Résultats : le rideau de fer imposé par Oracle étouffe Sun à petit feu
Le black-out imposé à Sun vis-à-vis de l'extérieur et l'absence de plans clairs sur l'avenir des différentes gammes matérielles du constructeur continuent d'avoir un impact catastrophique sur les ventes de la société. Au cours du dernier trimestre, le constructeur a ainsi vu ses ventes reculer de près d'un tiers, alors même que ses concurrents se redressent. Plus que jamais, il est temps qu'Oracle fasse tomber le rideau de fer qu'il a dressé autour de Sun.
Mais où sont donc passés Jonathan Schwartz et Scott McNealy, les bouillants dirigeants de Sun ? Une chose est sûre, ils n’étaient pas disponibles vendredi pour commenter les résultats calamiteux du constructeur pour son premier trimestre fiscal. Le communiqué émis par la firme pour présenter ses résultats illustre d’ailleurs parfaitement l’aptitude actuelle de la firme : il ne comprend que des tableaux de chiffres et aucun commentaire. On en viendrait presque à regretter des perles comme celle écrite par Schwartz lors de son dernier commentaire de résultats. C’était, cela ne s’invente pas, le 1er mai dernier. Le patron de Sun y écrivait : « nous continuons à investir dans l’avenir créé par les alternatives libres aux technologies propriétaires, comme l’illustre l’acquisition de MySQL. Le monde se tourne vers l’innovation Open Source et Sun continue à mener cette révolution. »
Le fait est que Schwartz n’a plus été entendu depuis l’été et qu’il n’a même pas fait une apparition publique à Oracle OpenWorld, la conférence de l'éditeur qui s'est tenue en octobre dernier. Le « privilège » de représenter Sun a été laissé à un Scott McNealy, dont le script semblait comme dicté par Larry Ellison. Un peu comme un ancien dirigeant d’un pays de l’Est piloté par son marionnettiste moscovite... La métaphore n'est pas si exagérée. Depuis l'annonce de l'acquisition de Sun par Oracle, c'est comme si un rideau de fer s'était abattu sur la firme de Santa Clara.
Les ventes de matériels dévissent
Et l'impact est calamiteux : en l’absence de toute vision stratégique publique et de plans de développement (roadmap) clairs, les clients désertent plus que jamais le constructeur californien. Ses ventes de serveurs Sparc Entreprise se sont ainsi effondrées de 40 % pour le premier trimestre fiscal 2010, tandis que celles des serveurs multithreadés UltraSparc T2 et T2+ subissaient leur premier revers en deux ans, avec une chute de 20 % des livraisons. Au total, les ventes de serveurs Sparc, qui pesaient 978 M$ au premier trimestre 2008 et 914 M$ au premier trimestre 2009, s’établissent pour le trimestre écoulé à 615 M$. Même les ventes de serveurs x86, l’un des rayons de soleil des années récentes de Sun, ne sont pas épargnées, alors que l’offre de la firme n’a pourtant jamais été aussi solide. Sur un an, le recul des ventes de serveurs x86 s’établit à 10 %.
Côté logiciel, le paysage est un peu plus rose avec une hausse inexpliquée de 54 % des revenus liés à Java, une hausse de 2 % des ventes de MySQL (alors que la croissance moyenne en 2009 avait été de 51 %) et un recul de 34 % des revenus liés à Solaris et à la virtualisation. De quoi méditer sur le rôle de leader de l’Open Source que vantait Schwartz en mai 2009.
Mais l’activité la plus affectée par la crise de Sun est le stockage. Les ventes de baies traditionnelles du constructeur sont en chute libre de 37 % et les livraisons de systèmes de sauvegarde sur bande en recul de 25 %. Dans cette débâcle, la gamme Open Storage surnage avec un CA en hausse de 40 %. Seul problème, elle reste pour l’instant confidentielle avec un chiffre d’affaires de 35 M$.
Pour le trimestre, les revenus produits de Sun s’établissent à 1,187 Md$ contre 1,764 Md$, il y a un an, soit un chute de 32,7 %. Les services résistent mieux à 1,05 Md$ contre 1,22 Md$ au premier trimestre fiscal 2009, soit une recul limité à 13,9 %. Au total, le CA s’affiche à 2,24 Md$ et la perte nette à 120 M$ (contre 1,68 Md$ de perte il y a un an à la même époque, un trimestre il est vrai plombé par un effacement d'écart d'acquisition massif sur MySQL).
Faire le dos rond et couper dans les coûts
Le problème est que tant qu’Oracle gardera le silence sur ses intentions quant aux offres de Sun et ne clarifiera pas ses roadmap de façon publique, l'hémorragie risque de se poursuivre, les clients se tenant à l’écart de la société de peur d’investir dans des équipements potentiellement en voie de disparition. Au lieu de cela, la firme dirigée par Larry Elisson a imposé un black-out total aux salariés de la firme, black-out qui touche aussi les communications avec la presse (pour la petite histoire, la firme ne répond plus qu’aux sollicitations par e-mail et renvoit toute demande vers les Etats-Unis, un processus inspiré des méthodes très particulières d’Oracle en matière de communication avec la presse).
Faute d’une plus grande transparence avec les clients de Sun, comme avec ses revendeurs, la presse et les analystes, Oracle est aujourd’hui de fait devenu la principale menace pour les comptes du constructeur californien. L’incertitude que laisse planer le silence de la firme est en effet utilisé à plein par ses concurrents pour tailler des croupières à Sun sur ses principaux marchés. Faute de pouvoir repasser à l’offensive, la firme de Santa Clara se voit contrainte de se replier sur elle-même et de faire la seule chose qui lui est possible : faire le dos rond en coupant le plus possible dans ses coûts.
Ce qu’elle a encore réussi à faire ce trimestre avec une baisse de 24 % de ses dépenses administratives et de R&D. Mais cet exercice de « cost cutting » a ses limites et ne pourra pas être prolongé durablement sous peine d’affecter ce qui faisait la force de Sun : son aptitude à innover. De plus les réserves de cash de Sun ne sont pas infinies : elles sont ainsi repassées sous la barre des 2,4 Md$. Il est donc plus que temps pour Sun qu’Oracle dévoile clairement ses plans concernant Sun à ses clients et à la Commission Européenne afin que cesse le pitoyable sketch qui se joue aujourd’hui entre Bruxelles et Redwood...
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