Surfacturations chez Orange : pourquoi l'opérateur ne maîtrise pas sa facturation 3G
En l’espace de quelques jours, les témoignages relatifs à des incidents majeurs de facturation d’offres d’accès à Internet par clé 3G d’Orange se sont multipliés. Le silence de l’opérateur – ainsi que celui auquel il a contraint l’une des victimes, en échange d’un arrangement amiable – contribue au développement d’un climat de suspicion. Avec, en toile de fond, une question : la facturation des services de données mobiles d’Orange est-elle fiable ? Un syndicaliste de l’opérateur n'hésite pas à nous faire part de ses doutes.
Eric Gernez, cafetier dans un village près de Valenciennes, a reçu une facture de près de 46 000 euros de la part d’Orange pour sa clé 3G+, fin août. Puis une autre de plus de 20 000 euros pour le mois de septembre. Jean Spadaro, médecin urgentiste dans le Loiret, a battu le record, avec près de 160 000 euros facturés pour le mois de mai dernier. Près de Nantes, toujours pour une clé 3G, une facture a flirté avec les 40 000 euros… Que se passe-t-il chez Orange ? Le système de facturation lié aux clés 3G est-il tombé sur la tête ? Sébastien Crozier, porte-parole du syndicat CFE-CGC/Unsa chez France Télécom, apporte des éléments réponses.
Une facturation au volume mal maîtrisée
« Le premier élément, c’est l’originalité de ce type de facturation, au volume. Une facturation toujours extrêmement difficile à établir d’un point de vue technique. » Se rappelant d’un ancien abonnement câble chez Noos, qui était assorti de limites de volumes d’échanges de données, Sébastien Crozier souligne « qu’il y a toujours eu des incidents [avec ce type de facturation], sur le fixe comme sur le mobile. » Pour quelles raisons ? « Techniquement, gérer des paquets, c’est compliqué. » De fait, le comptage – qui doit permettre d’établir la facture – est fait dans le réseau, au niveau de la passerelle qui met en relation l’abonné avec Internet. Hors, sur un réseau IP, il y a, par construction, des pertes de paquets : « qu’est-ce qu’on fait lorsqu’un paquet est perdu ? On le renvoie ; il repasse par la passerelle. » Et se voit donc comptabilisé une seconde fois. Bref, pour compter de manière fiable les paquets, il faudrait un agent logiciel sur le terminal de l’abonné. Impossible. Comment garantir, en effet, l’envoi des détails de communications par le terminal vers le système de facturation, à temps pour que celle-ci soit établie ? Et comment garantir l’intégrité de ces données ? Bref, pour Sébastien Crozier, les offres data souffrent d’un mal intrinsèque : « la technologie IP n'est pas adaptée à comptage tel que celui auquel on est habitué dans le monde des télécoms. »
L’itinérance complexifie encore l’équation
A cela vient s’ajouter la problématique de l’itinérance sur des réseaux étrangers, le roaming. Une problématique à plusieurs facettes qui a pu jouer dans le cas du cafetier voisin de Valenciennes. « Sur leur mobile, les frontaliers définissent manuellement leur opérateur, pour éviter les itinérances involontaires. » Une chose impossible à faire avec une clé 3G. Certes, les cartes SIM intègrent des listes de réseaux préférés, mais cela ne suffit pas à éviter les connexions intempestives sur des réseaux étrangers en zone frontalière. Une situation potentiellement aggravée par le fait qu’en roaming, des intermédiaires supplémentaires se glissent entre l’utilisateur final et le proxy de l’opérateur français : « le nombre de paquets perdus [donc ré-expédiés et refacturés, NDLR] augmente rapidement », explique Sébastien Crozier.
Intervient alors une double problématique d’ordre commercial. En roaming, avec un délai de 48h pour la prise en compte des éléments de facturation des communications, « les systèmes d’alerte ne fonctionnent pas ». Ou du moins ne remplissent-ils leur rôle qu’avec un retard conséquent. En outre, quid de la validité de la chaine de facturation dans ce contexte ? « Elle repose sur la bonne foi des protagonistes », juge Sébastien Crozier. De quoi s’interroger largement le sérieux des factures en roaming…
L’offshore aggrave la gestion commerciale de la crise
Dans un contexte pareil, pourquoi n’a-t-on jamais assisté à des procès retentissants liés à la contestation de communications facturées à l’étranger ? « Parce qu’il y a, pour ça, des processus de médiation clairs et bien identifiés. » Des processus qui n’existent pas, selon Sébastien Crozier, pour les offres de type clé 3G : « les offres ont récemment changé, c’est cela, combiné à leur succès, qui a provoqué l’explosion des incidents », estime le syndicaliste.
Surtout, Sébastien Crozier met en cause la délocalisation du service clientèle, à l’Ile Maurice. «
Cela fait des mois que l’on alerte, tant pour des questions sociales que de qualité du service rendu au client. Les gens qui répondent à nos clients n’utilisent pas nos produits. Concrètement, qu’imaginez-vous que représente, pour un insulaire, le concept même de connexion transfrontalière inopinée ? » Pour lui, les clients d’Orange font les frais d’une « politique folle de réduction des coûts et de délocalisation. Tout ça pour économiser quelques centimes sur chaque facture de client. » Pas sûr que les intéressés apprécient la portée de l’économie.
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