Grand Emprunt : l’informatique, grande absente des leviers de croissance à la française
Promu au rang de priorité au moment de définir les axes de réflexion, le secteur des technologies de l’information a quasiment disparu du rapport sur le Grand Emprunt remis par la commission Juppé-Rocard à Nicolas Sarkozy. Le logiciel – notamment d’entreprises - n’est visiblement pas un levier de croissance et d’emploi suffisant pour l’avenir de la France aux yeux de ladite commission. Restent les tuyaux et les contenus numériques qui se voient potentiellement allouer 4 milliards d’euros.
Une nouvelle déception ? Après celle des Assises du numérique qui avaient débouchées en 2008 sur une prise en compte extrêmement mineure du secteur du logiciel dans le plan numérique 2012, le Grand Emprunt pourrait bien une nouvelle fois faire l’impasse sur l’informatique. Au grand dam des représentants de l’industrie IT française qui montent pourtant de plus en plus au créneau.
Las, dans son rapport, la commission Juppé-Rocard, chargée de réfléchir sur les priorités d'investissement, ne considère pas l’informatique d’entreprise comme une des clés de la croissance du futur – cible du Grand Emprunt. Pourtant, début octobre, le gouvernement avait remis une sorte de feuille de route avec 29 projets de recherche détectés comme prioritaires et réunis autour de trois grands piliers, dont l’informatique, associée pour l’occasion à la communication et aux nanotechnologies. Les deux autres priorités étaient la santé et les biotechnologies ainsi que l'environnement et les écotechnologies.
Tuyaux et contenus : deux milliards pour chacun
Au final, sur un montant nécessaire que la commission Juppé-Rocard évalue à 35 milliards d’euros, seul 4 milliards concernent le numérique, et aucun l’édition logicielle ! Encore une fois, les pouvoirs publics ne voient l’IT que par sa dimension tuyau (réseaux de télécommunications), avec une recommandation pour le développement d’un réseau très haut débit auquel pourrait être alloué 2 milliards d’euros. Les deux autres milliards allant vers un vague « développement des usages et contenus numériques innovants ». Du réseau et des contenus donc… mais rien entre les deux pour la France qui devra laisser aux autres le soin d’imaginer les outils intermédiaires pourtant clés dans la constitution de services d’information, tant côté grand public que côté entreprises.
On est très loin des efforts d’investissement entrepris aux Etats-Unis par exemple, où l’administration Obama a fait des systèmes d’information un des leviers de sa logique de sortie de crise. Notamment avec une modernisation de l’e-administration et l’intégration de la problématique IT dans son projet de réforme du système de couverture santé.
Le risque du saupoudrage
En France, il faudra donc surtout compter sur l’Inria pour voir le secteur se développer réellement via le Grand Emprunt… Les recommandations font en effet la part belle à la recherche institutionnelle qui se verrait allouer quelque 16 milliards d’euros pour des actions tournant autour de la mise en réseau et de la constitution de pôles de recherche de dimension mondiale.
Au-delà de ce grand pilier, le programme proposé donne le sentiment d’un grand saupoudrage avec des montants d’investissement divers tournant autour de 1 à 2 milliards d’euros. Loin des recommandations initiales qui insistaient sur le besoin de leviers forts et d'injections de fonds massives.
Après s’être vu remis le document de la commission dans la journée, le président de la République, Nicolas Sarkozy, doit rencontrer les partenaires sociaux la semaine prochaine avant de déterminer, début décembre, de quoi sera fait ce Grand Emprunt. Un calendrier très cours qui devrait donc laisser peu de temps pour une remise en question des conclusions de la commission Juppé-Rocard.