face", écrit l'analyste de Aurel Leven, Brice Thébaud, qui suit la valeur. Autre souci : le groupe a par deux fois en 2008 loupé les engagements (covenants) qu'il avait pris auprès de ses banques, ce qui va entraîner une hausse du coût de la dette. Contactée, la direction de Business & Decision n'a pas pu être jointe à temps pour répondre à nos questions. En bourse, le titre flambe : parti d'un plus de 4 euros début août, l'action dépasse désormais les 7 euros.
Autre cas : celui de Team Partners, qui a racheté CGBI et Datem en 2006. Dans son document de référence, la SSII (1 700 personnes environ, 126 millions d'euros en 2008) indiquait avoir obtenu un moratoire sur sa dette bancaire de 10 millions d'euros, ainsi qu'un étalement de ses dettes sociales et fiscales (12,8 millions). Mais, en raison de "prévisions de trésorerie très tendues", le groupe a dû de nouveau renégocier ce second accord, afin "d’alléger les échéances 2009". Et la société, qui a passé 6,7 millions de charges de restructuration en 2008, pourrait aussi ne pas être au bout de ses peines de ce côté-là. Dans son document de référence, la SSII fait état d'un taux d'activité de ses consultants (congés exclus) de 81 % environ au premier semestre 2009. Tout en reconnaissant : "un taux inférieur à 90 % peut être considéré comme un niveau en dessous duquel des mesures doivent être prises afin de réduire au maximum la sous-activité". Team Partners dit aujourd'hui se concentrer sur sa rentabilité, quitte à abandonner certains contrats, ce qui explique pour partie la décrue de 15 % de son chiffre d'affaires au premier semestre.
Au-delà même de ces sociétés de taille moyenne, des rumeurs de vente entourent désormais des SSII de premier plan. Selon l'agence Reuters, HP songerait à revendre une partie de ses activités d'outsourcing. Une branche que le géant avait pourtant musclé, en annonçant le rachat en mai 2008 de la SSII américaine EDS. Une emplette qui avait coûté près de 14 milliards de dollars à HP à l'époque.
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