Snow Leopard Server, le nouveau gadget d'Apple

Lancé aujourd’hui en version 10.6 Snow Leopard, Mac OS X Server est-il enfin le serveur d’entreprise sérieux que vante Apple, notamment sur le terrain du travail collaboratif ? La réponse semble négative.

Jean-François Leroy, administrateur système certifié Apple, n’est pas tendre avec Mac OS X Server, dont la version 10.6 dite « Snow Leopard » est commercialisée ce jour. Pour lui, Apple a, avec ce système d’exploitation, les yeux plus gros que le ventre : « on est bien loin de la logique d’administration simplifiée à l’extrême, le click button, mise en avant par Apple ; pour des choses un peu sérieuses, il faut entrer dans le dur, la ligne de commande. » Un regard que Jean-François Leroy n’hésite pas à étendre à certains modules intégrés à OS X Server : « personne de sérieux ne se reposerait sur le serveur FTP de Mac OS X… »

Ce qui ne l’empêche pas de concéder des qualités à l’OS serveur d’Apple, notamment en ce qui concerne les services de partage de fichiers, d’impression, et même de serveur Web (avec Apache, MySQL, PHP, mais aussi Perl, Ruby on Rails, Python et Tomcat dans Snow Leopard Server). Et de raconter par exemple avoir fait migrer sous Mac OS X Server, récemment, une « boîte d’une trentaine de personnes, spécialisée dans le développement Web, qui travaillait auparavant sous Linux : ils ont installé leurs Wiki, le serveur de versionning Subversion… tout fonctionne à merveille. »

Des fonctions collaboratives encore en retrait

En fait, Jean-François Leroy s’avère tout particulièrement sévère au sujet des fonctions de travail collaboratif de Mac OS X Leopard Server : « pour une petite boîte qui a envie de bricoler, c’est bien. » Mais, selon lui, l’offre Apple est bien loin de concurrencer des solutions telles que celles de Kerio ou de Zimbra.

L’iPhone en retard ?
Apple est-il allé trop vite, sur Snow Leopard Server, pour que l’iPhone s’y intègre effectivement ? On peut être tenté de le penser. En particulier, ni iTunes, pour la synchronisation ponctuelle, ni le logiciel interne de l’iPhone ne sont capables de se connecter au serveur de carnets d’adresses de Mac OS X 10.6 Server : les fiches des carnets d’adresses serveur sont strictement réservées aux… Macs. Pour un annuaire réseau sur iPhone, il faut se rabattre sur LDAP ou Exchange. De la même manière, l’iPhone semble oublié du serveur de notifications Push de Snow Leopard : pas de notifications « push » liées aux calendriers du serveur, par exemple, – même si l’iPhone les consulte sans difficulté.
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Snow Leopard Server fait-il mieux que son prédécesseur, avec ses serveurs de carnets d’adresses, d’agenda, de messagerie, de messagerie instantanée Jabber, ou encore de Wiki ? Pas vraiment.

Le serveur de calendriers, par exemple, permet des partages via un mécanisme dit de délégation, avec droits en lecture ou en lecture et écriture. Las, une fois accordées, les délégations portent sur l’ensemble des agendas de l’utilisateur, sans distinction, et avec les mêmes droits pour chacun des agendas concernés. Pour obtenir une granularité plus fine, il faut que l’utilisateur « bidouille », par exemple en publiant en lecture seule des calendriers à partager sur un serveur WebDAV. Le portail « collaboratif » intégré par Apple à Snow Leopard Server ne sait en outre pas gérer les agendas en délégation : via le Web, un utilisateur ne peut consulter et modifier que ses agendas personnels… Et l'on pourrait ajouter que le portail Web permet de créer des agendas de groupes qui... ne sont accessibles que là : iCal ne sait pas y accéder, ni le portail Web depuis les agendas personnels. L'agenda de groupe semble, du coup, d'une utilité relativement limitée.

De son côté, le serveur de carnets d’adresses fait figure de gadget inutile. Son propos : permettre le partage de contacts en dehors de l’annuaire LDAP. L’idée est louable mais, dans la pratique, aucun mécanisme de délégation n’est mis en œuvre : pour construire un agenda partagé, l’administrateur doit créer un utilisateur fantôme ; les autres utilisateurs accèderont à son carnet d’adresses via le compte de cet utilisateur fantôme…

Le serveur Web, pour les blogs et les Wiki, n’autorise qu’une visualisation des fichiers attachés, pas leur modification : on est bien loin de ce qu’offre ne serait-ce que le service collaboratif maison iWork.com. Plus globalement, côté fonctions Web collaboratives, Jean-François Leroy regrette qu’Apple « n’ait pas tout simplement proposé une sorte d’équivalent à MobileMe », le service de messagerie et de partage en ligne d’Apple. C’est l’une de ses déceptions vis-à-vis de Snow Leopard Server.

Des notifications Push incomplètes

Le système de notifications push promis par Apple pour Mac OS X Snow Leopard Server peut également décevoir quelque peu : il ne fonctionne que pour les invitations à un événement ; aucune notification n’est « poussée » à iCal, le logiciel de gestion d’agendas d’Apple, dans le cas de modifications éventuellement apportées par des utilisateurs tiers à des agendas sur lesquels l’utilisateur a ou a donné délégation. Sur le poste client, iCal ne donne d’ailleurs d’alerte que lorsqu’il est ouvert – aucun agent ne tourne en tâche de fond pour réceptionner les éventuelles notifications. Aucune notification n’est non plus « poussable » pour les éventuels changements apportés au carnet d’adresses. Bref, un échaffaudage incomplet qui, pour un peu, donnerait l'impression d'avoir été lancé à la hâte, avant une finalisation réelle.

Le poste client, vraie force d’Apple ?
Dans une note diffusée à l’occasion du lancement de Mac OS X Snow Leopard, le cabinet Gartner prévient les DSI : « préparez-vous à gérer des demandes d’intégration de Mac au sein des réseaux corporates. » Le support natif d’Exchange dans Mac OS X 10.6 client n’y sera pas étranger : « il permettra aux utilisateurs d’utiliser leur Mac au bureau plus facilement », explique le cabinet. Il tempère tout de même : « cela ne signifie pas que les Mac peuvent aisément remplacer les PC sous Windows dans la plupart des organisations… [celles-ci] vont continuer à avoir besoin de Windows pour la majorité de leurs applications. » Mais Gartner encourage néanmoins les entreprises à « continuer d’investir dans des architectures orientées Web et Services qui permettront de devenir neutre vis-à-vis des systèmes d’exploitation [sur le poste client]. »

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