Spécial sécurite : terrorisme aéroportuaire; polémique photographique

Aujourd'hui, nos confrères de CNIS Mag, magazine spécialisé dans la sécurité des systèmes d'information, s'intéressent... sécurité oblige, aux contrôles de sécurité aux aéroports, au travers de faits divers récents. Ils reviennent aussi sur la polémique suscitée, au moins en France, par la pratique de la retouche photo numérique.

Sommaire
1 -Contrôle des passeports, enlevez votre pantalon

2 - Anorexie, propagande et Photoshopping

1) Contrôle des passeports, enlevez votre pantalon…

Le Prince Mohammed ben Nayef, Ministre de l’Intérieur Saoudien, aurait, nous apprennent quelques 39 000 coupures de presse en ligne échappé à un attentat-suicide. Jusque là, rien de très anormal dans le quotidien d’un grand commis de l’Etat. Madame Rachida Dati elle-même pourrait-elle siéger au Parlement Européen sans la protection de son garde du corps ? Les truands et malfaisants se retrouvent de partout.

Ce qui, en revanche, sort quelque peu de l’ordinaire, c’est la manière dont le terroriste a su franchir les cordons de sécurité avec ses explosifs, en cachant le matériel en question dans son fondement. Passons sur l’horreur d’une pareille décision et le conditionnement psychologique qui peut conduire une personne à commettre un tel acte. Les intégrismes religieux, de tous temps, ont montré combien ils s’accommodaient fort bien de ces contradictions liées à l’idée de respect de la vie. Le Prince-Ministre en a réchappé, le terroriste a fini ses jours « éparpillé façon puzzle » sous l’action de son suppositoire détonnant, sans gloire et sans résultat. Fermez le ban. Le Sunday Time australien apporte toutefois à ce triste fait-divers un éclairage inattendu en posant la question suivante : comment vont réagir les compagnies aériennes ? Car il y va du chiffre d’affaires d’un certain nombre d’entreprises qui verront là, sans coup férir, matière à ajouter un point de contrôle vital à la liste déjà longue des procédures de « screening ». Parce que des cutters ont été utilisés par les terroristes des vols du 11 septembre, les couteaux (à bouts ronds et coupant très mal) fournis avec les repas sont bannis des avions. Parce qu’un certain Richard Reid a tenté de faire sauter un appareil avec un explosif caché dans ses chaussures, les briquets sont interdits de vol et les « spécialistes » du filtrage d’aéroport font se déchausser plusieurs millions de personnes par jour. Parce qu’il existe un risque –excessivement faible- de bombe chimique à base de liquide, les bouteilles d’eau, les crèmes de beauté sont strictement interdites à bord. Avec l’invention de ce combattant-suicide, on frémit à l’idée de ce que vont devenir les contrôles de sécurité aéroportuaires, dont le moindre serait l’administration obligatoire d’une dose de laxatif une heure avant de monter à bord.

C’est probablement le Homeland Security Watch qui détient une parcelle de vérité. En créant une brèche dans le système routinier de la fouille au corps, expliquent nos confrères, ce terroriste a probablement ouvert une voie royale à certains appareils jusqu’à présents recalés, tel les radars millimétriques qui dénudent littéralement les personnes passant dans son faisceau. A moins que l’on ne rende obligatoire l’échographie avant embarquement… il ne faut surtout pas sous-estimer l’imagination kafkaïenne des fonctionnaires du TSA ou du Iata.

2) Anorexie, propagande et Photoshopping

Au début de la semaine passée, la députée UMP Valérie Boyer a lancé l’idée qu’il faudrait apposer la mention « Photographie retouchée afin de modifier l'apparence corporelle d'une personne » sur toute image publicitaire ou de presse magazine « shoppée », comme dit-on dans le milieu. A ce rythme-là, il se pourrait bien que l’usage des logiciels de retouche photo, The Gimp y compris, ne soient disponibles que sur ordonnance et après inscription dans un des nombreux fichiers tenus par le Ministère de l’Intérieur.

A la minute même où cette information a commencé à courir sur les ondes et les réseaux câblés, la rédaction de CNIS Mag s’est mise à surveiller avec une attention redoublée le blog de Neil Krawetz. Et çà n’a pas loupé, l’expert en imagerie numérique et en fraudes au pixel nous gratifie d’un billet intitulé « French Connection » au fil duquel les mangeurs de grenouilles en prennent un peu pour leur grade. Krawetz lutte depuis déjà quelques années contre cette forme de beauté éthérée et parfaite que peut fabriquer la photographie numérique et les logiciels de retouche d’image. Les ravages de l’anorexie par imitation ou par transfert méritent que la question soit largement débattue au sein des rédactions et des directions artistiques des magazines de mode ou agences publicitaires. Mais de là à en faire une loi, il y a un pas difficile à franchir. Car derrière cette disposition bourrée de bons sentiments et d’intentions louables se cachent autant de chausse-trappes que n’en compte une plage de débarquement.

