Dépeçage : Oracle songerait à revendre le matériel de Sun à HP
Sun, le dépeçage? Un article du magazine américain Fortune, citant des sources anonymes, explique qu'Oracle serait en négociations avec HP pour lui revendre les activités matérielles de Sun. Un mouvement qui pourrait faire sens : l'éditeur ne souhaitait au départ acquérir que les branches logicielles du Californien, avant d'être forcé d'aller plus loin sous la pression de rivaux eux aussi intéressés par la reprise du groupe de Scott McNealy.
Selon la presse américaine, Oracle étudie la revente des activités matérielles de Sun, dont le rachat remonte à avril dernier. Et HP, qui était déjà parmi les candidats à la reprise du constructeur californien, serait sur les rangs. Pour l'instant au stade de la rumeur - Fortune évoquant des sources anonymes -, ce dépeçage ne constituerait toutefois pas vraiment une surprise. Dans un document transmis au gendarme des bourses américaines (la SEC), Sun reconnaissait qu'Oracle ne souhaitait acheter, à l'origine, que certaines de ses activités logicielles. Ce n'est que vers la fin des négociations qu'Oracle s'est décidé à acquérir l'ensemble des activités logicielles et matérielles de Sun. Une décision prise avant tout sous la pression de deux rivaux, eux aussi intéressés par l'acquisition de Sun : IBM, clairement identifié dans le document de la SEC, et un second groupe qui n'est pas nommé, mais en qui toute l'industrie - LeMagIT y compris - a reconnu HP. Ce que Fortune qualifie d'ailleurs de "secret le moins bien gardé de la Silicon Valley".
Une activité en pleine déconfiture
De facto, depuis le rachat du constructeur de serveurs et éditeur pour 7,4 milliards de dollars, les spéculations se multiplient pour savoir ce qu'Oracle va faire de cette activité. D'autant que celle-ci, essentiellement constituée de grands systèmes et serveurs Unix et de machines x86 ainsi que d'une offre de stockage (notamment héritée de StorageTek), souffre beaucoup de la crise. Le manque de visibilité sur le futur des gammes - avec par exemple une puce Rock dont la sortie semble de plus en plus compromise comme nous l'écrivions il y a quelques jours -, l'exposition de la société aux aléas des secteurs de la finance et des télécoms, ainsi que des investissements dans les serveurs sabrés par la crise ont fait s'effondrer le chiffre d'affaires de Sun. Au quatrième trimestre, clos fin juin, la société a annoncé un chiffre d'affaires avoisinant les 2,6 milliards de dollars, loin des 3,8 milliards réalisés un an plus tôt.
Pour Oracle, la revente du matériel présente plusieurs avantages sur le papier. D'abord, l'éditeur sortirait d'un métier qui n'est pas le sien et qui est susceptible de brouiller ses relations avec d'autres partenaires. Ensuite, l'activité matérielle héritée de Sun aura un impact négatif sur les confortables marges du groupe. Pour l'instant, Larry Ellison, le patron d'Oracle, justifie les synergies entre l'activité historique de Sun et celle de son entreprise par la conception de serveurs dédiés, optimisés pour les offres maison. Une justification faiblarde, d'autant que le document transmis par Sun à la SEC ne laisse pas de place aux doutes quant aux intentions initiales de l'état-major d'Oracle. Et que l'époque, marquée par l'entrée dans l'ère industrielle de la virtualisation et par les premiers pas du cloud computing, est plutôt à la dissociation entre matériels et logiciels, au moins dans le monde x86.
HP : futur roi des serveurs ?
Vu du bureau de Mark Hurd, le patron de HP, le renfort de Sun permettrait à son groupe de distancer IBM sur le marché des serveurs, où les deux géants sont au coude à coude (voir les chiffres de Gartner au premier trimestre 2009). Et de s'imposer comme l'acteur incontournable sur le marché Unix, où il est devancé par Big Blue. Autre effet de bord intéressant : l'outsourceur EDS, racheté par HP en mai 2008 pour muscler sa branche services, est le premier client des serveurs Sun. Une intégration dans le groupe permettrait donc à HP d'améliorer ses marges sur des contrats d'outsourcing en environnement Sun.
Prudence toutefois : les spéculations actuelles semblent émaner d'une unique source, "connaissant les négociations entre Oracle et HP", selon Fortune. Elles peuvent aussi masquer un nouveau coup de bluff de Larry Ellison, par exemple afin de réveiller l'intérêt d'IBM pour des actifs qui lui sont passés sous le nez de justesse.