Internet, contaminé par la grippe A/H1N1 ?
Le fonctionnement d’Internet peut-il être perturbé par la grippe A/H1N1 ? Oui, s’inquiète le gouvernement américain qui évoque le risque de saturation des équipements d’accès résidentiels en cas de développement massif du télétravail pour cause de pandémie. En France, la situation paraît moins préoccupante.
C’est un rapport du bureau chargé des questions de transparence du gouvernement américain, le GAO, rapport adressé aux parlementaires, qui sème le doute : Internet – ou plutôt le réseau d’accès à Internet américain – supporterait-il un recours massif au télétravail en cas d’épidémie majeure ? Avec la grippe A/H1N1 en ligne de mire, l’administration répond sans ambages... par la négative. « La demande, au cours d’une pandémie majeure, pourrait dépasser les capacités des points d’accès résidentiels des fournisseurs d’accès à Internet et interférer avec l’activité des télétravailleurs des marchés financiers et d’autres secteurs […] Les fournisseurs d’accès à Internet ne peuvent filtrer et attribuer des priorités à certains trafics que de manière limitée. » Certes, il serait bien sûr possible de recourir à des méthodes dites de trafic shaping permettant de ralentir certains flux au profit d’autres, jugés prioritaires – ce que certains FAI français semblent déjà pratiquer, notamment avec les échanges en pair-à-pair. Mais, pour le gouvernement américain, « certaines actions comme réduire les débits ou bloquer certains sites Web populaires pourraient impacter négativement le commerce électronique et nécessiter une autorisation du gouvernement. »
Un risque de congestion à plusieurs niveaux
Mais les points d’accès résidentiels – que l’on parle de réseau téléphonique commuté ou de haut débit DSL, câble ou fibre – ne sont pas les seuls points potentiels de congestion identifiés. Le rapport souligne aussi les points d’entrée aux réseaux des entreprises, et leurs pare-feu, comme des points de congestion « principaux. » Au-delà, toutes les interconnexions sont mises en avant comme autant de points de congestion secondaires potentiels. Au final, le gouvernement américain recommande aux entreprises de développer des stratégies alternatives au télétravail depuis le domicile, relevant notamment que cinq organisations critiques au fonctionnement du pays ont déjà pris la peine d’identifier des hôtels dont elles pourraient louer les accès à Internet pour permettre à leurs salariés de se connecter en dehors de leur domicile, sans pour autant venir jusqu’au bureau.
La France, mieux équipée ?
Alors qu’en France, la menace de pandémie de grippe A/H1N1 a été l’occasion pour de nombreux prestataires de services et autres éditeurs de mettre en avant leurs solutions pour le télétravail, la question de la capacité des réseaux d’accès à supporter l’éventuel surplus de connexions, aux heures de bureau et depuis les accès résidentiels, mérite d’être posée. Elle n’obtiendra, pour l’heure, qu’une réponse partielle. De fait, SFR et Free n’ont pas retourné nos courriels de demande de commentaires. Chez Orange, un porte-parole assure que le réseau ADSL supporterait sans mal la charge : « nous avons réalisé des projections à partir des pics de trafic du samedi soir. On est très loin de la saturation. » Mais il ne sera pas question d’avoir de chiffres, « on ne les communique pas. » Très confiant dans la capacité de son réseau d’accès à supporter la charge, le porte-parole souligne en outre que, en cas de pandémie majeure, l’opérateur se contenterait d’ajuster ses procédures de supervision du réseau pour, notamment, accélérer les dépannages sur ses équipements, afin de disposer du maximum de capacité sur son réseau. Pas question, en revanche, de recourir à du trafic shaping.
De quoi précipiter l’adoption d’IPv6 ? |
Avec près de 41 millions d’adresses IPv4 effectivement activées, la France ne dispose, à ce jour, que de 0,638 adresse IP par utilisateur d’Internet. Alors que seulement 56 % des FAI européens a déployé IPv6, Internet pourrait-il, sur le plan logique de l’adressage, supporter un afflux massif de connexions simultanées ? Pour Andrew de la Haye, directeur opérationnel du Ripe NCC, la réponse est affirmative : « une pandémie de grippe A/H1N1 n’accélèrerait pas l’épuisement des ressources d’adresses IPv4. En France et en Europe, le taux de pénétration d’Internet est d’ailleurs déjà très élevé ; il est donc peu probable qu’il y ait une explosion de la demande en connexions à Internet dans le cas le plus sombre où la majorité de la population devrait télétravailler depuis son domicile. Surtout, les FAI européens ont assez d’adresses pour leurs abonnés. » Mais Andrew de la Haye relève tout de même les risques associés à l’explosion, dans de telles circonstances, de la demande en bande passante. Surtout, pour lui, crise pandémique ou pas, les ressources d’IPv4 s’épuisent : « on s’approche rapidement des 10 derniers pourcents. » |