Open World Forum : les DSI avancent encore à l'aveuglette dans l'Open Source
A l'occasion de l'Open World Forum 2009, manifestation réunissant le microcosme Open Source qui se tient en ce moment à Paris, les DSI réunis lors du Open CIO Summit sont venus partager leurs expériences de terrain en matière de logiciel libre. Résultat, une approche à tâtons où le manque de repères en matière de gouvernance et de gestion des risques laisse parfois des questions sans vraies réponses.
Mi-figue, mi-raisin. C'est sentiment que l'on a en ressortant des ateliers du Open CIO Summit, la partie de l'Open World Forum 2009 qui a, pour la première fois, donné la parole aux directeurs informatiques sur leur perception de l'Open Source. Une approche de terrain en somme, loin des discours de l'Open Source militant. Place à une réalité plus nuancée qui dévoile un tissu de DSI dont l'appréhension du modèle peut varier. Avec de vraies questions qui restent en suspens.
Si globalement tous s'accordent à dire que l'Open Source équipe déjà les couches basses du SI (infrastructure et serveurs par exemple), tous trouvent également peu matures certains segments applicatifs comme les ERP par exemple, peu évoqués lors des débats. Mais unanimement, chacun parle de l'Open Source comme d'un maillon dans une chaîne qui mêlerait briques propriétaires et composants Open Source. Un aggloméré façonné aux besoins du métier. « Aujourd'hui je ne suis pas sûr que ce [l'Open Source, ndlr] soit le bon choix pour l'infrastructure de mon portail. J'ai par exemple des problèmes de support avec un constructeur, ce qu'on ne connaît pas avec l'Open Source. En revanche, je ne suis pas sûr que les solutions Open Source puissent aussi bien tenir la charge », intervient un DSI (*) présent. On prône ici la mixité.
Poste utilisateur, la vraie zone d'ombre
Sur le poste de travail, où l'Open Source a depuis longtemps suscité des espoirs - pour l'instant déçus - d'offrir une réelle alternative à Microsoft, un paramètre supplémentaire complique la donne : l'utilisateur. « Si OpenOffice passe, Linux passe », illustre ironiquement un autre DSI pour qualifier la difficulté d'affronter la résistance au chargement desdits utilisateurs. Car c'est bien là que réside le gros point noir. Sauf si, finalement, on peut détourner le problème, rappelle un membre de l'assistance, qui a modifié l'interface d'OpenOffice pour ne garder que les fonctions nécessaires, fondues alors dans un moule connu par les utilisateurs, « qui ne savent pas que c'est de l'Open Source ». Une façon également d'éviter les sempiternels reproches : « une solution Open Source, c'est cheap, j'en veux pas ! ».
Même son de cloche chez un autre DSI qui, sans amertume, fait un bilan de son échec sur le poste de travail : « ce projet a été élaboré sur des questions budgétaires. Une erreur. Et a capoté également sur des problématiques humaines. Les utilisateurs – avec une moyenne d'âge de 26 ans - sont habitués à vivre chez eux connectés en environnement Windows. Difficile de revenir sur OpenOffice – trop cheap ! – au travail ».
Des ajustements dans les comportements
Quid de la perénité ? De la sécurité ? De l'exposition au risque ? Si le modèle propriétaire et son support offre une bonne vision [notamment en terme de roadmap, ndlr], qu'en est-il avec l'Open Source, s'interroge un DSI sceptique sur la gestion des risques et les questions de gouvernance du SI. Comment contrôler techniquement ce que le développeur charge ?
Presque un faux problème finalement, car si de nombreux analystes ont pointé du doigt le fait que les entreprises faisaient de l'Open Source sans le savoir, peu de DSI présents ont montré de pareille inquiétude. Le contrôle et la surveillance font partie intégrante de l'Open Source. Même contrainte qu'avec le propriétaire, seule l'innovation fait la différence, glissera un DSI qui fera l'unanimité.
« Il est étonnant parfois de faire davantage confiance à des boîtes noires », rencherira un autre DSI, histoire d'illustrer combien le propriétaire peut rassurer tant il met en gage la responsabilité de l'éditeur. Pourtant cette politique « ceinture et bretelle » tend à se flouter chez les directeurs informatiques. Car, au final, l'Open Source parvient à se hisser au même niveau, semble-t-on entendre dans l'assistance, dans une manifestation il est vrai entièrement dédiée à la cause.
Pour s'aligner sur l'Open Source, il convient alors de renforcer les méthodologies et devenir plus méticuleux, « car c'est nous qui jouons alors le rôle la boîte noire », souligne un DSI, en reprenant l'image citée au-dessus. Bref un vrai transfert des risques. Conséquence majeure de ce déport, la veille est désormais l'affaire de l'entreprise. « Elle doit être réalisée par l'équipe et non plus par l'éditeur, reprend l'intervenant. Il s'agit de tester la communauté et de multiplier les échanges avec les développeurs de cette même communauté », livre un autre responsable informatique.
Enfin, tous s'accordent à dire que, côté contributions - moteur même de l'Open Source -, les entreprises ont encore beaucoup de progrès à faire. Si le modèle de développement communautaire semble être assimilé et apprécié pour sa réactivité notamment, peu des représentants des entreprises présentes reversent leurs développements dans la communauté. Faute de temps pour certains ; faute de moyens financiers pour d'autres. « On est tous clients, mais pas forcément contributeurs. On pourrait contribuer mieux car cela influe sur la pérénité », regrette un DSI. Un écueil qui à terme – à mesure que l'adoption progresse - devrait toutefois peser sur le modèle de l'Open Source.
Des coûts basés sur la gestion du changement
Mais le point sur lequel sont tombés d'accord tous les DSI présents reste les coûts. Un point d'ailleurs peu abordé durant les ateliers. Si l'idée que les logiciels Open Source sont gratuits est définitivement bannie, tous ont établi que le plus gros poste de coûts réside non seulement dans la migration, mais dans la gestion du changement. Il faut financer la montée en compétence dans l'entreprise. « Après la mise en place d'une infrastructure 100 % Open Source, nous avons décidé de migrer progressivement le poste de travail vers Linux en débutant par le navigateur, l'e-mail, puis OpenOffice. Et là, on a vite compris que cette migration avait un coût, essentiellement de la formation et de la conduite du changement notamment », illustre un DSI.
(*) Nous avons pu accéder aux ateliers DSI uniquement en nous engageant à ne pas divulguer les noms des intervenants.
En complément :
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Alter Way sort une offre de coaching Open Source pour DSI |
Face au flou artistique qui règne autour de l'Open Source chez certains DSI, quoi de plus naturel pour un intégrateur spécialisé sur le modèle de sortir une offre de coaching pour directeurs informatiques. Alter Way, société emblématique du mouvement en France - et co-organisateur de l'Open World Forum -, inaugure Alter Vision, une offre qui « a pour objectif d'accompagner les DSI dans leur réflexion stratégique et la mise en œuvre de projets Open Source ». « Il faut désormais accompagner les DSI, être plus en amont dans un marché très mouvant et souvent pas très clair. En ce sens, les décideurs ont besoin d'éclaireurs et d'un décryptage de terrain », explique Véronique Turner, co-fondatrice de la société lors d'un entretien. |
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