Bruxelles publie le détail de son dossier contre Intel
La Commission européenne vient de publier, sur son site Web, le détail du jugement rendu contre Intel en mai dernier, et qui le condamnait à une amende record de plus d'un milliard d’euros. Un geste qui tombe à point nommé alors que le texte de l’appel formé par le fondeur fin juillet vient d’être rendu public ; un texte que la Commission semble s’attacher à démonter point par point.
Il y a comme une odeur de poudre qui flotte entre la Commission européenne et Intel. Condamné en mai pour abus de position dominante à 1,06 Md€ d’amende par Bruxelles, le fondeur a fait appel fin juillet dernier. Un appel dont le texte vient d’être rendu public et dans lequel Intel attaque la décision de la Commission tant sur le fond que sur la forme. Dans ce qui prend des airs de partie de ping pong, Bruxelles vient de rendre public le texte complet – 517 pages – de sa décision. L’occasion, à travers un communiqué, de s’en prendre, quasiment point par point à la défense du fondeur.
AMD, une véritable menace
Ainsi, retraçant les contours du contexte concurrentiel du début de la décennie, Bruxelles cite une présentation interne à HP, datant de mai 2002 et vantant les processeurs d’AMD : l’Athlon « a une architecture unique », il est « bien plus efficace pour de nombreuses tâches » ; « AMD ne fait pas de compromis sur les performances. » Même ton pour l’offre serveur du fondeur, avec des Opteron au sujet desquels Dell ou IBM ne manquent pas non plus de termes flatteurs. Et la Commission de citer Dell expliquant à Intel, en 2006, à quel point AMD représente une menace sérieuse. Bref, à Bruxelles, on semble loin d’entendre les arguments d’Intel selon lesquels son concurrent n’aurait souffert que de ses « propres lacunes. »
Des accords oraux
Et si Intel peut contester l’existence d’accords passés avec les constructeurs pour des rabais associés à certains volumes d’achat, c’est notamment, selon la Commission, parce que peu de choses sont écrites… Dell aurait ainsi témoigné du fait « qu’il n’y ait pas d’accord écrit entre Intel et Dell concernant les remises ; elles font l’objet de négociations orales constantes. » Là, certaines informations restent confidentielles comme les montants des remises accordées par Intel à Dell entre 2004 et 2006. Mais Bruxelles fait état d’accord verbaux comparables avec HP. Un témoignage apporté par le distributeur MSH (Planète Saturn) révèle ainsi que « les représentants d’Intel ont été clairs sur le fait que le changement des termes contractuels avait été demandé par le département juridique d’Intel mais que, dans la réalité, la relation continuerait comme avant, y compris l’obligation pour MSH de vendre essentiellement des ordinateurs animés par des processeurs Intel. »
… strictement conditionnés
Pour la Commission, la condition d’exclusivité ou de quasi-exclusivité associée à l’octroi de ristournes ne fait pas de doute. Et d’évoquer notamment un message interne à Dell, daté de février 2004, dans lequel un collaborateur du constructeur texan informe son supérieur de la visite prochaine d’un dirigeant d’Intel : « [les dirigeants d’Intel] sont préparés à [une offensive ouverte] si Dell se joint à l’exode vers AMD. Nous n’aurons aucune [aide commerciale] pour au moins un trimestre pendant que Intel ‘enquête‘. » Mais c’est une correspondance entre deux dirigeants d’Intel, du 17 février 2006, que Bruxelles considère comme particulièrement probante : alors que Dell vient de réfuter publiquement tout projet avec AMD, le premier indique « enfin une bonne nouvelle… », quand le second répond « ce que l’argent peut acheter de mieux… »
De la même manière, la Commission estime que le conditionnement des rabais à certains accords est établi avec Acer, HP ou encore Lenovo. Entre 2002 et mai 2005, HP aurait ainsi cantonner son offre AMD aux PME ou à la distribution directe. Acer aurait dû reporter le lancement d’un portable AMD de près de six mois. Même chose pour Lenovo…
Au final, alors qu’Intel vient de faire appel de la décision de Bruxelles, c’est un impressionnant et long bras de fer qui s’annonce.