Afdel / Syntec : cette fois-ci, la guerre est déclarée
Avec ce qui ressemble de plus en plus à une OPA sur CICF Informatique, l'Association française des éditeurs de logiciels (Afdel) réalise une opération de contournement sans précédent de Syntec Informatique, la chambre patronale des SSII et éditeurs. Objectif de la manœuvre, faire entendre les intérêts des éditeurs de logiciel dans des instances patronales jusqu'alors trustées par les sociétés de service informatique. LeMagIT a recueilli l'avis de Patrick Bertrand, le président de l'Afdel, et décortique l'opération et les forces en présence.
L'Afdel a-t-elle réussi l'OPA parfaite sur un syndicat professionnel somnolent, mais ayant un rôle clé dans la définition de la convention collective Syntec et dans la gestion des organismes paritaires de la branche ? Si les responsables de l'association française des éditeurs de logiciels s'en défendent, une chose est toutefois sûre. Avec ses 180 membres, l'Afdel disposent de deux fois plus d'adhérents que le syndicat CICF Informatique qu'elle a rejoint hier en temps que membre.
CICF Informatique et Syntec : une représentativité toute relative
Jusqu'alors l'informatique a été le talon d'Achille de CICF. La chambre de l'ingénierie et du conseil de France n'a lancé son syndicat informatique qu'en 2006 et ne compterait qu'un peu moins d'une centaine d'adhérents. Ces chiffres sont à mettre en regard des 940 adhérents de Syntec Informatique. Quelles que soit leurs péroraisons, les deux syndicats professionnels ne sont toutefois guère représentatifs de leur secteur, qui comptait près de 44 500 entreprises en 2007 (dont un peu plus de 19 900 en conseil informatique, plus de 4 200 dans l'édition de logiciels, plus de 14 900 dans les "autres activités de réalisation de logiciels" et près de 5 300 en traitement de données et activités de bases de données). Pourtant, ce sont ces deux syndicats professionnels qui sont représentatifs de la branche côté patronal et négocient la convention collective dite Syntec-CICF. Les deux mêmes syndicats professionnels participent aussi à la gestion paritaire de la branche et co-gèrent notamment le trésor de guerre de la formation de la branche via l'organisme ad hoc, le Fafiec (qui collecte 0,65 % de la masse salariale du secteur dans les entreprises de moins de 10 salariés, 1,25 % pour les entreprises de 10 à 20 salariés et 1,4 % des salaires des entreprises de plus de 20 salariés).
L'Afdel : une association en quête de leviers de pouvoir
Fondée il y a quatre ans comme un lobby d'éditeurs de logiciels commerciaux (depuis il a été rejoint par une poignée d'éditeurs de la sphère du libre), l'Afdel a plus récemment intensifié ses actions et montré sa proximité avec les réflexions gouvernementales en signant un accord avec le Fonds stratégique d'investissement (FSI). L'association a aussi intensifié son offensive contre Syntec Informatique, un syndicat auquel elle reproche son peu de considération pour le métier de l'édition logiciel. Il est vrai que Syntec Informatique, dont les instances dirigeantes sont trustées par les SSII, est historiquement plus représentatif des métiers du conseil et des services que de ceux de l'édition (un paradoxe alors que les éditeurs représentent 55 % des adhérents du syndicat). D'ailleurs, ce matin, en marge d'une conférence organisée par Syntec Informatique, un représentant d'un éditeur confiait espérer que la récente offensive de l'Afdel pousse le syndicat patronal à se scinder plus clairement en deux branches, dont une représentant les métiers de l'édition.
Le rapprochement de l'Afdel avec CICF devrait marquer une nouvel étape dans l'affrontement entre les grands du logiciel français et ceux des services. Dans un premier temps, les membres de l'Afdel entendent agir indirectement via CICF pour se faire entendre. Mais on imagine facilement que les grands adhérents de l'association vont aussi adhérer à CICF informatique afin de trouver une voie d'action plus directe. Au vu des forces en présence, une centaine d'adhésions de membres de l'Afdel à CICF Informatique suffirait en effet aux membres de lassociation pour prendre le contrôle du syndicat et se poser en concurrents directs de Syntec Informatique...
Quand l'AFDEL dégomme Syntec
Patrick Bertrand (Cegid), président de l'Afdel |
Interrogé par leMagIT sur les motivations du rapprochement avec CICF, le président de l'Afdel (et par ailleurs directeur général de l'éditeur de PGI Cegid), Patrick Bertrand , explique que les membres de l'association voulaient pouvoir avoir la capacité de peser et agir sur la politique de formation continue de la branche, mais aussi sur la convention collective.
"Pour nous, le sujet est simple : l'Afdel s'est construite par ce que l'on n'avait pas l'impression que l'édition était représentée efficacement par Syntec, on a eu des discussions pour voir comment on pouvait travailler ensemble. Nous pensons que les éditeurs doivent pouvoir être représentés dans une structure autonome [sous-entendu, ce que ne veut pas Syntec Informatique]. On a trouvé cette ouverture dans la fédération CICF, qui nous fournit les moyens d'agir et d'atteindre nos objectifs. Il y a en effet une forte demande de nos adhérents d'être assis à la table du paritarisme".
Sans se muer en véritable syndicat professionnel, une tâche qui reléverait du parcours du combattant en l'état de la législation, l'Afdel estime qu'elle va bénéficer de cette qualité "par contagion". Patrick Bertrand confirme aussi qu'il y "aura des candidats Afdel pour les mandats", ce qui supposera sans doute l'adhésion directe des membres de l'association à CICF comme nous l'indiquions plus haut.
Une convention collective incomplète ?
Et Patrick Bertrand de multiplier les piques en direction de Syntec Informatique : "Désormais, on est accroché à une fédération qui a le sentiment qu'il faut pousser le monde du logiciel". Pour Patrick Bertrand, cela passe à terme par une refonte de la convention collective et de la politique de formation de la branche. "Si vous cherchez une formation de consultant aujourd'hui au Fafiec, vous n'avez aucun problème, mais pour une formation de développeur de logiciel de haut niveau, c'est le désert(…). Chacun comprendra aussi que la convention collective de la branche doit couvrir aussi bien les métiers de l'édition que celui des services. Elle doit prendre en compte aussi bien les problématiques, le statut et l'environnement d'un consultant en régie que celui d'un développeur de haut niveau dans le logiciel. Il faut que la convention collective soit teintée des métiers qu'elle est censé couvrir. Or, aujourd'hui, elle convient pour les consultants, pas pour les métiers du logiciels".