Condamnation par l'antitrust : pour Intel, Bruxelles s'est trompé sur le fond et sur la forme
Reprendre le dossier de zéro. C’est la stratégie que semble avoir adopté Intel dans sa procédure d'appel, suite à l’amende que lui a infligée en mai dernier la Commission Européenne pour abus de position dominante. Dans un document remis à la Cour de Justice Européenne, le fondeur conteste ainsi chacun des piliers du dossier monté par Bruxelles à son encontre. Et invoque aussi des vices de procédure.
Condamné mi-mai dernier à une amende record de 1,06 Md€ pour abus de position dominante sur le marché des processeurs x86 en Europe, Intel a fait appel fin juillet. Un appel dont on ne savait que peu de choses jusqu’ici. Un document publié sur le site Web de la Curia, la Cour de Justice des Communautés Européennes, basée au Luxembourg, expose les principaux arguments avancés par le fondeur pour sa défense. Ce dernier demande « l’annulation ou la réduction de l’amende » qui lui a été imposée.
Rappelons que la condamnation de l'Américain est fondée sur deux griefs, exposés par la Commission en mai dernier. Primo, Intel aurait « accordé des remises intégralement ou partiellement occultes aux fabricants d'ordinateurs à la condition qu'ils lui achètent la totalité ou la quasi-totalité des processeurs x86 dont ils avaient besoin ». Secundo, toujours selon l'accusation, l'industriel « a effectué des paiements directs en faveur des fabricants d'ordinateurs dans le but d'arrêter ou de retarder le lancement de produits spécifiques contenant des processeurs x86 de concurrents et de limiter les circuits de vente utilisés pour ces produits ». Les constructeurs ciblés par ces pratiques seraient Acer, Dell, HP, Lenovo et Nec.
Un impact sur le marché non établi
Mais, selon la société, la Commission Européenne s’est tout simplement trompée. Et sur de nombreux points. Tout d’abord, Intel estime que la Commission n’a pas établi l’impact de tels rabais conditionnés sur le paysage concurrentiel. Et même qu’elle a échoué à conduire toute analyse de verrouillage ou de possibilité de verrouillage du marché. Pour Intel, la Commission a d’ailleurs également échoué à établir que ces pratiques commerciales « s’appliquaient au territoire de la Communauté Européenne et/ou avaient des effets immédiats, substantiels, directs ou prévisibles au sein de la Communauté Européenne. »
Mais le fondeur va plus loin, non pas jusqu’à contester les éléments de preuve étudiés par la Commission, mais en mettant en cause l’utilisation qu’elle a pu en faire : selon lui, la Commission « n’a pas répondu aux normes requises de preuve » ; elle n’aurait donc pas formellement établi qu’Intel a accordé des rabais à certains de ses clients à condition qu’ils se fournissent exclusivement (ou presque) auprès de lui, en processeurs x86.
Des éléments à décharge négligés
Enfin, le fondeur estime que Bruxelles n’a pas pris en compte – ou pas suffisamment, du moins – des éléments à décharge. Et de citer en particulier des chiffres indiquant que, sur la période visée par la procédure, les « concurrents d’Intel ont substantiellement augmenté leurs parts de marché et leur profitabilité, mais que leur manque de succès sur certains segments de marché et/ou avec certains OEMs était le résultat de leurs propres lacunes. » Intel conteste donc tout lien de cause à effet entre les "rabais" mis en cause par l'Europe et le manque de succès commercial de ses concurrents sur certains segments.
Qui plus est, pour le fondeur, la Commission n'est pas parvenue à établir que la société se soit engagée dans « une stratégie de long terme de contrôle de la concurrence. » Selon elle, « de telles conclusions ne sont étayées par aucune preuve. »
Enfin, Intel estime avoir été victime de vices de procédure, appuyant ainsi sa demande d’annulation de la décision de Bruxelles, vices qui auraient privé la défense de certains de ses droits : « la Commission a échoué à accorder à Intel une audition, […] à lui fournir certains documents internes versés au dossier par des concurrents. »
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