Passons tout d’abord sur le travail artistique lui-même. Une photographie n’atteint le stade d’œuvre qu’après un important travail de retouches, de recadrage, de traitements divers… et ce depuis son invention par Nicéphore Niepce et Jacques Daguerre. Entre le cliché d’un Man Ray ou d’un Brasaï et le résultat tiré sur Ilford Gallery, il y a parfois des heures de travail. Cela va du choix de l’objectif de l’agrandisseur à la diminution ou l’éclaircissement des zones par des caches, en passant par d’éventuels tours de main (solarisation, contre-masques etc). Qui donc n’est jamais tombé en arrêt sur les planches « aviation » ou « automobile » d’une l’Encyclopédie Larousse de l’entre-deux guerres ? Magnifiques collections iconographiques truffées de pneumatiques brillants, de carrosseries reflétant un soleil toujours fixe (35° Nord-Ouest de la page) ou de machines lissées par la dextérité d’un aérographe ? La retouche n’est pas toujours synonyme de mensonge.

Est-ce ce même aérographe qui faisait à Mao Tse Toung, à Joseph Staline, à Adolphe Hitler, à Kim Jong Il un personnage au teint vif, toujours entouré des « bonnes personnes » au « bon moment » ? On ne compte plus les Nicolai Yezhov ou les Léon Trotski qui se sont évaporés d’un coup de compresseur, dans un premier temps, avant de finir fusillés ou assassinés à coups de pic à glace. Photoshop n’a rien inventé, sauf peut-être quelques grosses bévues provoquées par l’abus de masques.

Doit-on légiférer sur le travail des photographes sous prétexte d’objectivité de l’information ? Et sur quels critères établir une limite ? Faut-il apposer une mention « Photographie retouchée afin de modifier l'apparence corporelle d'une personne » lorsque disparaît un petit bourrelet présidentiel, que surgit une troisième jambe ou que s’efface une bague de Ministre ? Et peut-on comparer l’odieuse malhonnêteté d’une censure photographique perpétrée sous un régime totalitariste et des « détails de coquetterie » censurés par les scrupules flagorneurs d’un magazine cherchant à plaire avant que d’informer ?

A la proposition que soulève Madame la Député Valérie Boyer, il n’existe probablement aucune réponse définitive, si ce n’est celle qu’apporte l’éthique professionnelle. Le trucage et la manipulation font partie intégrante de la photographie. Sans retouche, Claudia Schiffer aurait des grains de beauté (quelle horreur !) et notre Président quelques kilos en trop (quelle importance ?). Mais les photos Harcourt de Gérard Philippe, la blancheur de peau de Kiki de Montparnasse et de Nusch Éluard seraient moins troublantes. Les missiles Iraniens feraient moins peur.

En obligeant les médias à apposer une mention « photo truquée » sur chaque cliché montrant un « petit 36 », Madame Boyer pourrait peut-être manquer sa cible et ceci pour deux raisons. La première, c’est que l’apposition d’une mention, tout comme celles concernant l’abus d’alcool ou la tabagie, a peu de chances d’avoir un impact réel sur l’esprit d’adolescentes en mal de sublime. La seconde, c’est qu’une telle mention risque d’être considérée comme ayant une portée générale. Si quelque chose d’aussi futile qu’un mannequin sur la couverture d’un magazine mérite un sceau de véracité, ergo tout ce qui ne porte pas ce sceau et qui revêt une importance plus grande peut être considéré comme étant parfaitement crédible. Or, qui peut, à moins d’une longue analyse d’expert, certifier que tel ou tel document de provenance étrangère est, où non, l’œuvre d’un retoucheur ?

La solution, c’est peut-être tout simplement Adobe qui la détient. Car quelle belle opération marketing que d’offrir à tous les collèges de France une version –limitée- de Photoshop pour que nos chers rejetons apprennent par la pratique à quel point il est aisé de travestir la vérité. Sait-on jamais, sur les quelques centaines de milliers d’écoliers évangélisés, il se pourrait bien que l’on y trouve des clients potentiels.

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